TRADUCTION NON-OFFICIELLE DU RUSSE ARTICLE D'I.S.IVANOV, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA RUSSIE, PUBLIÉ DANS LA REVUE "MEJDOUNARODNAYA JIZN (LA VIE INTERNATIONALE)" N° 9-10 DE 2003 SOUS LE TITRE "NOUVELLE ANNÉE DE POLITIQUE EXTÉRIEURE POUR LE MONDE ET LA RUSSIE"
Traduction non-officielle du russe
Article d'I.S.Ivanov, Ministre des affaires étrangères de la Russie, publié dans la revue "Mejdounarodnaya jizn (La vie internationale)" n° 9-10 de 2003 sous le titre "Nouvelle année de politique extérieure pour le monde et la Russie"
Depuis plus d'un demi-siècle déjà, pour les diplomates du monde entier, l'année de travail commence essentiellement en septembre, où s'ouvre au cours du premier mois de l'automne la nouvelle session de l'Assemblée Générale de l'ONU – au fond, le forum clé de politique étrangère pour toute la communauté internationale. Et c'est bien à la session de l'Assemblée générale de l'ONU que l'on jalonne dans les grandes lignes le développement international pour l'année à venir.
La diplomatie russe est actuellement active comme jamais avant. La sphère de son activité a été substantiellement étendue, le calendrier des rencontres internationaux est dense comme jamais. Mais ce qui importe, certes, ce n'est pas l'intensité des contacts diplomatiques, mais leur contenu. C'est pourquoi je voudrais, avec mes lecteurs, examiner certains problèmes clé qui seront les plus actuels pour notre politique extérieure l'année prochaine.
La communauté internationale affronte plusieurs problèmes, exigeant une solution urgente et adéquate. Le principal parmi eux est la définition du modèle de l'ordre mondial moderne pour les années et les décennies à venir, qui réponde aux intérêts de tous les états et peuples, grands et petits.
Les derniers événements et, avant tout, la crise irakienne, ont montré avec toute la gravité que l'étape transitoire actuelle de l'évolution mondiale de l'ère de la «guerre froide» vers le nouvel ordre mondial traîne impardonnablement. On est en présence d'une tension excessive dans le système des relations internationales, cette situation indéfinie se caractérisant par l'instabilité permanente.
Il est difficile de se rappeler dans l'histoire moderne une autre période, où le monde connaisse parallèlement autant de problèmes régionaux irrésolus qui menacent réellement la sécurité internationale. On devrait y ajouter les menacés comme le terrorisme, le séparatisme et d'autres formes de l'extrémisme, le danger de la prolifération d'armes d'extermination massive (AEM) et des moyens de leur acheminement, le trafic de drogue, la criminalité organisée
Il devient clair qu'on ne peut que réagir aux nouvelles crises qui surgissent une à une. On a besoin d'un nouvel ordre mondial qui garantisse au niveau global la stabilité et la sécurité, contribue à neutraliser les défis actuels sans en laisser apparaître de nouveaux.
La Russie va continuer de jouer un rôle actif, initiateur à la formation de cet ordre mondial. Cette activité est dictée, bien sûr, par nos intérêts nationaux. Il nous est d'une importance de principe d'asseoir les conditions extérieures qui garantissent de manière fiable la sécurité et la prospérité des citoyens russes, contribuent au développement socio-économique de notre payé.
Mais nous comprenons parfaitement que l'on ne pourra atteindre cet objectif qu'au cas où la Russie, de concert avec les autres états, pourra élaborer les principes de base, sur lesquels seront édifiées les relations interétatiques. Et là, en la personne de la nouvelle Russie démocratique, la communauté internationale a un partenaire fiable, prévisible et responsable, ouvert au dialogue et à la recherche des décisions mutuellement acceptables sur la base des Statuts de l'ONU et des principes du droit international.
Nous sommes profondément persuadés que la communauté internationale est tout à fait capable de construire cet ordre mondial, dans lequel chaque état assume sa part de la responsabilité pour l'avenir de l'humanité, et la communauté internationale, à son tour, défende les intérêts légitimes de chacun de ses membres. En d'autres termes : la prospérité et la sécurité à travers l'interaction internationale avec le maintien de l'authenticité nationale - voilà notre principe.
Nous y voyons aussi le principal sens du concept du multipolaire à l'époque de la mondialisation. Notre idée n'a rien à voir avec la confrontation ou le choc des états. Au contraire, le multipolaire pour nous signifie, avant tout, une étroite coopération de tous les états et régions sur la base de l'égalité, de la démocratie et d'un partenariat constructif. C'est le besoin du règlement des problèmes internationaux sur la base de la coopération multilatérale, compte tenu des intérêts de tous les états. Sans cette vaste coopération, nous ne voyons pas l'édification du nouvel ordre mondial.
Tout cela dicte la nécessité du renforcement ultérieur des institutions multipartites et, avant tout, du rôle central et coordonnateur de l'ONU et de son Conseil de Sécurité. C'est l'ONU qui est capable de devenir la structure porteuse de la vie internationale moderne, le garant de l'inébranlabilité des principes fondamentaux du droit international.
La 58e session de l'Assemblée Générale de l'ONU, qui s'est ouverte à New York, se passe sous le signe de la recherche active des voies des réformes de l'Organisation. K.Annan, Secrétaire Général de l'ONU, a proclamé l'intention de créer le "conseil des sages" pour préparer les propositions correspondantes, qui seront ensuite examinées à l'ONU. La Russie, naturellement, va participer activement à leur préparation et discussion. Dans le même temps, nous partons du fait que la réforme n'est pas faite pour la réforme, mais doit se faire dans un seul but – augmenter l'efficacité de l'ONU.
La participation du Président V.V.Poutine à la session actuelle de l'Assemblée Générale est devenue un témoignage probant du soutien global de l'ONU par la Russie.
Dans son discours programme, le chef de l'état russe a avancé une série de propositions concrètes, visant le renforcement de la sécurité et de la stabilité internationales. En particulier, sur l'initiative de la Russie, sera examiné, cette année, le projet de la résolution concernant la création du système global de l'opposition aux nouveaux menaces et défis, avant tout au terrorisme international.
Un passage important dans l'intervention du Président de la Fédération de Russie est revenu à l'ensemble des questions liées à la non-prolifération d'armes d'extermination massive. Nul besoin d'expliquer le danger représenté par ces armes tombées entre les mains des terroristes. C'est la prévention de cette menacé que vise le projet concret d'actions de renforcement et de perfectionnement des régimes internationaux de la non-prolifération des AEM, avancé par V.V.Poutine.
Le Président a prêté une attention particulière aux aspects humanitaires de l'activité de l'ONU. Il est tout à fait évident que la lutte contre les menaces et défis modernes ne sera efficace qu'au cas où elle serait étayée par les efforts visant à surmonter la misère et le sous-développement, alléger le joug écologique et les autres problèmes globaux. Et là, l'ONU est également appelée à agir avec initiative et énergie.
Maintenant, les objectifs de la diplomatie russe consistent à transformer ces stipulations importantes en réelles actions et décisions de l'ONU. Cela dit, nous entendons agir constructivement au maximum, visant l'obtention de la plus large entente internationale. Les événements des dernières années ont confirmé avec la clarté évidente que, quand la communauté internationale agit de concert, même les objectifs les plus complexes ne lui résistent pas. Mais quand elle est désunie, elle a bien plus de peine à lutter contre les menaces et défis modernes.
Une confirmation parlante à cela sont les difficultés que la communauté internationale a affrontées avec l'aggravation de la crise irakienne. La Russie a, dès le début du conflit, occupé une position claire, ferme et honnête. Nous avons été contre son règlement militaire.
Néanmoins, de l'avis de la Russie, il faut maintenant unir les efforts de la communauté internationale dans l'intérêt du règlement qui réponde, avant tout, à l'intérêt de l'Irak même, à l'intérêt de la stabilité dans la région. L'essentiel est que le peuple irakien voie une claire perspective du rétablissement de la souveraineté du pays et du transfert du pouvoir à ses représentants légitimes. Sans cela, il est impossible de régler les autres problèmes, comme la garantie de la sécurité et du rétablissement économique de l'Irak.
La diplomatie russe entend toujours prendre la part la plus active au règlement de cette crise-ci et des autres. En tant que participant responsable du Quatuor des médiateurs internationaux pour le Proche-Orient, la Russie va déployer des efforts afin de préserver du recul le processus du règlement du conflit palestino-israélien. Car la mise en pratique de la "feuille de route" de ce règlement n'a pas d'alternative.
La vie du peuple afghan entre dans une période importante. Nous allons contribuer activement à ce que l'Afghanistan devienne un membre digne de la communauté internationale avec ses institutions du pouvoir stables, un état qui ne menace plus ses voisins et qui a cessé de fabriquer illicitement de la drogue.
Il est d'une importance de principe que, cette année, a commencé le dialogue sur le programme nucléaire de la Corée du Nord. En évaluant positivement les résultats des pourparlers sextipartites de Pékin, la Russie prône leur poursuite et va contribuer au maximum à la recherche d'éventuels compromis pour faire rapprocher les positions des parties.
Le règlement des problèmes régionaux, comme l'ensemble de la stabilité en général dans les affaires internationales, dépend beaucoup du degré de la coopération de la Russie et des USA. Moscou est intéressée, de concert avec Washington et les autres partenaires du travail conjoint au sein du Conseil de Sécurité de l'ONU, du G8 et des autres mécanismes de la coopération multipartite, à trouver des solutions constructives des problèmes internationaux.
La rencontre des 26-27 septembre à Camp David des présidents V.V.Poutine et G.Bush a dйmontré une nouvelle fois la responsabilité toute spéciale de la Russie et des USA pour les garanties de la sécurité et de la stabilité internationales. Malgré toutes les difficultés et épreuves qu'ont traversées ces dernières années les relations russo-américaines, on a su conserver les principes essentiels de notre coopération – la confiance, l'esprit d'ouverture et le respect des intérêts réciproques.
A côté de l'approfondissement du dialogue sur les problèmes internationaux clés, l'objectif important du sommet a été de traduire la vision générale des nouvelles relations stratégiques entre la Russie et les USA en langue des actions réelles de développement de la coopération bilatérale dans différents domaines. Les présidents ont chargé leurs gouvernements de missions concrètes à ce sujet, ayant défini les domaines clé, dans lesquels le progrès pourrait être obtenu dans les jours qui viennent dйjà. Parmi eux - la coopération énergétique, la conquête de l'espace, les technologies de l'information et des télécommunications, l'élimination des obstacles pour le commerce et les investissements.
Dans l'ensemble, comme l'a souligné V.V.Poutine, en résultat du sommet on a su sérieusement avancer dans la formation des rapports d'un partenariat réel, respectueux entre la Russie et les Etats-Unis.
Je veux rappeler qu'en six premiers mois de 2003, les échanges commerciaux russo-américains ont augmenté de plus d'un tiers. Cela donne la certitude que les nouveaux objectifs de développement du partenariat de la Russie et des USA, donnés par les présidents, seront mis en pratique.
Nous devons résoudre les tâches non moins importantes dans la cause de la formation de la nouvelle qualité des relations de la Russie avec l'Union Européenne, de la mise en pratique des ententes obtenues au cours du sommet de Pétersbourg Russie-UE. Le sens de ces ententes est de créer les conditions réelles pour la construction d'une Europe réellement Grande, unissant tous les pays de notre continent, tant ceux qui font partie de l'Union Européenne que ceux qui ne sont pas ses membres.
Pour la Russie, cela est d'une importance de principe. Bien que notre pays, à force de raisons objectives, ne prévoie pas dans un avenir proche poser la question de son adhésion formelle à l'UE, la Russie a été et reste une puissance européenne. Ici sont concentrés nos intérêts stratégiques et économiques. La Russie, par plusieurs fils historiques, économiques et culturels, est liée avec ses voisins en Europe. Nous sommes sincèrement intéressées aux relations les plus étroites et mutuellement avantageuses avec l'Union Européenne, à laquelle adhèrent toujours de nouveaux membres, qui ont des traditions de longue date des rapports avec la Russie. Voilà pourquoi nous participons activement au processus de la formation, en commun avec l'UE, du système des espaces unis: dans le domaine de l'économie et du commerce, de la sécurité intérieure et extérieure, de la justice, de la science et de la culture. Nous espérons fermement approcher le sommet de novembre Russie-Union Européenne, qui se tiendra à Rome, avec les résultats concrets dans ce domaine et dans les autres sphères.
Une piste spéciale de notre dialogue avec l'Union Européenne est la création des conditions pour passer en perspective au régime des voyages sans visas. On ne peut pas tolérer l'édification de nouveaux « murs » et « rideaux », de visas cette fois, sur le chemin des générations actuelles et futures des Européens qui veulent construire ensemble leur maison européenne.
Aujourd'hui comme jamais, il importe de roder le mécanisme qui permette de remplir de manière adéquate et efficace le volume toujours croissant des travaux conjoints entre la Russie et l'Union Européenne. C'est le Conseil permanent de partenariat, crée au sommet de Saint-Pétersbourg, qui est appelé à devenir cette structure. Nous espérons que cet organe nous permettra, sur une base d'égalité et en temps réel, de mener avec succès un dialogue ouvert et ciblé en divers formats suivant la formule Russie - pays de l'UE et Commission européenne.
On a encore beaucoup à faire sur le plan des garanties de la nouvelle qualité de la coopération de la Russie et de l'UE dans la sphère de la politique européenne dans le domaine de la sécurité et de la défense. Et là, nous avons un bon exemple – la coopération qui s'étend et, ce qui est surtout important, est d'égal à égal, de la Russie et de l'OTAN. Aujourd'hui, le Conseil Russie-OTAN est dйjà devenu un élément de poids de la sécurité paneuropéenne.
Le caractère plurivectoriel des intérêts de politique extérieure russe détermine la nécessité de l'augmentation ultérieure des rapports avec nos proches voisins et partenaires de la Communauté des états indépendants.
La vie même nous dicte la portée du renforcement des processus d'intégration au sein de la CEI et de la CEEurAs, cela dit, non seulement dans la sphère socio-économique, mais culturelle et humanitaire. La décision de la Russie, de l'Ukraine, de la Biélorussie et du Kazakhstan de former un espace économique unique est devenue un jalon important dans le développement de ces processus. De sérieux objectifs incombent à l'Organisation du Traité sur la sécurité collective, avant tout, dans l'opposition aux attaques incessantes du terrorisme international contre notre pays.
Nous chercherons également à obtenir l'ultérieur devenir de l'Organisation de coopération de Shanghai, dont les membres sont la Russie, la Chine et plusieurs états centrasiatiques. Et le vecteur asiatique en général est bien une des principales priorités de la diplomatie russe. La coopération polyvalente mutuellement avantageuse est devenue le trait distinctif des relations avec nos amis les plus importants – la Chine et l'Inde. La récente visite de V.V.Poutine, Président de la Russie, en Malaisie a encore fois montré les bonnes perspectives de notre interaction avec les pays de l'ASEAN. La Fédération de Russie - participant actif de la CEAP - augmente chaque année sa présence sur les marchés des pays de l'Asie-Pacifique.
Telle est la liste non exhaustive des objectifs posés devant la politique extérieure de la Russie. Elle montre de façon parlante la polyvalence de la diplomatie moderne, son importance pour le sort de chaque état. D'où, les exigences toujours croissantes envers le métier de diplomate, qui réunit non seulement les domaines des connaissances toujours nouvelles, mais – ce qui est non moins important - la recherche créatrice des réponses aux problèmes gravissimes qu'avance la vie moderne. L'approche créatrice a toujours été le propre des fonctionnaires de l'office diplomatique russe. Ce n'est pas par hasard qu'ils ont généré une pléiade de brillants scientifiques, écrivains et poètes.
Cette année, nous célébrons le bicentenaire du merveilleux poète russe F.I.Tioutchev – diplomate de carrière, qui a consacré au service diplomatique 36 années de sa vie. Il s'acquittant des missions importantes à l'étranger, notamment dans les représentations diplomatiques russes à Munich et à Turin, occupait des hautes fonctions dans l'appareil central du ministère. Il se distinguait toujours par le professionnalisme et la polyvalence de ses intérêts, par l'amour sans réserve de la Russie. "Je suis Russe, - écrivait-il, - russe coeur et âme, profondément fidèle à ma terre".
Il n'y a qu'une chose dont on pourrait ne pas convenir aujourd'hui avec Fédor Ivanovitch: toute sa spécificité étant, la Russie nouvelle devra être comprise par la raison. Comprise tant par ses propres citoyens que par nos partenaires étrangers. C'est là le sens principal de notre diplomatie publique. C'est dans la prévisibilité et la ligne de continuité que réside le gage du prestige de notre pays dans l'arène internationale.
Et avoir confiance en la Russie, il le faut pour de bon. Et cette confiance, j'en suis persuadé, nous permettra de faire renaître un état puissant, prospère, qui veille aux intérêts de ses citoyens.