Республика Бурунди
Allocution et réponses à la presse de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, lors d'une conférence de presse conjointe à l'issue de son entretien avec Ezéchiel Nibigira, Ministre des Affaires étrangères de la République du Burundi, Moscou, 5 novembre 2019
Bonjour,
L'entretien avec mon homologue burundais Ezéchiel Nibigira s'est déroulé dans une atmosphère chaleureuse et bienveillante. Nos relations sont amicales, elles se construisent sur la base des principes du droit international, de la prise en compte réciproque des intérêts et s'appuient sur les profondes sympathies historiques mutuelles entre nos peuples.
Nous avons noté avec satisfaction la dynamique positive de nos liens commerciaux et économiques. Les chiffres absolus ne sont pas encore impressionnants, mais la croissance est significative avec une multiplication par plus de quatre en trois ans. Cela correspond à l'aspiration réciproque à faire passer notre partenariat d'affaires mutuellement bénéfique au niveau supérieur, et nous l'avons réaffirmé aujourd'hui. Ces derniers temps, nous avons réussi à lancer plusieurs projets communs fructueux dans le domaine de la production, de l'exploitation minière et de l'agriculture. Plusieurs compagnies russes travaillent au Burundi. A son tour, un bureau pour la vente de thé et de café burundais a été ouvert en Russie et fonctionne avec succès. Nous sommes convenus de soutenir les contacts directs entre les représentants des communautés d'affaires. Parmi les domaines prometteurs, nous avons noté la coopération interrégionale, notamment les bons plans pour le développement de plusieurs projets communs au Burundi en lien avec la république de Mordovie.
Nos collègues burundais nous ont informés des démarches entreprises par leur gouvernement afin de surmonter définitivement les difficultés dans le pays, de la préparation pour les prochaines élections en mai 2020. De notre côté, nous avons réaffirmé notre position inchangée concernant le respect de la souveraineté du Burundi, l'inadmissibilité de l'ingérence dans les affaires intérieures de ce pays africain, et le fait que c'est à partir de cette position que nous examinerons les questions qui concernent la situation au Burundi dans le cadre de l'Onu, y compris le Conseil de sécurité.
Nous avons beaucoup parlé des liens sociaux. Les deux parties ont exprimé leur bonne appréciation de la préparation de spécialistes burundais dans les universités russes. En tout, notre pays, en comptant l'époque soviétique, a formé plus de 4.500 Burundais. Près de 120 personnes étudient actuellement dans les spécialités civiles. Des dizaines de Burundais étudient dans les établissements supérieurs du Ministère de la Défense, des Affaires étrangères et suivent des formations au Service fédéral de sécurité.
Nous sommes convenus également de poursuivre l'an prochain l'organisation, par la Russie, de stages pour les diplomates burundais à l'Académie diplomatique du Ministère russe des Affaires étrangères. L'an prochain se déroulera une nouvelle sélection pour les formations proposées par cet établissement. Monsieur le Ministre rencontrera aujourd'hui le recteur de l'Académie diplomatique Alexandre Iakovenko.
Nous avons parlé des perspectives d'un nouveau projet: je veux parler de la création, au Burundi, du Centre national pour gérer les situations de crise. Cette demande a été émise par les représentants de Gitega. Nous sommes convenus d'examiner cette question sur le plan technique au niveau du Ministère russe des Situations d'urgence et de l'Organisation internationale de protection civile.
Nous avons donné une haute estimation des résultats du premier sommet Russie-Afrique qui s'est tenu à Sotchi les 23 et 24 octobre. Nous sommes ravis que nos amis burundais, comme tous les autres collègues qui ont donné leur avis, ont apprécié l'organisation de cet événement et son contenu substantiel, ses résultats.
Nous sommes convenus de contribuer à la mise en œuvre des accords signés entre la Russie et l'Union africaine, la Commission économique eurasiatique et la Commission de l'Union africaine, en apportant un contenu supplémentaire concret aux liens diversifiés entre la Russie et le continent africain.
Nous avons parlé des affaires régionales et internationales. Nous sommes prononcés pour le développement de notre coopération à l'Onu avec d'autres pays, en assurant le respect de la Charte des Nations unies, des principes de l'Onu, notamment le caractère inadmissible de l'ingérence dans les affaires intérieures d'autres pays et le respect du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Le Burundi est traditionnellement coauteur d'importantes initiatives de la Fédération de Russie à l'Assemblée générale des Nations unies, notamment concernant l'inadmissibilité de glorifier le nazisme, le non-déploiement en premier des armes dans l'espace, la promotion des mesures de transparence et de confiance dans l'espace, ou encore la sécurité internationale de l'information.
Nous sommes convenus aujourd'hui de contribuer à l'adoption, pendant la session actuelle de l'Assemblée générale des Nations unies, d'une résolution consacrée au 75e anniversaire de la victoire dans la Seconde Guerre mondiale prévoyant le déroulement d'une réunion solennelle à New York en mai 2020.
Nous avons également échangé nos avis sur notre coopération au sein des organes de l'Onu en charge des droits de l'homme. Notre position coïncide également sur ce point: il faut étudier les cas concrets sans essayer de les politiser et d'instrumentaliser les droits de l'homme pour s'ingérer dans les affaires intérieures de pays souverains.
Je voudrais noter aussi l'importance d'avoir réaffirmé aujourd'hui la coordination étroite du travail au sein de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) afin d'empêcher les tentatives entreprises depuis un an par certains partenaires occidentaux d'éroder les bases consensuelles et fondamentales de cette Convention et de tenter d'imposer, dans la lutte contre les armes chimiques et de la garantie du désarmement chimique totale, des approches qui ne sont pas consensuelles - ce qui est contraire à la lettre de la Convention.
Nous avons abordé également les problèmes auxquels font face les pays africains. La Russie se base immuablement sur la nécessité de respecter l'avis des Africains, d'élaborer des approches du règlement de différentes crises en assurant un soutien de la communauté internationale à ces actions. Nous poursuivrons ce travail au Conseil de sécurité des Nations unies en examinant différents points chauds sur le continent africain, que ce soit la République démocratique du Congo et, dans l'ensemble, la région des Grands lacs, la Centrafrique, le Soudan du Sud et le Mali. Nous avons évoqué en détail aujourd'hui le processus de paix en Somalie. A cet égard, nous avons exprimé notre grande estime vis-à-vis de la position du Burundi. A noter que plus de 4.000 casques bleus burundais servent dignement au sein de la Mission de l'Union africaine en Somalie. C'est une importante contribution à la stabilité de ce pays très important, déchiré par des différends intérieurs et où les terroristes continuent de renforcer leurs positions, notamment al-Chabab.
Dans l'ensemble, je trouve ces pourparlers très utiles. J'espère que sur tous les sujets évoqués aujourd'hui nous continuerons d'avancer au profit de nos relations, peuples et pays.
Question (adressée aux deux ministres): Récemment, le Ministre burundais de la Sécurité publique et de la Gestion des catastrophes a mentionné la nécessité d'échanger avec la Russie des renseignements sur les membres de groupes armés illégaux. Est-ce que le Burundi compte se joindre à la base du FSB sur les combattants terroristes étrangers? La Russie et l'OTSC ont-elles l'intention de développer la coopération antiterroriste avec le Burundi?
Sergueï Lavrov (répond après Ezéchiel Nibigira): La Russie souhaite développer la coopération antiterroriste avec tous les pays, y compris tous les pays du continent africain. Comme je l'ai dit, au niveau du centre du FSB russe nous formons des cadres des services de sécurité, et concrètement du Ministère burundais de la Sécurité publique. Nous avons également parlé aujourd'hui de la banque de données créée sous l'égide du FSB russe. Elle permet de suivre en temps réel les déplacements des combattants terroristes étrangers. Près de 50 pays et organisations internationales y participent, notamment Interpol et bien d'autres. Nous transmettrons à nos amis burundais les informations qui permettront de mieux se familiariser avec la procédure pour adhérer à ce mécanisme international.
Question (adressée à Ezéchiel Nibigira): Après le sommet Russie-Afrique de Sotchi, certaines puissances occidentales n'ont pas caché leur attitude méfiante par rapport au retour à part entière de la Russie sur le continent africain. L'un des éléments irritants à leurs yeux est la coopération militaro-technique. Monsieur le Ministre, que pouvez-vous dire à ce sujet?
Sergueï Lavrov (ajoute après Ezéchiel Nibigira): Ceux qui sont constamment préoccupés par les relations entre d'autres pays sont probablement prisonniers d'une mentalité néocolonialiste, quand des continents immenses étaient considérés comme des fiefs appartenant à quelqu'un et où les étrangers n'étaient pas les bienvenus. Tout a changé. L'an prochain nous célébrerons le 60e anniversaire de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies. Cette Déclaration a créé l'Afrique contemporaine, les États indépendants contemporains sur le continent africain. L'Union soviétique a fait partie des auteurs et des initiateurs de cette Déclaration. Les pays africains se souviennent à qui, en grande partie, ils doivent leur indépendance et la suppression de l'oppression coloniale et, ce qui est important également, à qui ils doivent - à un niveau décisif - la garantie des principaux attributs de leur structure étatique, notamment les forces de sécurité et les bases de l'industrie nationale.
C'est pourquoi quand, avec les collègues africains, nous voulons mutuellement poursuivre notre coopération, je ne vois aucune raison légitime et morale pour qui que ce soit de s'interroger à ce sujet.
Question: Certains médias étrangers rapportent que la Russie et les États-Unis auraient conclu des accords secrets concernant le Nord-Est de la Syrie. Des militaires russes occuperaient les territoires quittés par les militaires américains. Comment pourriez-vous commenter cette information?
Sergueï Lavrov: Honnêtement, je n'ai pas l'impression qu'aujourd'hui il soit possible de s'entendre sur quelque chose avec les États-Unis. Je ne vois aucune raison d'apercevoir des choses cachées dans notre entente avec la Turquie pendant l'entretien du Président russe Vladimir Poutine avec le Président turc Recep Tayyip Erdogan à Sotchi le 22 octobre. Le Mémorandum qui a été approuvé est très clair. Il est rempli en tout point. Les États-Unis parlent du début d'un retrait, puis d'un retour, et demain ils peuvent annoncer de nouveau un retrait. Il serait probablement non constructif et contreproductif de mener une politique à long terme sur la normalisation de la situation en Syrie, sur le rétablissement de sa souveraineté et de son intégrité territoriale, en voyant les actions incohérentes d'un pays qui maintient sa présence illégale sur le territoire syrien en transgressant le droit international.
C'est pourquoi je souligne une nouvelle fois: le mémorandum approuvé par le Président russe Vladimir Poutine et le Président turc Recep Tayyip Erdogan à Sotchi est mis en œuvre. Nos militaires travaillent en coordination étroite avec les forces armées syriennes sur une bande de 30 km le long de la frontière turco-syrienne, d'où se sont retirées les unités de protection du peuple kurdes. Nos policiers militaires travaillent avec les collègues turcs pour patrouiller dans une bande de 10 km de large dans le cadre de cette zone de 30 km.