Déclaration et réponses aux questions des médias de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Russie, sur les résultats de la semaine de haut niveau de la 79e session de l'Assemblée générale des Nations unies, New York, 28 septembre 2024
Nous concluons nos travaux au cours de la semaine de haut niveau de la 79ᵉ session de l'Assemblée générale des Nations unies. Vous avez eu l'occasion de vous familiariser avec mes discours, ainsi qu'avec les résultats des événements multilatéraux organisés dans le cadre du G20, des Brics et d'autres formats.
Au total, mes collègues et moi-même avons organisé 7 événements multilatéraux et 28 cycles d'entretiens bilatéraux. Au cours de ces rencontres, nous avons discuté de toutes les principales questions à l'ordre du jour des relations entre la Russie et les États concernés, et nous avons vu comment les accords entre nos dirigeants sur les affaires bilatérales et régionales étaient mis en œuvre.
Une grande attention a été accordée aux problèmes du Moyen-Orient: une nouvelle flambée de conflit dans les territoires palestiniens, au Liban et en Syrie; des problèmes sur le territoire irakien; la situation concernant les tentatives d'impliquer l'Iran afin de provoquer une guerre majeure au Moyen-Orient. Nous avons également abordé les conflits dans la région du Sahara et du Sahel, au Soudan, dans d'autres parties de l'Afrique et en Afghanistan.
Nous avons profité de cette occasion pour faire part de notre évaluation actuelle de la crise ukrainienne.
Nos initiatives visant à créer une architecture de sécurité eurasienne indépendante, des mécanismes de paiement qui ne dépendront pas des caprices de l'Occident et des idées de réforme des institutions mondiales pour refléter le poids réel des pays de la majorité mondiale, du Sud et de l'Est globaux sont bien accueillies.
Je voudrais féliciter tout le monde à l'occasion de la Journée internationale de l'accès universel à l'information, célébrée aujourd'hui. Proclamée par l'Unesco en 2015, cette journée consacre le droit de chacun à rechercher, recevoir et diffuser librement l'information.
À cet égard, j'aimerais vous raconter comment cette journée est célébrée en Allemagne. Il est rapporté qu'un couple marié soupçonné d'avoir organisé la diffusion en ligne de plusieurs chaînes de télévision russes a été placé en détention dans le pays. Selon le bureau des douanes allemand, les suspects sont un Allemand de 37 ans et son épouse ukrainienne de 42 ans. Ils risquent un an d'emprisonnement. C'est le genre de Journée d'"accès" à l'information que les douanes allemandes ont souhaité aux personnes qui voulaient la diffuser librement.
Question (traduite de l’anglais): Hier, l'ancien président Donald Trump a rencontré Vladimir Zelenski. Il a promis que s'il remportait les élections en novembre, il résoudrait rapidement la guerre. Quel est votre commentaire à ce sujet? Que pensez-vous de cette rencontre?
Sergueï Lavrov: Donald Trump a dit il y a quelques mois qu'il aurait besoin de 24 heures pour le faire. La formulation est différente aujourd'hui.
Nous accueillerons favorablement toutes les initiatives qui conduiront au résultat souhaité. Et il ne peut y en avoir qu'un seul: la résolution de ce problème sur la base de l'élimination des causes profondes de la crise ukrainienne. Il s'agit tout d'abord du fait que, malgré les garanties qui nous avaient été données, l'Otan a continué à s'étendre, que l'Occident n'a pas respecté ses engagements, qui ont été approuvés au plus haut niveau de l'OSCE et qui consistaient à garantir que personne ne renforce sa sécurité au détriment de la sécurité d'un autre pays et qu'aucune organisation dans l'espace de l'OSCE ne prétende à la domination.
C'est précisément ce que fait l'Otan: elle s'étend, elle "gobe" des États, elle déploie sur leurs territoires ses équipements et ses infrastructures militaires. L'Ukraine était le prochain pays sur la liste. Cela crée une menace directe pour la sécurité de la Fédération de Russie. Le plan de l'Otan était d'établir des bases militaires en Crimée et sur la mer d'Azov et d'y placer des armes, ce qui aurait représenté une menace pour notre État. Nous ne pouvions pas permettre que cela se produise.
La sécurité de l'État est toujours importante. Elle n'est pas nécessaire comme une abstraction, mais comme quelque chose dont les gens ordinaires ont besoin. Aujourd'hui, le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, et son représentant affirment que la position de l'organisation mondiale est inébranlable et qu’elle soutient le règlement de la crise dès que possible sur la base du droit international, de la Charte des Nations unies et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Le chef du Secrétariat devrait connaître la Charte de manière plus approfondie et détaillée. Je viens d'aborder ce sujet en séance plénière.
La chose la plus importante pour moi dans ce document (et apparemment les pères fondateurs de l'Organisation avaient des idées similaires) est que le premier article proclame la nécessité de respecter les droits de chaque être humain, indépendamment de la race, du sexe, de la langue et de la religion.
Nos collègues occidentaux mettent les droits de l'homme au premier plan en toute occasion, qu’elle s’y prête ou non. Ils ont tout fait pour hypertrophier ces droits dans le Pacte pour l'avenir, jusqu'à les placer au premier plan. Il est même question de doter le Conseil des droits de l'homme de certains pouvoirs qui ne dépendent pas des États membres. Cependant, en ce qui concerne la crise ukrainienne, l'Occident ne mentionne pas du tout les droits de l'homme.
J'ai rappelé la nécessité de respecter les droits de chaque être humain, indépendamment de sa langue et de sa religion. J'ai rappelé aujourd'hui à l'Assemblée générale que la langue russe (depuis l'éducation de la petite enfance jusqu'à l'université) a été législativement exterminée en Ukraine. Tous les médias en langue russe ont été expulsés d'Ukraine ou fermés. Dans le domaine culturel, les livres en russe sont jetés hors des bibliothèques, comme dans l'Allemagne hitlérienne. L'Église orthodoxe ukrainienne canonique a été interdite. Par ailleurs, la Constitution ukrainienne stipule toujours que l'État garantit les droits des Russes et d'autres minorités ethniques, y compris en matière d'éducation, etc.
Nous ne parvenons pas à obtenir une réponse de l'Occident ou du Secrétaire général des Nations unies, M. Guterres: pourquoi tout le monde reste-t-il silencieux alors que tant d'initiatives sur les approches d'un règlement circulent?
L'essentiel est le problème de la sécurité, notamment en ce qui concerne l'inadmissibilité pour l'Ukraine de rejoindre l'Alliance de l'Atlantique Nord ou tout autre bloc militaire, ainsi que le problème des droits de l'homme.
Il ne s'agit pas de territoires, comme Vladimir Zelenski semble le demander: rendez-les-nous selon la frontière de 1991. Nous ne parlons pas de territoires, mais de personnes qui ont vécu sur ces terres pendant des siècles, les ont développées, ont construit des usines, des routes, des bateaux et bien d'autres choses. Telles sont les vraies raisons.
Si Donald Trump parvient à abroger ces lois dont nous parlons, ce sera un pas en avant. C'est une chose simple à faire. Il suffit de procéder à un vote.
Mais il y a un autre point que personne ne mentionne non plus aujourd'hui. Le président russe Vladimir Poutine a attiré l'attention sur ce point à plusieurs reprises. En Ukraine, un décret de Vladimir Zelenski interdit les négociations avec la Russie. Je ne peux donc pas spéculer sur la manière dont ils vont lancer ce "processus".
Notre position est très claire. Les causes profondes doivent être éliminées. Tout le monde les connaît.
Question (traduite de l’anglais): La Russie est en faveur d'un système multipolaire, d'une coopération entre les grandes puissances pour rendre ce monde un peu meilleur. Pensez-vous qu'une guerre au Moyen-Orient, si Israël et ses alliés l'emportent, affaiblira la Russie et la doctrine russe d'un système multipolaire? Que peut faire la Russie pour que ce monde continue à se construire sur la base d'une coopération entre les grandes puissances, sans laisser de place à une puissance hégémonique, surtout au Moyen-Orient?
Sergueï Lavrov: La question n'est pas de savoir comment les événements au Moyen-Orient, ces tragédies (sans exagération) affecteront ou non notre position sur la scène internationale. Nous voulons simplement sauver des vies.
Depuis l'attaque terroriste du 7 octobre 2023, que nous avons fermement condamnée, 41.000 civils palestiniens ont été tués en un an (depuis octobre 2023), selon de nouvelles statistiques, et quelque 100.000 ont été blessés dans les territoires palestiniens à la suite de la campagne israélienne de punition collective des Palestiniens. Les chiffres continuent d'augmenter.
À titre de comparaison, après le coup d'État en Ukraine en 2014, lorsque les putschistes arrivés au pouvoir ont déclaré que les personnes vivant dans l'est du pays étaient des terroristes et ont lancé ce qui était essentiellement une guerre civile contre elles, deux fois et demie moins de civils ont été tués des deux côtés du conflit ukrainien au cours de ces dix années que de Palestiniens n'ont été tués en un an. Ce sont des statistiques éloquentes. Et elles continuent d’évoluer. Il est dans notre intérêt de voir ce carnage cesser immédiatement.
Les Américains ont bloqué tous les mécanismes existants visant à faciliter les processus au Moyen-Orient. Cela concerne tout d'abord le quatuor de médiateurs internationaux, qui comprenait la Russie, les États-Unis, l'ONU et l'UE. Aujourd'hui, les États-Unis veulent monopoliser les efforts de médiation et organisent différents formats avec nos collègues tantôt jordaniens, tantôt égyptiens ou qataris. Cependant, les Américains essaient toujours de tout gérer eux-mêmes. Ce sont eux qui préparent les documents présentés à tous et qu'ils considèrent comme permettant la fin du conflit. Cependant, Israël augmente ses exigences à chaque fois. Ce qui s'est passé hier à Beyrouth est un nouvel assassinat politique. J'ai entendu le président américain Joe Biden dire que c'était la bonne décision. Ils ont donc une attitude légèrement différente sur la manière de se comporter dans les conflits et sur ce qui doit les guider. Vous souvenez-vous de l'admiration et du rire de la secrétaire d'État américaine de l'époque, Hillary Clinton, lorsqu'elle regardait l'écran sur lequel le président ensanglanté de la Libye, Mouammar Kadhafi, était montré en direct? Ou de sa collègue Mme Albright qui, commentant les processus initiés par l'agression américaine contre l'Irak, a déclaré que la démocratie valait la mort de 400.000 personnes? Tout le monde sait qu'il n'y avait pas d'armes de destruction massive en Irak, comme l'avaient prétendu les Américains pour justifier leur invasion.
Les États-Unis veulent non seulement monopoliser les processus au Moyen-Orient, mais aussi gérer la région indopacifique. Ils mettent en place diverses structures de blocs, comme l'Aukus, le Quad, le Quatuor (Nouvelle-Zélande, Australie, Japon et Corée du Sud). Les Philippines sont également en train d'être entraînées dans quelque chose de similaire au Quad. Les États-Unis ont une approche bien établie. Lorsqu'ils traitent des problèmes régionaux, ils ne pensent qu'à une chose: préserver leur hégémonie et régner sur tout.
La Russie n'a pas de telles ambitions. Il est inhumain de fermer les yeux sur des centaines de milliers de victimes tout en continuant à avancer vers l'objectif principal de rester en position d'hégémonie.
Question: Lors de cette Assemblée générale, on a beaucoup parlé de la réforme de l'ONU. Le président finlandais Alexander Stubb a également réfléchi à ce sujet et a proposé d'exclure la Russie du Conseil de sécurité de l'ONU. Est-ce possible? Comment devons-nous traiter de telles propositions?
Sergueï Lavrov: Les "Finlandais turbulents" sont des gens spéciaux.
Je connais bien M. Stubb depuis qu'il était ministre des Affaires étrangères de Finlande. Après la fin de la guerre de "cinq jours" déclenchée par Mikhaïl Saakachvili en Ossétie du Sud contre les forces de maintien de la paix russes, M. Stubb s'est rendu à Tbilissi et, sur le chemin du retour, a visité Moscou. Alors qu'il préparait les négociations avec nos experts, il m'a fait part de ses impressions sur sa rencontre avec M. Saakachvili. Il a notamment utilisé un adjectif obscène et le nom "lunatique". Il n'est pas difficile de deviner de quel adjectif il s'agit. Lorsque je l'ai exhorté à raconter au monde entier quel genre de personne il était, il a répondu que cela n'en valait pas la peine.
Je pourrais citer de nombreuses histoires tirées du folklore scandinave. Mais c'est autre chose qui me surprend le plus. M. Stubb veut être "plus" ukrainien que les Ukrainiens eux-mêmes. Je sais que les représentants de Kiev s’époumonent à insister constamment sur l'illégitimité de la Fédération de Russie, parce que la Charte des Nations unies dit "Union des républiques socialistes soviétiques". Je voudrais souligner que la Charte mentionne également la "République de Chine", et non la "République populaire de Chine". La situation est restée inchangée depuis de la création des Nations unies, à l'époque où Taïwan représentait la Chine. Lorsque la République populaire de Chine a recouvré ses droits et que la Russie, en tant que successeur de l'Union soviétique, est devenue membre du Conseil de sécurité, il a été décidé de ne rien changer, parce que tout était clair.
J'ai été plus surpris par le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, qui a déclaré, à propos de la réforme du Conseil de sécurité de l'ONU, que "l'Europe est surreprésentée". La France, le Royaume-Uni et la Fédération de Russie sont les membres permanents européens du Conseil de sécurité. Hier, lors de notre rencontre, je lui ai demandé s'il croyait vraiment que nous étions "de même nature" que Londres et Paris. Il m'a répondu: "Eh bien, qui d'autre êtes-vous?" Cette vision de l'image géopolitique du monde suggère des pensées "sérieuses", étant donné qu'il s'agit du Secrétaire général des Nations unies.
Question (traduite de l’anglais): Hier, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou était présent à l'ONU, un bâtiment construit pour maintenir la paix et la sécurité. Hier également, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a été tué lors d'une attaque à Beyrouth. Son assassinat permettra-t-il à Israël de s'arrêter ou voudra-t-il "continuer" et s'emparer du Sud-Liban?
Sergueï Lavrov: Ce n'est pas le premier assassinat politique. Souvenez-vous également du chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, qui a été assassiné lors de la cérémonie funéraire de l'ancien président de la République islamique d'Iran, Ebrahim Raïssi. Il ne s'agissait pas seulement d'un assassinat politique, mais d'un assassinat particulièrement cynique. Le consulat iranien en Syrie a également été frappé et des citoyens iraniens ont été tués. Hier, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a été assassiné.
De nombreux observateurs (et moi aussi) pensent qu'Israël cherche à créer un prétexte pour que les États-Unis s'impliquent directement dans ce conflit et qu'il provoque l'Iran et le Hezbollah de toutes les manières possibles pour y parvenir. Il me semble que les dirigeants iraniens se comportent de manière extrêmement responsable. Il convient d'apprécier honnêtement leur attitude.
Il y a des parallèles avec l'Ukraine. Vladimir Zelenski fait également tout pour provoquer les pays de l'Otan et les impliquer dans des hostilités directes. Ensuite, il s'effacera et observera ce qui, selon lui, le sauvera.
Je ne pense pas que ce soit la bonne façon de procéder. Je suis convaincu qu'il faut arrêter l'effusion de sang et renoncer aux méthodes terroristes de règlement des comptes politiques.
Question (traduite de l’anglais): Les partisans du Hezbollah croient généralement que l'Iran les a abandonnés. Et que tous ces slogans disant que "nous soutiendrons le Hezbollah, nous nous battrons avec vous" ne fonctionnent pas. Quand le grand moment arrive, l'Iran, comme d'habitude, regarde à travers des intermédiaires et ne s’implique pas dans de tels événements. L'assassinat de Hassan Nasrallah entraînera-t-il des mesures de rétorsion de la part de l'Iran?
Sergueï Lavrov: Je ne me considère pas habilité à commenter quoi que ce soit concernant les problèmes et les intérêts de l'Iran. Je ne suis pas en mesure de répondre à des questions sur ce que l'Iran va faire. C'est incorrect et impoli.
Question (traduite de l'anglais): Le président Zelenski a déclaré à plusieurs reprises que la Russie prévoyait d'attaquer des centrales nucléaires ukrainiennes. Quel est votre commentaire à ce sujet?
Comme vous le savez, le Brésil, la Chine et d'autres pays aux vues similaires ont mis en place la plateforme des Amis de la paix pour assurer la médiation de la crise russo-ukrainienne. La Russie envisage-t-elle des plans de maintien de la paix de la part des pays du Sud global?
Sergueï Lavrov: En ce qui concerne les déclarations de M. Zelenski, tout le monde est habitué depuis longtemps à ses "impromptus". Lorsqu'il se produisait sur scène et déclamait des textes écrits au préalable, il obtenait de meilleurs résultats.
Il a déclaré que chaque paragraphe de la "formule de paix" était fondé sur les principes et les normes de la Charte des Nations unies. M. Zelenski a qualifié l'initiative sino-brésilienne de manière grossière, déclarant qu'on ne voyait pas très bien pourquoi ces pays l'avaient présentée; selon lui, ils voulaient obtenir le prix Nobel de la paix pour cela. Il a ajouté qu'il n'existait pas de versions différentes de la Charte des Nations unies pour les différentes parties du monde. Il n'existe pas de charte distincte pour les Brics, le G7, la Russie et l'Iran, la Chine et le Brésil. M. Zelenski a apprécié "à leur juste valeur" les efforts bien intentionnés déployés par nos collègues chinois et brésiliens.
Au cours de l’étape précédente, nous avons déjà discuté de leurs projets lors de nos contacts avec nos collègues. Je me suis enquis quel serait le contenu concret de cette initiative. Dans ces paragraphes sino-brésiliens, tous les mots sont corrects: appels à la paix, à la justice et au respect du droit international. Personne ne le conteste. Mais personne ne m'a encore dit comment ils prévoient concrètement d'avancer vers la paix. Cette question est encore à l'étude. La création d'un "Groupe d'amis" a été annoncée, qui n'incluait pas tous les pays présents à la réunion. Le "Groupe" a été constitué à New York au niveau des représentants permanents. Je ne sais pas s'il est possible de traiter sérieusement cette question à partir d'ici, mais je suis sûr que les représentants permanents sont des gens de talent. Voyons ce qu'ils produiront.
Plus important encore, l'Initiative de sécurité globale lancée par le président chinois Xi Jinping en février 2023 sur la résolution de tous les conflits note qu'il est nécessaire de s'entendre pour s'attaquer aux causes profondes des conflits.
En Ukraine, les causes profondes sont l'implication du régime de Kiev dans l'Otan. Cet objectif reste à l'ordre du jour. Jens Stoltenberg et d'autres représentants de l'Alliance le répètent régulièrement avec une persistance inflexible. La deuxième raison concerne les droits de l'homme. L'extermination de la langue russe, de la culture, de l'éducation et de l'église orthodoxe canonique. En Israël, personne n'a officiellement interdit la langue arabe, alors que M. Zelenski a interdit le russe, bien qu'il soit parlé non seulement par les Russes ethniques, mais aussi par la majorité de la population ukrainienne.
Les représentants permanents, qui seront chargés de concrétiser ce concept, ne peuvent ignorer ces arguments et ces causes profondes. Ils devront être guidés par les principes de la Charte des Nations unies, dans leur intégralité et dans leur interconnexion, et non de manière sélective.
Les droits de l'homme sont un principe de la Charte des Nations unies, violé de la manière la plus flagrante. La Constitution ukrainienne elle-même contient l'obligation de respecter les droits des minorités ethniques dans tous leurs aspects. Lorsqu'on interprète le principe de l'intégrité territoriale, on ne peut ignorer sa relation avec le principe de l'autodétermination des peuples. Il existe un consensus sur cette question également: en 1970, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté à l'unanimité une déclaration dans laquelle elle décidait que l'intégrité territoriale des États dont les gouvernements représentent l'ensemble de la population vivant sur un territoire donné devait être respectée.
Pourquoi tout le monde est-il resté calme face à la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo en 2008? Les États-Unis ont applaudi cet événement, estimant qu'il s'agissait d'une manifestation du droit d'une nation à l'autodétermination. Il n'y a pas eu d'action militaire au Kosovo, soit dit en passant.
Quelques années plus tard, en 2014, après un coup d'État sanglant en Ukraine, les fascistes qui avaient pris le pouvoir ont fait la guerre à la Crimée, qui a organisé un référendum. Les Américains ont déclaré que cela n'était pas autorisé, car le principe de l'intégrité territoriale devait être respecté dans cette situation.
Il est important que ceux qui souhaitent sincèrement contribuer à trouver une solution à cette crise en comprennent les véritables causes. Il est impératif de s'appuyer sur la Charte des Nations unies dans son intégralité et sur l'interdépendance de ses principes. Telle est ma demande et mon message à ceux qui travailleront au sein du Groupe des amis de la paix.
Question: Des représentants des séparatistes opérant sur le territoire du Mali ont déclaré sur la chaîne de télévision France 24 qu'ils étaient en contact avec l'Ukraine. Comment la Russie, en tant qu'allié du Mali, peut-elle commenter le fait qu'il existe des contacts entre les opposants à l'État malien et l'Ukraine? Que faut-il faire pour que la communauté internationale demande des comptes à l'Ukraine à ce sujet?
Sergueï Lavrov: Nous avons déjà commenté cette situation. Il a été prouvé par les faits que les Ukrainiens travaillaient avec des organisations terroristes qui combattent le gouvernement légitime du Mali. Il n'y a pas si longtemps, un groupe de militaires maliens a été attaqué, faisant un grand nombre de morts. Cette attaque a été perpétrée par des terroristes liés à des Ukrainiens.
Ce n'est pas le seul point sur la planète. Hayat Tahrir al-Cham contrôle toujours la zone de désescalade d'Idlib en Syrie. Les Ukrainiens ont aussi des liens avec eux. Ils recrutent des combattants pour les envoyer sur les champs de bataille ou les aident à préparer des provocations.
Fait révélateur, après l'assassinat de soldats maliens par des terroristes, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont demandé au Conseil de sécurité de l'ONU de condamner de telles actions de l'Ukraine. Deux de ces pays ont rompu leurs relations diplomatiques avec l'Ukraine.
C'est du banditisme. Nous ferons tout pour que les pays africains, qui veulent vivre par leurs propres moyens et choisir leurs propres voies de développement, soient soutenus dans le domaine de la sécurité et de la défense. C'est ce que nous faisons.
Question (traduite de l'anglais): Une question sur l'initiative sino-brésilienne. La déclaration d'hier disait qu'elle prenait en compte les intérêts légitimes des parties. Cela a été dit après votre intervention. Pensez-vous que ce plan permettra de sortir de l'impasse dans laquelle nous nous trouvons actuellement? Comme vous l'avez dit, il faut s'attaquer aux causes profondes. Sont-elles clairement énoncées dans la déclaration d'hier?
Sergueï Lavrov: Vous devriez lire ce que vous avez cité et le comparer à ce que je viens de dire. Je n'ai pas vu de plan d'action dans le document, mais seulement une déclaration d'intention. Ce n’est qu’une formule: nous devrions nous battre pour tout ce qui est bon contre tout ce qui est mauvais.
Il y a de nombreuses années, le conflit israélo-palestinien a de nouveau été examiné par le Conseil de sécurité des Nations unies. À l'époque, le quatuor de médiateurs (Russie, États-Unis, Secrétariat de l'ONU et Union européenne) a élaboré une "feuille de route" pour un règlement du conflit israélo-palestinien par la création d'un État palestinien indépendant. Cette feuille de route a été échelonnée sur un an. La feuille de route indiquait les mesures à prendre chaque mois. Tel était le plan. Mais il n'a pas été mis en œuvre. Sinon, nous n'aurions pas assisté à la guerre qui a éclaté récemment au Moyen-Orient.
Je conseille aux personnes qui travailleront à New York au sein du Groupe des amis de la paix de lire la Charte des Nations unies. J'en ai parlé très en détail, tant en séance plénière qu'au Conseil de sécurité des Nations unies. Tout le monde le sait depuis longtemps.
Cela a commencé avec le coup d'État en Ukraine. Pendant toutes ces années, nous avons mis en garde contre l'adhésion à l'Otan, contre les brimades envers les citoyens russes. Six mois avant l'opération militaire spéciale, Vladimir Zelenski a déclaré dans une interview, en réponse à une question sur son attitude à l'égard des personnes de l'autre côté de la ligne de contact dans le Donbass qui n'avaient pas accepté le putsch et contre lesquelles le régime de Kiev avait commencé à se battre, qu'"il y a des gens et il y a des spécimens". À une autre occasion, il a déclaré que ceux qui se sentaient appartenir à la culture russe mais qui vivaient en Ukraine n’avaient qu’à s’en aller en Russie. Personne n'a réagi à ces propos.
L'ambassadeur ukrainien au Kazakhstan, M. Vroubliovski, a déclaré dans une interview que leur objectif principal était de tuer autant de Russes que possible afin que leurs enfants aient moins de travail à faire. Y a-t-il des journalistes qui aient attiré l'attention de leurs lecteurs sur ce point? Non, pour autant que je me souvienne.
Il s'agit d'une question sérieuse. Il ne suffit pas de tenir compte des intérêts. Je ne comprends pourtant pas une chose: comment les Français et les Suisses ont-ils pu participer à la réunion d'hier? Ils soutiennent activement l'Ukraine, exigent sa victoire sur la Fédération de Russie et lui fournissent des armes et des missiles à longue portée. J’ai posé cette question à un collègue chinois. Il a répondu qu'il s'agissait d'une demande pressante de leur part. Il a été décidé de les inviter collectivement en tant qu'observateurs.
Ce groupe a encore énormément de travail à faire. Nous sommes prêts à les aider en leur fournissant des conseils. L'essentiel est qu'ils fondent leurs propositions sur les réalités et non sur des conversations abstraites.
Question (traduite de l’anglais): Ma question fait suite à celle que j'ai déjà posée l'année dernière. Pourriez-vous me dire s'il y a des négociations concernant les enfants ukrainiens qui ont été emmenés en Russie? Vous avez dit qu'il n'y en avait qu'une centaine. Or, selon les données du Comité international de la Croix-Rouge, il y en a 19.000. D'après ce que j'ai compris, certains pays comme le Qatar jouent un rôle de médiateur dans cette affaire.
Sergueï Lavrov: Nous publions de tels documents. N'avez-vous pas un représentant à Moscou?
Question (traduite de l’anglais): Non. J'ai changé de média.
Sergueï Lavrov: Les informations de notre dernière réunion ont été mises à jour à de nombreuses reprises. Je ne citerai pas de nouveau les chiffres. Mais nous avons invité de nombreux journalistes étrangers à des réunions d'information spéciales.
Il y a quelque temps, il est apparu que de nombreux enfants (des centaines) qui figuraient sur les listes des personnes prétendument "enlevées" par la Russie ont été retrouvés en Allemagne. Il y a là-bas de nombreux "personnages" qui ont des engouements non conventionnels. La question n'est pas simple.
Maria Zakharova: Nous aimerions réitérer notre invitation, en votre nouvelle qualité, à visiter la Russie et à vous entretenir avec des représentants officiels. Nous vous attendons.
Question (traduite de l’anglais): La vente des S-400 par la Russie à la Turquie a créé des tensions avec les États-Unis. Récemment, un ancien ministre turc a suggéré que la Turquie pourrait vendre les S-400 à des pays tiers, tels que l'Inde ou le Pakistan. Comment la Russie réagirait-elle face à une telle vente potentielle? Quelles seraient les conséquences pour les relations russo-turques?
Sergueï Lavrov: Le S-400 est un système de défense antimissile. Il a été fourni à la Turquie. Je n'ai aucun commentaire à faire à ce sujet.
Le président turc Recep Erdogan est un homme d'État expérimenté. Il prend des décisions sur n'importe quelle question dans l'intérêt de son peuple et de son État.
Le seul "ajout". Dans les contrats de vente d'armes, il y a une clause sur le certificat d'utilisateur final. Pour pouvoir faire quoi que ce soit avec les produits livrés avec un tel certificat, dans lequel le pays qui a reçu ces armes figure en tant qu'utilisateur final, le consentement de la partie qui a vendu ces armes est nécessaire.
Question (traduite de l’anglais): L'ancien président américain Donald Trump a déclaré que la guerre en Ukraine n'aurait pas commencé s'il était resté au pouvoir. Et que s'il était réélu, elle prendrait fin dès le premier jour. Que pensera la Russie de l'offre de paix de M. Trump s'il est réélu? Quelles devraient être les conditions pour que la Russie l'accepte?
Sergueï Lavrov: À propos de M. Trump. La guerre n'aurait jamais commencé si seulement…
Je peux aussi montrer une rétrospective. Février 2014. Le président ukrainien de l'époque, Viktor Ianoukovitch, et "son" opposition, qui a emmené des centaines de personnes sur la place principale avec l'argent de l'Occident (il y avait des manifestations sans fin là-bas), ont signé un accord selon lequel il y aurait des élections anticipées. Et avant qu'elles n'aient lieu, un gouvernement d'unité nationale serait mis en place. Cet accord était garanti par l'Allemagne, la France et la Pologne. Le lendemain matin, l'opposition s'est emparée des bâtiments gouvernementaux. Nous avons demandé pourquoi ils avaient fait cela. Les collègues allemands et français ont répondu que la démocratie empruntait parfois des "zigzags" imprévisibles. Les Américains ont dit la même chose.
S'ils avaient respecté cet accord, l'Ukraine serait restée dans ses frontières de 1991, avec lesquels M. Zelenski nous "rabâche les oreilles". Qui leur a demandé de saper leur légitimité? Tant que ce régime restera au pouvoir, sa légitimité sera sapée. La Crimée serait alors également restée en Ukraine. Je veux que tout le monde comprenne. C'est si l'on suit la logique du "si seulement".
Si les accords de Minsk, signés un an plus tard et inscrits dans une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, avaient été respectés, l'Ukraine serait restée entière, mais sans la Crimée. Ils ont perdu la Crimée lorsqu'ils ont conduit des bandits au pouvoir.
En avril 2022, un accord a été conclu à Istanbul entre les négociateurs russes et ukrainiens. S'il avait été respecté, l'Ukraine aurait conservé une partie du Donbass. Mais chaque fois qu'un accord est contrecarré, que la Russie est toujours prête à signer, l'Ukraine devient plus petite.
À propos des accords d'Istanbul. Le chef de la délégation ukrainienne, David Arakhamia, a récemment accordé une interview et admis que le Premier ministre britannique de l'époque, Boris Johnson, était venu leur dire qu'il n'y avait pas besoin d'accords, qu'il fallait continuer à se battre et qu'il enverrait des armes et de l'argent.
Je vous ai donné les faits. Et si l'Ukraine continue à suivre sa propre voie et qu’elle utilise des ruses pour gagner du temps, elle n'y parviendra pas.
J'espère que nos amis chinois et brésiliens et ceux qui ont rejoint le Groupe des amis pour la paix tiendront pleinement compte des manières et des habitudes des dirigeants ukrainiens actuels et de leurs tentatives incessantes d'attirer tout le monde par la tromperie sur un terrain instable.
Question (traduite de l’anglais): Le président de l'Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, et le premier ministre de l'Arménie, Nikol Pachinian, participeront aux sommets des Brics et de la CEI qui se tiendront en Russie en octobre 2024. Une rencontre est-elle prévue entre les dirigeants des deux pays pour de nouvelles initiatives de paix ou des négociations avec la participation de la Russie?
Sergueï Lavrov: Comme on dit, c'est à eux de décider. S'ils souhaitent se rencontrer, tout comme les ministres se sont déjà rencontrés ici (aux États-Unis) avec la participation du secrétaire d'État américain Antony Blinken.
Les Américains veulent vraiment dominer en l’occurrence également, tout comme au Moyen-Orient. Il est important pour eux de montrer qu'ils sont les maîtres. Si cela convient à nos amis azerbaïdjanais et arméniens, c'est le choix de leurs dirigeants respectifs.
Nous sommes toujours prêts à réaliser ce que nous avons convenu avec notre participation à partir de novembre 2020. En l'espace de deux ans, les dirigeants de la Russie, de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie se sont rencontrés à trois autres reprises. Un groupe de travail trilatéral a été créé pour débloquer les communications de transport. Il existe des mécanismes pour délimiter la frontière, etc. Nous sommes prêts à remplir toutes les obligations qui y sont inscrites.
Question (traduite de l’anglais): Une brève question sur l'assassinat du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Que peut faire la Russie pour éviter que ces conséquences ne s'étendent à la Syrie et à l'Irak?
Sergueï Lavrov: Je répète une fois de plus que nous voulons que le Conseil de sécurité des Nations unies fasse preuve de volonté et remplisse ses fonctions. Il dispose d'outils pour influencer une partie qui ne se conforme pas à ses décisions.
Les Américains ne permettent pas au Conseil de sécurité de l'ONU de prendre de telles mesures. Pour la même raison: ils veulent tout garder entre leurs mains. Les problèmes qui existent dans le monde ne peuvent plus tenir dans une ou deux mains. Telle est notre réponse.
Ils ont bloqué toutes les propositions. La résolution qu'ils avaient eux-mêmes présentée pour être adoptée était une "manœuvre trompeuse". Les Américains ont dit qu'Israël était prêt à l'honorer. C'était un mensonge. L’ayant prévu, nous nous sommes abstenus d’y opposer notre véto uniquement parce que des amis arabes nous avaient demandé de lui donner une chance.
Sur la manière d'empêcher le conflit de "déborder" dans d'autres pays. J'ai déjà répondu. C'est ce que nous pouvons faire et ce que nous ferons.
Notre contingent militaire se trouve en Syrie à la demande du gouvernement légitime pour aider à assurer la sécurité. Il remplira toutes ses fonctions.
Encore une fois, j'ai le sentiment que certains veulent provoquer l'Iran en premier, puis les États-Unis, et déclencher une véritable guerre dans toute la région.
Question (traduite de l’anglais): La Russie appelle la Turquie et la Syrie à normaliser leurs relations. Si cela se produit, quel sera l'impact sur les Kurdes syriens?
Sergueï Lavrov: Nous avons tenu des réunions sur la normalisation des relations syro-turques. L'année dernière, les ministres de la Défense et des Affaires étrangères de la Russie, de l'Iran, de la Turquie et de la Syrie se sont rencontrés. Il s'agit en quelque sorte de la troïka d'Astana sur le règlement syrien et la Syrie directement.
Les réunions ont été positives. Nous nous sommes récemment entretenus ici avec mon homologue turc. J'en ai également parlé avec le nouveau ministre syrien des Affaires étrangères et des Expatriés, Bassam Sabbagh. Il y a des idées de part et d'autre qui, selon moi, devraient permettre de relancer ce processus.
Oui, vous avez raison. La question kurde sera l'un des principaux enjeux de ces négociations, tout comme la lutte contre le terrorisme et la sécurité des frontières.
Il y a eu des précédents. Il y a par exemple l'accord d'Adana de 1998, qui n'est pas directement applicable aujourd'hui. Mais le concept qu'il contient (bien sûr, il doit être adapté), qui envisage une coopération entre la Syrie et la Turquie pour assurer la sécurité à la frontière et supprimer les groupes terroristes, est tout à fait réalisable.
L'implication des États-Unis, qui cherchent toujours à agir à leur manière, constitue cependant un énorme problème. En ignorant les intérêts de la Turquie et de la Syrie, ils se trouvent illégalement sur le territoire de la République arabe syrienne, sur la rive gauche de l'Euphrate. Ils y ont même créé un quasi-État. Ils extraient le pétrole syrien, récoltent les céréales, les vendent et utilisent l'argent pour subvenir aux besoins de leurs "protégés".
Je suis convaincu que les organisations kurdes doivent se dissocier catégoriquement du terrorisme et comprendre enfin qu'elles n'ont pas d'autre choix que de vivre au sein de l'État syrien. À un moment donné, nous étions prêts à fournir nos services de médiation. Nous avons rencontré leurs dirigeants. Ils connaissent notre position. Ils sont venus nous demander de l'aide lorsque le président Trump avait annoncé que les Américains "se retiraient" de Syrie. Des représentants kurdes sont venus nous trouver. Au bout de quelques jours, les Américains ont dit qu'ils avaient changé d'avis et qu'ils n'allaient nulle part. Et les Kurdes se sont désintéressés. C'est une position opportuniste qui ne reflète pas une vision à long terme de l'avenir du peuple kurde. Ils devraient négocier avec Damas. Si j'ai bien compris, les voisins turcs sont prêts à les aider.
Question (traduite de l’anglais): Après le rejet de la proposition de cessez-le-feu par le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, est-il possible de mettre en œuvre la résolution 2735 dans le contexte de l'escalade dans la région?
Sergueï Lavrov: En ce qui concerne la résolution 2735, vous demandez à la mauvaise personne si elle peut être mise en œuvre maintenant. C'est avant tout une question qui concerne Israël. C'est aussi une question pour les États-Unis. Ils nous ont assuré qu'il s'agissait d'une résolution qui réduirait considérablement les tensions, qui amorcerait une désescalade. Des gens sérieux le disaient, et pourtant ils nous trompaient tous. Je ne vois pas Israël vouloir réaliser des plans de paix.
Question (traduite de l’anglais): Question sur l'Ukraine. Le président russe Vladimir Poutine a déclaré que la levée des restrictions sur l'utilisation des missiles à longue portée fournis par l'Occident à l'Ukraine serait une déclaration de guerre. Nous comprenons qu'ils sont maintenant sur le point d'annoncer cette levée. Peut-être limiteront-ils leur portée à 20 ou 40 kilomètres, mais cela pourrait arriver.
Sergueï Lavrov: J'ai déjà répondu à cette question.
Question (traduite de l’anglais): Vous venez de dire que vous souhaitiez que le Conseil de sécurité de l'ONU prenne la responsabilité d'empêcher une guerre de grande ampleur dans la région. Quels outils pensez-vous que le Conseil de sécurité des Nations unies pourrait utiliser à la lumière du recours constant au droit de veto, en particulier sur Gaza? Le chapitre 7 de la Charte des Nations Unies devrait-il être envisagé?
Sergueï Lavrov: J'ai dit en effet que le Conseil de sécurité des Nations unies avait des options. Elles incluent le chapitre 7 de la Charte des Nations unies. D’ailleurs, toutes les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies doivent être mises en œuvre. C'est ce que stipule l'article 25 de la Charte de l'Organisation. Le chapitre 7 est coercitif à l’égard de ceux à qui s'adressent les exigences de la décision pertinente du Conseil de sécurité des Nations unies.
Par exemple, il est demandé de "mettre sur la table" une résolution visant à arrêter les livraisons d'armes dans tout conflit lorsque la situation va trop loin. Naturellement, tout le monde sait que les Américains y opposeront leur veto, comme ils l'ont fait auparavant.
Nous pouvons proposer des sanctions à l'encontre de ceux qui ne se conforment pas aux exigences du Conseil de sécurité de l'ONU. Et là aussi, il y aura un veto. Les outils existent. Nous ne devons pas nous décourager parce qu'une résolution est bloquée. Il n'est pas toujours possible de bloquer une résolution sans que cela nuise à votre réputation. Peut-être que cela servira à quelque chose. Selon l’adage, "goutte à goutte l'eau creuse la pierre". La situation est compliquée.
Question (traduite de l’anglais): Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a déclaré hier que le "bras long" d'Israël pouvait atteindre tout le monde au Moyen-Orient. Compte tenu de l'assassinat du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, pensez-vous qu'il y ait des perspectives de règlement pacifique au Moyen-Orient?
Sergueï Lavrov: J'ai déjà dit à plusieurs reprises quel est notre sentiment concernant la situation. Il faut y mettre un terme de toute urgence.
Question (traduite de l'anglais): La Russie pourrait-elle accepter que le nombre de membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies passe de 5 à 10? Pourriez-vous nous faire part de vos commentaires à ce sujet?
Sergueï Lavrov: À propos de la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies, je n'ai pas entendu parler de l'idée de passer à 10 membres permanents. Beaucoup d'initiatives "circulent".
Notre position est bien connue: le Conseil devrait être renforcé exclusivement par des candidats d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine. Le nombre de pays occidentaux et de leurs alliés (comme le Japon) ne doit augmenter en aucun cas.
Question (traduite de l'anglais): Pourriez-vous commenter les changements dans la doctrine nucléaire russe récemment annoncés par le président Vladimir Poutine? S'agit-il d'un signal adressé à l'Occident? Si oui, quel type de signal Moscou souhaite-t-il envoyer?
Sergueï Lavrov: Le président Poutine a tout dit. Tout est clair, sans aucune exception.
Lorsque nous disons quelque chose publiquement (en particulier le président Poutine), nous supposons que ceux qui s'intéressent à nos approches l'entendent. Ce n'est pas à moi de juger comment ils le comprennent.
Lorsqu'il sera définitivement clair qu'ils donneront à l'Ukraine l'autorisation d'utiliser des armes à longue portée, on saura alors comment ils ont compris ce qu'ils ont entendu.
Question (traduite de l'anglais): Le sommet des Brics aura lieu dans trois semaines. Des pays d'Amérique latine devraient-ils y participer? Que pense la Russie de la situation politique en Amérique latine?
Sergueï Lavrov: Certainement pas la même chose que de la doctrine Monroe.
Nous avons une attitude respectueuse à l'égard de tous nos partenaires. L'Amérique latine est un pôle puissant de l'ordre mondial polycentrique émergent. La Celac connaît actuellement un second souffle après l'arrivée au pouvoir du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva. De nombreuses initiatives sont en cours, notamment celles qui visent à mettre en place des mécanismes permettant le commerce, la coopération et l'investissement, sans dépendre de ce que les États-Unis contrôlent par l'intermédiaire du FMI et de l'OMC.
En ce qui concerne les perspectives d'expansion des Brics, à ce stade, tous les membres considèrent qu'il convient de ne pas prendre de nouvelles décisions pour l'instant et d'adapter notre association de pays partageant les mêmes idées à de nouvelles circonstances. Nous étions cinq, nous sommes maintenant dix. Bien sûr, il faut s'y habituer et intégrer les nouveaux membres dans le travail en douceur, en tenant compte des traditions qui se sont développées au cours des années d'existence des Cinq.
Le sommet de Kazan examinera les recommandations demandées par les dirigeants lors du sommet de Johannesburg en 2023, à savoir faire des propositions sur les modalités de la nouvelle catégorie (les pays partenaires des Brics), qui participeront de manière permanente, non pas en tant qu'invités, mais en tant que partenaires, à la quasi-totalité des activités de notre structure.
Il existe des listes de ces candidats. Une vingtaine d'entre eux souhaitent devenir partenaires. Une douzaine d'autres souhaitent entretenir des contacts réguliers sans nécessairement acquérir le statut de partenaire. C'est aux présidents de décider. Je ne suis pas en mesure de préjuger de la manière dont ils se mettront d'accord. Cela sera annoncé.
Question: Vous avez mentionné la Géorgie dans votre discours d'aujourd'hui. Comment commenteriez-vous les récentes déclarations de responsables géorgiens selon lesquelles la guerre a été finalement déclenchée par Mikhaïl Saakachvili? Pensez-vous que de nouveaux accords entre la Géorgie, l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie sont possibles et réalistes?
Sergueï Lavrov: Il est évident que les dirigeants géorgiens actuels évaluent honnêtement le passé. Ils ont déclaré qu'ils souhaitaient une réconciliation historique. C'est aux pays eux-mêmes, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, de décider de la forme qu'elle peut prendre. Ils sont voisins de la Géorgie. Certains contacts sont inévitables. Si toutes les parties souhaitent la normalisation de ces relations et la mise en place d'accords de non-agression afin que personne n'ait plus jamais envie d'agir de la sorte, nous serons prêts à les aider (à condition que les parties le souhaitent).
Le fait que la guerre ait été déclenchée par Mikhaïl Saakachvili était connu de tous, sauf peut-être de nos collègues occidentaux et de la présidente géorgienne Salomé Zaroubichvili.
Immédiatement après 2008, l'Union européenne a commandé une enquête, qui a été menée par la respectable Suissesse Heidi Tagliavini. Dans le rapport de cette enquête, il est clairement écrit que c'est Mikhaïl Saakachvili qui a tout déclenché. Il n'y a pas lieu d'être surpris.
Question (traduite de l'anglais): Pourquoi avez-vous mentionné Boutcha? Si j'étais un responsable russe, j'essaierais d'ignorer ce massacre. Or, vous avez inclus ce sujet dans votre discours à l'Assemblée générale des Nations unies.
Sergueï Lavrov: Qu'est-ce qui vous surprend? J'en parle à chaque fois.
J'ai rencontré M. Guterres en 2023, lors de la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU à laquelle il assistait. Et un an auparavant, en 2022.
Aujourd'hui, c'est la Journée internationale de l'accès universel à l'information. Or, vous n'avez pas accès aux informations qui circulent ouvertement sur Internet et sur les réseaux sociaux.
À Istanbul, en avril 2022, il a été convenu que nous cesserions les combats et que nous signerions un traité avec les Ukrainiens. Avant même que tout cela ne tombe à l'eau, il nous a été demandé, en guise de geste de bonne volonté, de retirer nos troupes de la périphérie de Kiev, y compris de la localité de Boutcha. Nous l'avons fait, pensant que nous avions affaire à des gens honnêtes et non à des menteurs. Mais bien sûr, nous avons été trompés.
Une vidéo circule sur Internet dans laquelle le maire de cette ville déclare fièrement, devant la caméra, qu'il a repris le contrôle de sa "petite" patrie après le départ des troupes russes. Il affirme en être désormais le maître et qu'il n'y a plus de Russes là-bas.
Deux jours se sont écoulés. Soudain, l'équipe de la "glorieuse" agence de presse BBC montre des images télévisées prises non pas quelque part dans les sous-sols, mais dans la grande rue centrale de Boutcha, où les corps sont empilés. On nous a dit que lorsque les Russes étaient ici, ce sont eux qui avaient commis ce crime. Là encore, c'était deux jours après notre départ.
De nouvelles sanctions ont été annoncées en rapport avec cette histoire. Depuis lors, il est inutile de compter sur une quelconque enquête. Nous avons choisi la voie la plus facile. Nous avons demandé si nous pouvions voir une liste de noms de personnes dont les cadavres avaient été montrés à la BBC. Le silence s'est fait. J'ai posé la question à M. Guterres. Je lui en ai reparlé hier. Il m'a répondu qu'ils allaient se pencher à nouveau sur la question. Mais ils avaient déjà lancé un appel au régime ukrainien. Personne ne leur dit rien. Et ce refus de communiquer signifie qu'il y a quelque chose à cacher. Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a également posé des questions suite à notre demande. Personne ne leur dit rien. La question est close. Le président Biden a parlé de "massacre" et a qualifié Poutine de "boucher" (Putin is a butcher). Il n'y a pas de mystère pour nous. Il s'agit d'une provocation à l'état pur.
C'était la même chose pour Alexeï Navalny. Lorsqu'il est tombé malade et que les Allemands ont demandé qu'il leur soit remis pour traitement, nous avons immédiatement laissé passer leur avion et il a été emmené. Même les formalités d'aviation nécessaires n'ont pas été respectées. Ils l'ont emmené dans un hôpital civil, où les médecins n'ont rien trouvé d'anormal. Il a ensuite été transféré dans un hôpital militaire, où l'on a trouvé cette substance, le Novitchok. Il a ensuite soi-disant guéri, il est revenu et il est mort ici.
Lorsqu'il était là-bas, nous avons demandé aux Allemands de nous montrer les analyses prouvant qu'il avait été empoisonné avec cette substance. Les Allemands ont refusé de nous les transmettre, arguant qu'il s'agissait d'un secret mais promettant de les transmettre à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques. Nous nous y sommes rendus. Ils nous ont dit que les Allemands leur avaient interdit de nous les montrer. Cela ne vous semble-t-il pas étrange? Lorsque la mort de M. Navalny a suscité un tollé, nous avons rappelé les Allemands et leur avons demandé si nous pouvions voir l'analyse et la manière dont il avait été traité avant son retour en Russie. Ils n'ont même pas daigné répondre.
Il en va de même pour l'empoisonnement des Skripal à Salisbury. Aucune information, malgré les demandes officielles que notre Comité d'enquête et le Bureau du procureur général ont adressées à leurs homologues britanniques.
Le "bénéfice" médiatique est récolté, la Russie est accusée de tous les maux, puis l'affaire disparaît des premières pages et des écrans de télévision. Nous le savons. Nous reparlerons de Boutcha et de Navalny et nous exigerons la vérité.
Si cela vous intéresse, procédez à une enquête journalistique. Demandez aux Ukrainiens pourquoi ils ne peuvent pas donner ces noms. Mes amis, vous êtes des professionnels après tout. J'espère que cela vous intéresse. Essayez de le découvrir.
Question: Le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a déclaré l'autre jour que la Russie et les États-Unis devraient réduire leurs arsenaux nucléaires. Vous en a-t-il personnellement parlé lors de la réunion? À quelles conditions la Russie est-elle prête à le faire?
Sergueï Lavrov: Il ne m'a rien dit. Je n'ai pas entendu dire qu'il avait déclaré cela. Il fait parfois des déclarations qui ne correspondent manifestement pas aux réalités existantes sur la scène internationale.
Nous n'augmentons pas nos arsenaux. C'est ce que confirment une fois de plus nos représentants officiels. Le traité entre la Fédération de Russie et les États-Unis d'Amérique sur les mesures de réduction et de limitation supplémentaires des armements stratégiques offensifs est en vigueur jusqu'en 2026. Il stipule les niveaux à respecter. Nous nous guidons par ces chiffres, du moins tant que le traité est en vigueur. Nous avons suspendu notre participation à ce traité, mais nous avons déclaré que nous maintiendrions les niveaux stipulés et échangerions certains types d'informations avec les Américains.
Bien entendu, ce n'est pas au Secrétaire général des Nations unies de décider de ces questions. On veut toujours qu'il y ait moins d'armes. Mais il y a des réalités.