Communiqué de Maria Zakharova, porte-parole du Ministère russe des Affaires étrangères, concernant l'adoption du budget de la Défense aux États-Unis
La loi fixant le budget de la Défense des États-Unis pour 2017, signée le 23 décembre par Barack Obama, ne fait pas entorse à la tendance observée ces dernières années: elle contient de nombreuses directives adressées au Pentagone sur la politique à mener vis-à-vis de la Russie. Elle maintient notamment l'interdiction de toute coopération militaire avec Moscou tant que les autorités russes ne cesseront pas l'"occupation du territoire ukrainien", ne respecteront pas "leurs engagements" dans le cadre des accords de Minsk et ne mettront pas fin à leurs "actions agressives menaçant la souveraineté de l'Otan".
Cette manie de lier les contacts militaires bilatéraux à la crise ukrainienne est tout simplement surprenante. Il est grand temps que nos partenaires américains reconnaissent l'évidence: la décision prise par la population criméenne de rejoindre la Russie et la situation actuelle déplorable en Ukraine ne résultent pas d'une "agression russe" imaginaire, mais du coup d’État survenu à Kiev il y a près de trois ans et chapeauté par l'actuelle administration américaine. Au lieu de nous reprocher le "non-respect" des accords de Minsk - dont la Russie ne fait pas partie - Washington devrait enfin assurer leur mise en œuvre par ses clients de Kiev, qui n'ont visiblement aucun intérêt à régler le conflit dans le Donbass de manière pacifique.
La prétendue "menace russe" contre la souveraineté et l'intégrité territoriale des pays de l'Otan est une idée encore plus étrange. En effet, ce sont justement les Américains et leurs alliés qui font preuve d'une activité militaire particulièrement intense, élargissent l'Alliance et rapprochent leur potentiel de combat de nos frontières. Nous sommes naturellement obligés de prendre en considération ces évolutions lors de la mise en œuvre de nos programmes militaires.
Une partie considérable de la loi en question est consacrée au bouclier antimissile américain (ABM). Si, par le passé, il était destiné à bloquer des "frappes limitées" contre les USA, il a désormais pour objectif d'assurer une protection "efficace, fiable et échelonnée" contre une attaque balistique. Washington a donc mis de côté ses histoires sur la "menace nucléaire de l'Iran et de la Corée du Nord", qu'il avait longtemps utilisées comme prétexte au déploiement de ses forces antimissile, pour affirmer ouvertement que ses projets étaient beaucoup plus vastes et visaient à briser la parité nucléaire avec la Russie pour obtenir des avantages unilatéraux dans le domaine stratégique.
La loi permet cependant une coopération avec la Russie dans le cas où elle serait "dans l'intérêt de la sécurité des États-Unis". Il s'agit notamment du travail mené dans le cadre des accords sur le contrôle des armes, ainsi que de l'approvisionnement des opérations en Afghanistan. Mais une approche si sélective est vicieuse par nature, ce que nous voyons clairement en Syrie où les Américains ont renoncé à une coopération à part entière avec la Russie dans la lutte contre le terrorisme.
Au lieu d'y combattre les exactions des extrémistes de tout bord, comme nous le suggérons depuis longtemps, Washington mise sur l'octroi d'une aide militaire à des formations antigouvernementales qui ne sont pas vraiment différentes des bouchers terroristes. La nouvelle loi prévoit la possibilité de leur livrer des armes, y compris des missiles sol-air portables.
L'administration Obama ne peut pas ignorer le fait que ces armes se retrouveront rapidement entre les mains des djihadistes, qui agissent souvent de pair avec de nombreux opposants prétendument "modérés". En réalité, elle pourrait même compter sur ce scénario car elle protège déjà de fait le groupe terroriste Front al-Nosra, branche d'Al-Qaïda - ce qui ne peut être qualifié que de complicité de terrorisme.
La décision américaine constitue donc une menace directe contre les avions des forces aériennes russes, le personnel militaire russe et notre ambassade en Syrie qui a été plus d'une fois la cible de tirs. Nous considérons cette initiative comme une démarche hostile.
La loi contient d'autres éléments touchant aux intérêts russes, notamment des accusations infondées sur la violation prétendue du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire par la Russie, ainsi que des inquiétudes fictives concernant le respect par Moscou du traité START et du traité Ciel ouvert. Tout ce discours justifie une accélération de la conception de nouvelles armes dans le cadre de la Prompt Global Strike. Conclusion: Washington brandit ses armes de manière ostentatoire.
Étonnant mais vrai, la loi sur le budget militaire contient une clause permettant au président américain d'introduire des sanctions contre les citoyens étrangers responsables, selon lui, de violations des droits de l'homme. Ainsi, Barack Obama a conféré à la loi Magnitski antirusse de 2012 un caractère global et voué l'Amérique à des tensions non seulement avec la Russie, mais aussi avec le monde entier. L'utilisation de la protection des droits de l'homme pour faire pression sur des gouvernements indésirables est une tradition de longue date de la politique étrangère de Washington. Désormais, l'instauration de la "démocratie à l'américaine" sur toute la planète fait désormais partie des compétences du Pentagone.
D'une manière générale, on a l'impression que l'équipe de Barack Obama - qui vit les derniers jours de sa présidence - tente par cette loi de poser une mine sous la future administration de Donald Trump, de compliquer son travail sur l'arène internationale et de lui imposer sa politique antirusse parallèlement à l'introduction frénétique de nouvelles sanctions contre Moscou. Cette politique a déjà mené à une impasse totale les locataires actuels de la Maison blanche, qui croyaient qu'il était possible de faire pression sur la Russie. Nous espérons que leurs successeurs feront preuve de plus de sagesse.