Китайская Народная Республика
Allocution et réponse à la presse du Ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov lors de la conférence de presse conjointe suite à ses pourparlers avec Wang Yi, membre du Conseil d'État et Ministre chinois des Affaires étrangères, Pékin, 23 avril 2018
Mesdames et messieurs,
Nous avons mené des pourparlers très substantiels et utiles qui se sont inscrits dans la suite logique de notre récente rencontre à Moscou, où Wang Yi, membre du Conseil d'État et Ministre chinois des Affaires étrangères, s'était rendu pour une visite.
Le sujet principal de notre rencontre d'aujourd'hui était celui des préparatifs de la visite du Président russe Vladimir Poutine en Chine, qui devrait coïncider avec la prochaine réunion du Conseil des chefs d'État des pays membres de l'OCS en juin à Qingdao.
Nous avons constaté le niveau sans précédent des relations russo-chinoises, qui sont considérées à juste titre comme un partenariat universel et une coopération stratégique. Nous avons évoqué en détail l'état actuel et les perspectives de la promotion de la coopération bilatérale, et notamment un grand nombre de questions pratiques.
Nous avons signé en votre présence le nouveau Plan annuel de consultations des ministères des Affaires étrangères prévoyant notamment d'organiser en 2018 beaucoup de rencontres au niveau des vice-ministres et des directeurs des départements spécialisés pour examiner un large éventail de questions d'actualité internationale et régionale.
Nous avons évoqué la réunion de demain du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l'OCS. Nous avons accordé une attention particulière au travail de l'Organisation. Nous sommes tous les deux certains que l'Organisation a renforcé son rôle dans les affaires internationales suite à l'adhésion de l'Inde et du Pakistan en tant que membres de plein droit. Nous avons constaté un niveau élevé de coopération bilatérale entre la Russie et la Chine dans le cadre de l'OCS.
Nous avons analysé le développement futur de formats tels que les BRICS et les RIC.
Nous avons examiné en détail la situation autour de la péninsule coréenne où l'on constate des progrès positifs depuis des mois. La Russie et la Chine estiment que ce progrès répond dans une grande mesure à la feuille de route russo-chinoise pour le règlement coréen. Il est selon nous nécessaire que tous les pays impliqués se rapprochent de manière synchronisée au lieu de lancer des provocations. Nous sommes convenus de favoriser ces évolutions par tous les moyens.
Nous avons débattu de la situation en Syrie. Les deux parties ont une vision très négative des frappes de missiles des États-Unis et de leurs alliés contre le territoire syrien, qu'ils considèrent comme une violation grossière du droit international. Nous nous sommes prononcés pour une enquête rigoureuse, objective et sans aucune pression extérieure de la mission de l'OIAC sur l'incident chimique présumé dans la ville de Douma. Nous avons souligné l'absence d'alternative au règlement politique et diplomatique de la crise syrienne. Nous nous sommes entendus pour élargir la coopération bilatérale dans ce domaine, notamment au sein du Conseil de sécurité de l'Onu.
Nous avons remis nos pendules à l'heure en ce qui concerne la situation autour du Plan d'action global conjoint sur le programme nucléaire iranien. Nous avons souligné l'importance absolue de maintenir les accords fixés dans la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l'Onu. Nous sommes opposés à leur révision. Il est, selon nous, très contreproductif de tenter de réduire à néant les efforts internationaux entrepris depuis des années par le groupe 5+1 et l'Iran. Nous tenterons de prévenir le sabotage de ces accords.
Globalement, ces pourparlers ont confirmé notre volonté bilatérale de renforcer la coopération russo-chinoise en politique étrangère. Je voudrais remercier Wang Yi, membre du Conseil d'État et Ministre chinois des Affaires étrangères, et tous nos amis chinois pour leur hospitalité.
Question: Quelle est l'influence des événements dans le monde sur les pays qui se réunissent à Pékin cette année? La situation en Syrie ne cesse de s'aggraver, tandis que les États-Unis pourraient quitter l'accord sur le programme nucléaire iranien. Comment tout cela se reflète-t-il sur l'OCS et les membres de l'Organisation isolément?
Sergueï Lavrov: Votre question est très large. Nous ne sommes pas vraiment ravis de la situation dans le monde en général. Comme l'a déjà dit mon homologue et comme nous l'avons évoqué à plusieurs reprises, on constate des tentatives de torpiller la stabilité de l'ordre international basé sur la Charte de l'Onu, ainsi que des tentatives d'enquêter, de juger et de prononcer des verdicts hors du champ de la Charte de l'Onu. C'est absolument inacceptable. Nous l'avons clairement dit avec la Chine au Conseil de sécurité de l'Onu lors du vote sur les projets de résolution en question. Nos représentants ont également tenu des propos similaires au niveau national.
Nous sommes très préoccupés par les événements en Syrie. Au moment précis où l'on constatait une percée radicale dans la lutte non seulement contre Daech, mais aussi contre le reste des terroristes, où l'on a libéré la Ghouta orientale des extrémistes - une banlieue très importante de Damas -, où l'on voyait des possibilités réelles de lancer très bientôt les travaux de la Commission constitutionnelle en conformité avec les décisions du Congrès du dialogue national syrien de Sotchi, certains acteurs ont lancé une provocation liée à l'utilisation prétendue d'armes chimiques. Ensuite, on a lancé des frappes sans attendre l'arrivée des inspecteurs de l'OIAC sur les lieux et malgré un grand nombre de témoignages indiquant qu'il s'agissait d'une mise en scène. Tout observateur impartial comprend évidemment que l'objectif de ces actions était de saboter l'enquête des inspecteurs de l'OIAC et de torpiller les tendances positives dans le règlement syrien qui commençaient à se renforcer, notamment grâce aux efforts des pays garants du processus d'Astana (la Russie, l'Iran et la Turquie). Je suis certain que la vérité triomphera. Même les pays qui ont exprimé leur compréhension et leur soutien à cette action absolument illégale des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France, l'ont fait de manière forcée. La plupart comprennent parfaitement qu'il s'agit d'un moyen absolument inacceptable de résoudre des crises internationales très sérieuses. L'objectif le plus urgent est d'offrir aux inspecteurs de l'OIAC la possibilité de faire leur travail sans aucune pression extérieure, sans céder à cette pression qui est tout à fait réelle. Nous insisterons pour que les inspecteurs visitent tous les lieux liés aux "actualités" sur l'attaque chimique présumée, notamment celui où l'on a tourné la vidéo célèbre montrant des garçons arrosés d'eau. Le public mondial a vu plus tard les mêmes enfants en bonne santé et de bonne humeur, qui menaient une vie paisible. Pour le moment, les inspecteurs de l'OIAC n'ont pas visité ces lieux, tout comme l'hôpital local, ni les laboratoires souterrains pris par les troupes syriennes avec le soutien de la Russie, où les combattants préparaient des attaques chimiques jusqu'à leur départ de la Ghouta orientale. Tout cela ne doit pas rester hors du champ de vision des inspecteurs de l'OIAC. Nous ferons tout pour y parvenir.
Quant au Plan d'action global conjoint sur le programme nucléaire iranien, comme je l'ai déjà dit, nous avons une position commune avec la Chine. Ce texte a été adopté par le Conseil de sécurité de l'Onu qui est l'organe suprême en matière de maintien de la paix et de la sécurité. Il est inacceptable de revoir des accords de ce genre. Ce serait remettre en cause l'un des acquis diplomatiques internationaux les plus importants de ces dernières années. La Russie et la Chine s'opposeront par tous les moyens à cette tendance pour empêcher cette évolution très dangereuse.