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Intervention du Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie Sergueï Lavrov devant les étudiants et enseignants de l'Université nationale d'Eurasie Lev Goumiliov et réponses aux questions au cours de la discussion qui l’a suivi. Astana, le 12 Septembre 2013

1732-12-09-2013

Cher Erlan Battashevitch,

Cher Samat Islamovitch,

Cher Alexandre Vladimirovitch,

Chers collègues et amis,

Je suis sincèrement ravi de cette occasion de faire une intervention à l'Université nationale d'Eurasie – ce jeune et déjà compétent centre de la pensée scientifique de la République du Kazakhstan.

Notre coopération dans le domaine de l'éducation et de la science se développe avec succès. Je suis heureux de constater qu'à plusieurs égards votre université travaille en étroite collaboration avec les institutions scientifiques et éducatives russes, contribuant ainsi au renforcement de l'espace humanitaire commun. Il y a six branches d'universités russes au Kazakhstan, dont une – la filiale kazakh de l'Université d'Etat de Moscou – est créé sur la base de votre Université. Les contacts entre les centres universitaires sont d'une importance particulière dans le contexte de l'approfondissement de l'intégration économique et l'interaction interétatique.

L'éminent penseur et historien Lev Nicolaevitch Gumiliov, dont votre Université porte le nom et dont nous avons marqué le 100e anniversaire de la naissance l'année dernière, dans sa dernière interview a suggéré que le principal intérêt dans la vie sont des amis et des alliés sincères. Les relations de partenariat stratégique entre la Russie et le Kazakhstan sont un patrimoine inestimable de nos peuples, que nous tâchons de préserver et multiplier par tous les moyens.

Les principes de partenariat bilatéral sont inscrits dans le Traité d'amitié, de coopération et d'assistance mutuelle entre la Fédération de Russie et la République du Kazakhstan du 25 mai 1992. En 2012 il a été prolongé pour une nouvelle période de dix ans.

Sur la demande du Président Vladimir Poutine et du Président Noursoultan Nazarbaïev le travail est en cours pour préparer un Accord de bon voisinage et de l'alliance entre la Russie et le Kazakhstan au XXI e siècle, qui sera signé cette année. Ce document, orienté vers l'avenir et conçu pour monter la coopération entre nos deux pays à un nouveau niveau qualitatif, vu les réalités actuelles et les accords atteints sur la poursuite du développement de l'intégration économique dans le contexte de la création de l'Union économique eurasienne.

Nos pays ont la plus longue frontière terrestre de la planète - plus de 7600 km. Par conséquent, nous avons des liens interrégionaux et transfrontaliers très actifs, une vaste coopération commerciale, économique et industrielle, couvrant tous les nouveaux domaines de coopération – la part du commerce transfrontalier dans le chiffre d'affaires total est d'environ 40 %. Cette année la dixième réunion du Forum de coopération interrégionale entre la Russie et le Kazakhstan, avec la participation des chefs des deux Etats, aura lieu à Ekaterinbourg.

Les approches de nos pays à la plupart de principaux problèmes du monde sont identiques ou très similaires. Cela concerne, en particulier, l'évaluation de la période de transition actuelle du développement mondial. Son essence réside dans la création d'un système international polycentrique doit être juste, démocratique, reflétant la diversité culturelle et civilisationnelle du monde moderne. Nous avons toujours préconisé la promotion des principes de droit et l'indivisibilité de la sécurité dans les relations internationales. Ceci est particulièrement important dans le contexte des tentatives de résoudre des crises par la force, en contournant le cadre du Conseil de sécurité de l'ONU et les principes de la Charte des Nations Unies, ce qui fait saper la stabilité internationale, accumule dangereusement des éléments du chaos dans le monde. Nous sommes pour le renforcement des efforts collectifs qui visent à trouver des réponses aux défis mondiaux, y compris les questions de non-prolifération d'armes de destruction massive. Nous croyons la création de la zone exempée d'armes nucléaires en Asie centrale une étape importante. Cela permettra de renforcer la sécurité dans la région, dont le principal garant est l'Organisation de Traité de sécurité collective.

Moscou et Astana sont au centre de processus d'intégration variés sur l'espace de la CEI. Devant nos yeux, la région a la possibilité de s'unir autour d'un "noyaux" eurasien sur une base nouvelle, pragmatique et économiquement attractive. C'est le Président du Kazakhstan Noursoultan Nazarbaïev qui est à l'origine de ce projet.

Là encore on se rappelle des paroles de Lev Goumiliov, qui croyait que l'eurasisme n'est pas seulement un grand avenir, mais il n'a pas d'alternative dans le futur, comme c'est le chemin de la coopération et non pas de la confrontation, de la compréhension mutuelle et non pas des conflits, de l'égalité des grandes et petites nations plutôt que le nationalisme et le chauvinisme.

À l'époque, un éminent historien russe Vassili Osipovich Klioutchevski a noté la valeur du contenu populaire et psychologique d'un processus historique. Dans le contexte actuel, cela signifie que le succès des initiatives de grande envergure n'est possible que si la volonté politique connaît un large soutien des citoyens. La croissance de la prospérité, la création des conditions de vie confortables, l'élargissement les possibilités pour l'entrepreneuriat, la créativité et l'innovation font le sens principal des processus d'intégration dans la CEI dans le cadre de l'Union douanière et l'Espace économique commun de la Russie, du Kazakhstan et de la Biélorussie. Aujourd'hui, ce marché rassemble 165 millions de consommateurs et se base sur des principes universels, conformément aux règles de l'OMC, et est harmonisé sur un certain nombre de paramètres, y compris la politique macroéconomique, les règles de concurrence, un système de réglementation technique, les transports.

Je vais citer quelques chiffres. En 2011, le volume du commerce bilatéral entre les pays de l'Union douanière a augmenté de près de 40%, en 2012 la hausse était de 8,7%, et cette année il continue de croître. Nous voyons que le Kazakhstan augmente rapidement sa contribution au volume total des exportations de l'Union douanière. En moyenne, le PIB augmente de 3,8 %. De nouveaux emplois sont créés, le chômage a diminué de près de 20%. Le climat d'investissements, les conditions pour le business et, notamment les PME, s'améliorent dans les trois pays.

Nos pays partagent le but stratégique commun de former pour le 1 janvier 2015 l'Union économique eurasiatique. Cela implique la libre circulation des biens, des services, des capitaux et de main-d'œuvre, sans exceptions et limitations et vise à maximiser l'utilisation des relations économiques mutuellement bénéfiques au sein de la CEI.

Nous nous attendons à ce que l'Union économique eurasienne sera le plus grand projet d'intégration qui déterminera l'avenir non seulement des trois pays, mais aussi d'autres Etats postsoviétiques qui partagent les objectifs et les principes de notre intégration et sont prêts à prendre les obligations pertinentes. Le Kirghizistan et l'Arménie l'ont déjà annoncé. Les portes sont ouvertes pour d'autres pays de la CEI. Comme vous le savez, le 31 mai l'Ukraine a signé le protocole sur l'approfondissement de la coopération avec la Commission économique eurasienne.

L'intensification du processus d'intégration eurasienne est une réalité objective. Il est difficile de ne pas partager l'avis du député du Parlement européen, l'ancienne ministre française Rachida Dati, que s'opposer à l'émergence de cette nouvelle union serait une erreur historique: face à des pays asiatiques en développement rapide elle pourrait devenir pour l'Europe un «pont vers l'Asie» et un stabilisateur de l'équilibre global.

Et cet équilibre est très facile à briser. Aujourd'hui l'attention du monde entier est attachée aux événements en Syrie. Je ne vais pas répéter nos evaluations, je suis sûr que vous les connaissez. Nous allons continuer à contribuer au règlement politique sur la base du communiqué de Genève du 30 juin 2012, qui dit que les Syriens doivent décider de leur propre avenir eux-mêmes. La Russie entreprend des efforts diplomatiques actifs pour empêcher l'intervention militaire extérieure en Syrie, qui ne ferait que conduire à une plus grande déstabilisation dans le pays et la région dans son ensemble. Nous avons salué l'accord du gouvernement syrien avec notre proposition de placer les sites de stockage d'armes chimiques en Syrie sous contrôle international et de les détruire après, ainsi que d'adhérer à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques. Je suis sûr qu'il y a une chance pour la paix en Syrie et nous ne pouvions pas la manquer. Aujourd'hui, nous allons discuter ce sujet avec le secrétaire d'Etat américain John Kerry à Genève.

Il est clair que l'ensemble des menaces qui pèsent sur la sécurité en Asie centrale ne se limite pas aux problèmes qui viennent du Moyen-Orient ou du Proche Orient. Il existe d'autres défis, notamment ceux liés à l'évolution de la situation en Afghanistan. D'où vient l'importance que nous attachons à la tâche d'assurer la paix et la sécurité en Asie centrale, en coopération étroite avec nos partenaires kazakhs. Nous allons continuer à développer systématiquement un système régional de sécurité et les relations d'alliés sur une base bilatérale et dans le cadre du Traité de sécurité collective, de la CEI et de l'OCS.

Notre intérêt est facile à expliquer - la situation dans la région affecte directement la sécurité nationale en Russie, le bien-être de plus de cinq millions de nos compatriotes qui habitent ici. Nous sommes intéressés par le développement stable, sans bouleversements, en pleine sécurité des cinq pays de l'Asie centrale. Car au cas de l'évolution négative nous devrons assurer ensemble la sécurité de nos citoyens, résoudre des problèmes des réfugiés, lutter contre l'extrémisme, répondre à d'autres menaces.

Notre attention collective se focalise sur la lutte contre le terrorisme international et la criminalité transnationale, le trafic illicite de drogue, les menaces de l'utilisation des technologies de l'information et de la communication pour provoquer l'instabilité et inciter la haine ethnique, religieuse, sociale, au détriment de la sécurité de l'individu, la société et l'Etat. Il est donc d'autant plus important de renforcer davantage, dans le cadre de l'OTSC, la coopération entre des forces de l'ordre, des services des gardes-frontières et des agences anti-drogue des pays membres de l'Organisation.

Ces dernières années, l'OTSC a accumulé une importante expérience, ainsi que le potentiel nécessaire pour résoudre des tâches multiformes dans le domaine de sécurité et de neutralisation de menaces dans sa zone de responsabilité, y compris la région d'Asie centrale.

Cependant, l'OTSC est ouverte à la coopération avec les "joueurs" étrangers, y compris l'OTAN, en particulier en ce qui concerne les problèmes liés à l'Afghanistan. Nous sommes intéressés de conjuger nos efforts pour lutter contre la menace de la drogue afghane. Empêcher le trafic illicite de drogue est une contribution majeure à la lutte contre le terrorisme international, qui reçoit un soutien financier important du trafic de drogue. Depuis dix ans, nous menons sous l'égide de l'Organisation du Traité de sécurité collective l'opération "Canal", ce qui a permis de saisir plus de 5,5 tonnes de drogues l'année dernière. Nous attachons une grande importance à la coopération régionale dans le cadre de l'OCS sur la base de la Stratégie antidrogue de la SCO pour les années 2011-2016 et le Plan d'action pour sa mise en œuvre.

Nous considérons l'OCS comme un domaine prioritaire pour la contribution régionale consolidée au règlement afghan, et nous sommes pour le renforcement des liens entre l'OCS et l'OTSC. La Russie et le Kazakhstan sont activement impliqués dans les activités de l'OCS et sa structure antiterroriste régionale.

L'année dernière, le Président de la Russie Vladimir Poutine a proposé de créer, sur la base de la structure antiterroriste régionale de l'OCS, un Centre universel pour lutter contre les nouveaux défis et menaces à la sécurité des États membres de l'Organisation. Nous espérons que demain, lors du sommet de l'OCS à Bichkek, la conception de la création d'un tel centre, en tant qu'un outil de sécurité efficace, sera discuté.

Le bon voisinage et la coopération multiforme avec des partenaires font une priorité de la politique étrangère russe. Certes, sur la base d'égalité, de bénéfice et respect mutuels, des normes fondamentales du droit international et des intérêts des uns des autres. C'est dans cet esprit que nous avons l'intention de continuer à développer nos relations avec les pays d'Asie centrale. Nos relations sont basées sur les riches traditions, qui prennent leurs racines dans les siècles. Nous connaissons bien le potentiel de la région, ses ressources naturelles riches et les capacités de transit.

Aujourd'hui, le volume total des échanges entre la Russie et ces pays est de plus de 30 milliards de dollars, dont 22,5 milliards de dollars sont dans les liens économiques russo-kazakhes. Il y a environ 900 contrats et accords de contenu essentiellement économique. Chaque année plus de 5,7 millions de personnes arrivent dans notre pays en provenance de l'Asie centrale, et leurs transferts d'argent envers la région atteint presque 12 milliards de dollars par an.

Nous augmentons nos efforts pour aider nos alliés dans la région. Au cours des cinq dernières années, nous y avons envoyé plus d'un milliard de dollars sous forme de contributions de donateurs. Nous avons amorti la dette extérieure de certains pays. Dans un nombre de cas, nous fournissons à nos partenaires des hydrocarbures sans franchise, donc nous les subventionnons. Des milliers d'étudiants et de spécialistes de l'Asie centrale font leurs études en Russie aux fais du budget russe.

Toutefois, dans les échanges commerciaux généraux de la Russie le part de la région est relativement petit - seulement 3,6%. Nous avons un objectif commun de diversifier les relations commerciales et économiques, d'améliorer les conditions pour le business, les projets à long terme, afin de maximiser l'utilisation des capacités nationales existantes de coopération mutuellement bénéfique.

Au Kazakhstan on dit que l'amitié est testée par la fidélité. Au fil des années, nos pays ont été en mesure de construire des relations exemplaires, basées sur la volonté mutuelle de tenir compte des intérêts des partenaires, de travailler ensemble pour un meilleur avenir commun. Mes rencontres de derniers jours avec le Président de la République du Kazakhstan, le ministre des Affaires étrangères et d'autres contacts avec les amis kazakhs confirment l'intention mutuelle sérieuse de continuer à aller dans cette direction.

Je vous remercie de votre attention. Et je suis prêt à répondre à vos questions.

Question: Comment évaluez-vous l'efficacité du G20 pour faire face aux vrais problèmes de l'économie mondiale? Est-ce que cette structure n'est qu'un autre forum de discussion?

Lavrov: Comme vous le savez, le G20 existait depuis longtemps au niveau des ministres et des experts. Avant la crise de 2008-2009 leurs réunions n'étaient pas trop visibles. Les pays, qui avaient participé à ce problème, l'ont trouvé correct de ne pas seulement rendre cette structure opérationnelle, mais aussi de l'élever au plus haut niveau. Cela reflète une compréhension du fait qu'aujourd'hui les problèmes de l'économie mondiale ne sont plus résolus dans des formats plus étroits. Le G8 et le G7 (qui existe toujours) ne sont pas suffisamment représentatifs pour examiner en toute confiance et de façon représentative les problèmes de l'économie mondiale et élaborer des conseils appropriés.

Le premier sommet du G20 a eu lieu en automne 2010. Lors de ce sommet des décisions de caractère systémique ont été prises sur la réforme du système monétaire et financier international, pour que la voix des pays qui sont aujourd'hui les moteurs de la croissance économique et les centres du pouvoir financier, soit entendue plus clairement dans ce système, en particulier le Fonds monétaire international. Cela pourrait garantir une participation au processus décisionnel de plus plein droit.

Bien sûr, le G20 n'est pas une organisation officielle, c'est un club informel. Il se compose des pays, qui représentent environ 90% du PIB mondial. N'oubliez pas qu'il existe d'autres, près de 180 états membres des Nations Unies, qui dépendent des processus turbulents de l'économie mondiale et dont nous devons tenir compte des intérêts.

Je vais souligner deux aspects. Tout d'abord, le G20, en élaborant ses recommandations, se base toujours sur le fait qu'elles ne peuvent pas avoir une action juridique directe, et sont soumises à l'approbation par les structures appropriées, y compris la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, l'Organisation mondiale du commerce, et doit recevoir au moins une reconnaissance générale à l'ONU. C'est dans cet esprit que la présidence russe a travaillé. Nous nous sommes concentrés sur les questions clés d'aujourd'hui – l'élaboration de mesures qui contribuent à la création de conditions favorables à la croissance de l'investissement productif dans l'économie mondiale et à créer des emplois. Les plans, qui ont été convenues dans les documents du G20 lors du sommet à Saint-Pétersbourg, seront sans aucun doute à la base des discussions qui ont lieu dans les structures de prise de décisions juridiquement contraignantes. Le fait du consentement volontaire des principales économies du monde à prendre des mesures pour assurer une plus grande transparence dans le domaine fiscal, pour arrêter l'abus de zones offshore dit que les participants du G20 vont se pencher sérieusement sur ces problèmes.

Je vais souligner le second point. Le G20 ne peut pas (et n'en a pas le droit) se présenter sous forme d'un certain arbitre des destins du monde. Dès le début de la présidence russe, quand on travaillait sur l'ordre du jour et le programme, nous les avons convenu avec les membres du groupe, mais également avons tenu une présentation spéciale à l'ONU pour gagner la compréhension de toute la communauté internationale. Après le sommet de Saint-Pétersbourg, nos représentants ont fait une autre présentation à l'ONU, où ils ont présenté les résultats et les accords conclus, et ont répondu aux questions des pays membres de l'ONU. Je le répète, c'était une réunion pour tous les Etats qui font partie de l'ONU.

Je crois qu'à l'avenir nous devons agir de cette façon. Notre pratique a été fortement soutenue et accueillie par les pays qui ne font pas partie du G20. J'espère que les prochaines présidences feront tout pour que les activités du G20 restent transparentes et sensibles aux intérêts et aux préoccupations de tous les pays qui n'y sont pas incluses. L'invitation aux sommets du G20 des représentants des différentes organisations sous-régionales, régionales, des grands Etat des régions qui accueillent les sommets y contribue.

Comme vous le savez, le Président de la République du Kazakhstan Noursoultan Nazarbaïev a pleinement participé au sommet de Saint- Pétersbourg en tant que représentant du pays qui est le leadeur des processus d'intégration dans l'espace postsoviétique. À mon avis, sa participation a été très utile et a aidé à tracer une ligne qui nous est très importante sur la nécessité de résoudre les problèmes de l'économie mondiale non pas à travers la création des blocs fermés, afin de négocier et promouvoir des conditions privilégiées pour leurs membres au détriment du reste de la communauté mondiale, mais par la promotion effective des processus d'intégration qui doivent être ouverts et recordés les uns aux autres. La participation du Président du Kazakhstan, ainsi que la ligne du Président du sommet, le Président de la Russie Vladimir Poutine, ont aidé les participants à mieux comprendre la nature des processus d'intégration dans la région eurasienne et l'importance de notre intégration pour l'assainissement de toute l'économie mondiale, en fournissant un lien organique entre les régions de l'Atlantique et l'Asie-Pacifique.

Question: Cela fait un peu plus qu'un an que la Russie est devenue membre de l'OMC. A votre avis, qu'est ce qu'elle a gagné et perdu depuis?

Lavrov: On ne doit parler de ce qu'on a gagné ou perdu. C'est l'équilibre qui est important. Depuis de longues années c'était, peut-être, une période record de négociations sur l'adhésion d'un pays à l'OMC - nos négociateurs, experts, professionnels ont constamment vérifié cette balance. Il ne faut pas avoir des gagnants et des perdants, il faut avoir le respect mutuel et la volonté de trouver des solutions assurant des avantages mutuels. Une année est passée, mais c'est trop court pour comprendre toutes les conséquences de long terme. Nous analysons l'impact pour notre secteur agricole, industries diverses (industrie aéronautique, etc.), les services bancaires, financiers et d'assurance. Les professionnels soulignent que les prévisions paniques ne se sont pas réalisées. En général, nous nous avançons tranquillement, sans défaillances et arrêts. Plus nous participons à l'OMC, plus nous apprenons la concurrence, qui est un facteur pour assainir notre économie.

Question: Comment évaluez-vous la situation au Moyen-Orient?

Lavrov: Avec de l'inquiétude, comme, sans doute, tous les gens normaux. Ce qui se passe là-bas actuellement est déjà une crise grave, couvrant de nombreux pays. Il est extrêmement dangereux de point de vue des risques d'approfondir les conflits religieux et ethniques, les divisions au sein du monde islamique. Cela constitue des menaces qui - s'ils ne sont pas neutralisés – toucheront nous tous et d'autres pays, à proximité de cette région turbulente.

Les analystes affirment que pour résoudre la crise nous devons inventer quelque chose, lancer une idée brillante, extraordinaire et innovante. Mais toutes les recettes sont connues - ils sont incorporées dans la Charte des Nations Unies. Cela est, surtout, le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des États, la non-ingérence dans leurs affaires intérieures et le règlement de tous les litiges par des moyens pacifiques, politiques et diplomatiques.

Regardez les résultats de ces dernières décennies: dans tous les pays où il y a eu une intervention étrangère, la situation est devenue encore pire. En Irak – sur lequel on préfère désormais garder silence, car toute l'attention est concentrée sur la Syrie - suite aux attaques terroristes des dizaines de personnes meurent chaque jour. Cela fait peur! Le pays où il y a 10 ans, après l'intervention des Etats-Unis, la «victoire pour la démocratie» a été déclarée, fait face à de très graves problèmes internes, en essayant de préserver l'intégrité territoriale, assurer l'unité de tous les musulmans en Irak. Les relations entre sunnites et chiites font un sujet qui est maintenant l'objet de spéculations des régimes réactionnaires et des groupes qui veulent faire exploser le Moyen-Orient, créer le chaos et tenter d'en tirer quelque avantage.

La Libye est un autre exemple de ce comment une intervention étrangère non sanctionnée fait reculer le pays de décennies. Juste avant-hier j'ai eu une rencontre à Moscou avec le ministre des Affaires étrangères du gouvernement de transition de la Libye M.Abdel-Aziz. La Russie soutient activement les efforts des autorités centrales pour assurer l'unité du pays et la gestion du système, mais il est loin d'être décidé. Des clans qui dominent dans certaines régions de la Libye, ne veulent pas se soumettre à l'administration centrale. La fragmentation des États, les risques de perdre l'intégrité territoriale crée un grand danger. Prenez, par exemple, le problème kurde. Qu'est-ce qui se passera aux Kurdes, si l'Etat dans lequel ils vivent, commencerait à s'effondrer? Nous devons réfléchir comment préserver la souveraineté des Etats, leur intégrité territoriale et assurer les plus vastes droits aux minorités, y compris les Kurdes, les chrétiens, etc.

Le fait qu'en discutant le sujet syrien on commence à parler de la nécessité de recourir à la force, est étonnant pour moi. Les politiques sérieux ne peuvent ne pas comprendre la nocivité de ces idées, ayant l'exemple de ce qui s'est passé en Libye. Nous avons tous encore dans la mémoire des énormes conséquences négatives de l'intervention en Libye. Mon homologue libyen a souligné la complexité des problèmes de contrôle des armes parce que les rebelles ont saccagé des dépôts d'armes du gouvernement. Selon certaines estimations, il est déjà arrivé illégalement dans 12 pays de la région. Des combattants qui ont gagné en Libye, y arrivent aussi car ils ne sont pas capables de faire quelque chose, ils commencent à chahuter au Mali, au Tchad, au Niger et d'autres pays. Donc, pour nous, il est impératif que tout le monde agit de manière cohérente et sur la base les principes du droit international. Si nous avons déclaré que le principal ennemi de la communauté civilisée est le terrorisme international, alimenté par le trafic de drogue, il est nécessaire de lutter contre les terroristes internationaux. Vous ne pouvez pas intervenir chaque fois selon les préférences, goûts et dégoûts. Procédez comme suit: si un dirigeant autoritaire d'un pays me plaît, je vais le justifier par tous les moyens et fermer les yeux sur la façon dont il prend en charge les extrémistes, si un autre dirigeant autoritaire d'un autre pays ne m'écoute pas, et c'est pour cette raison, en dépit de ses efforts visant à lutter contre le terrorisme, je vais le renverser. On devrait y avoir une certaine logique – on ne peut pas agir sur la base de la mentalité du XIXème siècle ou celle de la «guerre froide», quand quelqu'un qui est ami avec toi est mon ennemi, et vice versa. Il n'y a pas de terroristes et extrémistes «bons» ou «mauvais». Bâtir la politique au Moyen- Orient en se fondant sur le principe que "si on me promet de soutenir et de mettre mes bases militaires, le reste ne m'intéresse pas, et je vais agir contre ceux qui ne veulent pas être amis avec moi, par tous les moyens» est un chemin, où nous sommes presque arrivés. Nous devons tout faire pour sortir de cette «tempête» et trouver un moyen pour négocier.

Je compte beaucoup que l'interaction russo-américaine qui a débuté en mai dernier (lorsque nous avons lancé une initiative conjointe de convoquer une conférence internationale sur la Syrie à mettre en œuvre les principes du communiqué de Genève d'après lequel les Syriens doivent parvenir eux-mêmes à un accord entre le gouvernement et l'opposition sur les moyens de poursuivre la construction du pays) nous aidera. J'espère que l'accord des dernières semaines sur l'idée de placer les armes chimiques syriennes sous contrôle international va supprimer la menace de grèves et permettra d'améliorer les chances de la paix. Beaucoup de gens ont dit que si la Russie et les Etats-Unis avaient toujours travaillé ensemble, beaucoup de problèmes seraient résolus facilement. Ici, nous essayons de travailler ensemble, d'écouter de tels conseils.

Je tiens à souligner encore une fois: beaucoup de choses dépendent de la Russie et des Etats-Unis, mais à deux nous ne serions jamais capables d'atteindre un résultat, si nos initiatives n'avaient pas de soutien des pays de la région et la communauté internationale dans son ensemble. Et pour ce type de soutien nos initiatives doivent – je reviens encore une fois à ma première idée - être solidement fondées sur les principes du droit international. Et pourtant, à mon avis, nous constatons une perception correcte des événements des derniers jours. J'espère que ce soir et demain à Genève, nous allons essayer de répondre aux attentes de la communauté internationale.


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