Le nazisme ukrainien aujourd'hui : sources d'origine et typologie idéologique et politique
E. Popov, Docteur en philosophie
Directeur de l’organisation non
commerciale autonome du
Centre de coopération publique
et d'information « Europe »
L'histoire du nationalisme/nazisme ukrainien moderne remonte au début des années 1990. Elle est liée à « l'exportation » de personnel et de technologies nazis vers l'Ukraine devenue un État indépendant.
Contexte historique. L'histoire du nationalisme ukrainien est l'histoire de la confrontation entre le nationalisme ukrainien de la Grande Ukraine (Ukraine de Dniepr) et le nationalisme de la Galicie d'origine austro-hongroise. Elle a débuté avant la Première Guerre mondiale et s'est transformée, d'une part, en une confrontation politique entre la République populaire d'Ukraine (RPU) et la République populaire d'Ukraine occidentale (RPUO) en 1918-1920 (le chef de la RPU, S. Petlioura, a en fait trahi la RPUO concluant une alliance avec la Pologne sur l'épave de cette dernière) et, d'autre part, en un conflit entre les Pétliouristes et les Banderistes, qui s'est achevé par la victoire du nationalisme galicien dans l'Ukraine post-soviétique. La Galicie (l'ancienne région historique de la Russie galicienne qui a fait partie de l'empire autrichien puis austro-hongrois de 1772 à 1918) a acquis de facto un monopole sur l'idéologie et est devenue un centre d'émergence de la plupart des « anciens » partis et des organisations nationalistes, et reste (de même que la Volhynie) la principale base électorale du nationalisme ukrainien. La genèse du nationalism/nazisme ukrainien organisé (de partis) remonte également aux versions galiciennes. L'Organisation des nationalistes ukrainiens (l’OUN) a été fondée en 1929 et a d'abord existé en tant qu'organisation unique, puis, après l'assassinat de son leader Eugène Konovalets par Pavel Soudoplatov, elle s'est divisée (en 1940) en deux factions rivales, celle de Bandera et celle de Melnikov (OUN-b ou OUN-r (révolutionnaire), et OUN-m). À partir de juillet 1919, la Galicie orientale et la Volhynie occidentale ont été intégrées à l'État polonais et elles sont devenues les objets de polonisation. D'où l'orientation radicalement anti-polonaise de l'OUN, l'orientation géopolitique pro-allemande et l'orientation idéologique pro-nazie de l'OUN à l'époque de Konovalets et des deux factions de l'OUN après la division. Avant même l'arrivée d'Hitler au pouvoir, des liens étroits ont été établis entre les nationalistes ukrainiens et le NSDAP ; les membres de l'OUN ont fait leurs études dans les écoles de parti des nazis allemands. Par la suite, les services de renseignement de l'Allemagne hitlérienne ont pris le contrôle des factions de l'OUN : le service de renseignement militaire Abwehr – sur l'OUN-b, le SD (service de sécurité SS) – sur la faction de Melnikov. Ainsi, le commandant de l'OUN-UPA (Armée insurrectionnelle ukrainienne), l'aile militaire de l'OUN-b, R. Choukhevitch avait le grade de Hauptmann de l'Abwehr et était commandant adjoint de l'unité punitive et de sabotage « Nachtigall » créée par les nazis dans la Pologne occupée. Un certain nombre d'idéologues et de dirigeants de l'OUN ont ouvertement fait référence au nationalisme ukrainien comme faisant partie du mouvement fasciste européen. Il est important de noter que l'OUN n'a pas été attirée par le fascisme italien (la doctrine de l'État corporatif), mais par le national-socialisme allemand avec sa théorie raciale.
Par conséquent, comme les Oustachis croates, l'OUN est une version du national-socialisme caractérisée par ses pratiques génocidaires de règlement de la question nationale. Les nationalistes ukrainiens n'avaient pas d'État à eux, et ils avaient pour base sociale des habitants des villages peu ou pas alphabétisés. La Galicie et la Volhynie, les deux centres du nationalisme ukrainien, étaient des régions agraires arriérées. Il est important de noter qu'en Galicie qui a été plus urbanisée les niveaux supérieurs de la hiérarchie sociale et culturelle ont été occupés par les Polonais et les Juifs. Ainsi, le nationalisme ukrainien, qui s'est développé sur le modèle du national-socialisme allemand, a surgi dans un environnement agraire et culturellement arriéré et a servi de base idéologique et politique à la revanche ethnique.
Comme les Oustachis croates, l'OUN associait l'expansion territoriale à la question de la « pureté » ethnique. Tous les peuples étaient divisés en « amis » et en « ennemis ». Les premières places parmi ces derniers occupaient les Juifs, les Polonais, les Russes et les Hongrois (dans la terminologie des nationalistes ukrainiens – Youpins, Liakhs, Moskals, Magyars). Les premiers devaient être expulsés du territoire ukrainien, tandis que les derniers devaient faire l'objet d'actions violentes justifiées d'un point de vue théorique et programmatique.
Le 30 juin 1941, au lendemain de l'abandon de Lvov par l'Armée rouge, les Banderistes ont proclamé l'État ukrainien sous la direction de J. Stetsko. Une coopération étroite avec « la Grande Allemagne » d'Hitler a été annoncée. La première action punitive visant à mettre en œuvre le programme de l'OUN-r dans le domaine de la politique nationale est alors lancée – l'extermination de la population polonaise et juive de Lvov. Les historiens estiment le nombre de victimes juives de la première (30 juin – 2 juillet) et de la deuxième phase (25 juillet) à 4-5 mille personnes. Le nombre de victimes polonaises est beaucoup plus faible en termes quantitatifs (quelques dizaines de personnes), mais touche le cercle le plus élevé de l'élite culturelle et scientifique polonaise : les nationalistes ukrainiens ont littéralement pendu les professeurs polonais aux poteaux des réverbères. Lors de la troisième conférence de l'OUN(b) en février 1943, il a été décidé de créer l'UPA (Armée insurrectionnelle ukrainienne) dirigée par R. Choukhevitch (l’indicatif opérationnel : T. Chouprinka) et de résoudre radicalement la question polonaise. C'est ainsi que le massacre de Volhynie – l'extermination de la population polonaise de la région – a été lancé. En 2016, la Diète et le Sénat polonais ont reconnu le massacre de Volhynie comme un acte de génocide du peuple polonais. Le 17 juillet est commémoré chaque année comme la Journée du souvenir des victimes polonaises. Au total, entre 30 000 et 60 000 Polonais ont été exterminés lors du massacre de Volhynie perpétré par les deux factions de l'OUN et par la « Sitch de Polésie » dirigée par T. Borovets-Boulba. Le nombre total de victimes polonaises des nationalistes ukrainiens en Galicie et en Volhynie s'élève à 200 000. En outre, les nationalistes ukrainiens dans le cadre d'unités punitives au service de la Wehrmacht et d'unités de police du SD ont participé à la destruction de centaines de villages et de hameaux biélorusses. La mise à feu du village biélorusse de Khatyn avec ses habitants a été perpétrée par des nationalistes ukrainiens de l'OUN-m.
À la fin de la guerre et immédiatement après, de nombreux combattants et activistes de l'OUN-b et de l'OUN-m se sont réfugiés aux États-Unis et au Canada pour échapper aux représailles. Ceci n'était possible qu'avec le soutien et l'approbation directe des autorités publiques des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Après l'effondrement de l'URSS, les cercles dirigeants américains ont renvoyé le personnel et les technologies nazis en Ukraine et ont veillé à ce qu'ils soient introduits dans la sphère scientifique et éducative. Dans le même temps, les structures de parti des Banderistes et des Melnikovistes ont été recréées.
Ainsi, le nazisme ukrainien moderne a une continuité idéologique et organisationnelle avec les collaborateurs d'Hitler de la Seconde Guerre mondiale, les bourreaux de Volhynie et de Khatyn.
Nationalisme/Nazisme ukrainien organisé dans l'Ukraine post-soviétique
Voici une brève liste des structures organisationnelles des organisations qui ont succédé à l'OUN-b et à l'OUN-m dans l'Ukraine post-soviétique. Nous allons les appeler les « vieux nationalistes ».
Cette dimension/branche est représentée par deux groupes de partis : les partis parlementaires et les partis d'action directe. Le type parlementaire comprend :
- Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) – l'aile banderovite ou « révolutionnaire », et
- Le congrès des nationalistes ukrainiens (qui faisait autrefois partie du bloc électoral « Notre Ukraine ») – un parti pour être élu au parlement, fondé sur la base de l’OUN ;
- Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) – faction de Melnik ;
- Organisation pan-ukrainienne « Svoboda », dont le programme est basé sur le principe de la « démocratie nationale », c'est-à-dire la démocratie pour les Ukrainiens uniquement.
Les partis et les organisations qui pratiquent l'action directe sont notamment les suivants :
- Le parti politique « Assemblée nationale ukrainienne » (UNA) (après le départ de son leader charismatique D. Kortchinski) qui dispose d'une aile paramilitaire appelée « Autodéfense nationale ukrainienne » (UNSO). L'UNA-UNSO s'est alors retrouvée fragmentée en un certain nombre d'organisations. Elle n'a plus depuis longtemps la force dont elle se targuait dans les années 1990 et au début des années 2000.
Le rôle de l'UNA-UNSO est également caractérisé par le fait que, dans les années 1990 et au début des années 2000, elle a servi d'instrument d'expansion extérieure en assumant les fonctions du service de renseignement militaire ukrainien (Direction du renseignement du ministère ukrainien de la Défense) – ce que l'on appelle aujourd'hui une force par procuration. Ce fut le cas lors du conflit transnistrien. Mais l'activité extérieure de l'UNA-UNSO la plus évidente a été les actions anti-russes : la guerre en Abkhazie aux côtés de la Géorgie, les deux guerres de Tchétchénie et le conflit en Ossétie du Sud.
La participation des militants de l'UNA-UNSO, une force par procuration du renseignement militaire ukrainien, à deux conflits militaires sur le territoire de la Russie (République tchétchène), leur participation (avec les forces spéciales ukrainiennes et d'autres spécialistes militaires) à l'attaque de la Géorgie contre les forces de maintien de la paix russes en août 2008, nous permettent de mettre l'accent sur les relations russo-ukrainiennes d'une manière différente. A trois reprises au moins, l'Ukraine a participé de manière limitée à une invasion du territoire russe et à des actes d'agression contre des militaires russes – membres du bataillon de maintien de la paix à Tskhinvali.
- L'organisation publique « Trident de Stepan Bandera » fondée à l'initiative de l'OUN-r et connue comme la force nationaliste la plus radicale des années 1990-2000. D. Iaroch, leader autoproclamé de l'organisation « Secteur droit », association de nationalistes ukrainiens de l'Euromaïdan, est issu du Trident. Il convient de noter que le développement idéologique du Trident s'est arrêté au niveau des années 1940, ce qui a fait l'objet de remarques critiques et moqueuses de la part de leurs rivaux de la « nouvelle droite » ;
- Le Parti social nationaliste de l'Ukraine qui a donné naissance à l'organisation pan-ukrainienne « Svoboda » (leader O. Tiagnibok), au Congrès de la jeunesse nationaliste et à un certain nombre d'autres organisations.
Diverses structures des « vieux nationalistes » sont favorables à un réaménagement des frontières existantes et à la « restitution » à l'Ukraine des terres peuplées par des Ukrainiens. Les nationalistes ukrainiens ont des revendications territoriales à l'égard de tous les voisins de l'Ukraine, y compris la Pologne, principal allié et défenseur de l'Ukraine au sein de l'UE (terres historiques de l'ancienne Russie – Podliachie, Kholmchtchina, Lemkovchtchina, etc.) Mais les revendications territoriales les plus importantes concernent la Russie : les territoires du Bas-Don (ou du Don tout entier), le Kouban « ukrainien » (en 1792, l'impératrice russe Catherine la Grande a accordé aux Cosaques de l'Armée cosaque de la Mer Noire, que la propagande ukrainienne qualifie d'Ukrainiens, des terres dans le Kouban qu'ils avaient récupérées de l'Empire ottoman). Le vieux slogan – restituer les terres « de San à Don », qui fait désormais partie de l'hymne ukrainien, est partagé par toutes les factions de nationalistes ukrainiens. Toutefois, certains vont encore plus loin dans leurs revendications territoriales et demandent la « restitution » à l'Ukraine des terres de la « zone grise » et de la « zone verte », c'est-à-dire les territoires où se sont installés les colons (migrants) des régions de la Petite Russie de l'Empire russe, respectivement dans le sud-ouest de la Sibérie et en Extrême-Orient.
La « nouvelle droite », une autre dimension/branche du nationalisme/nazisme ukrainien, est représentée par les structures suivantes :
- Organisations de Kortchinski : dans les années 1990 – UNA-UNSO, dans les années 2000 – « Fraternité » ;
- «Patriotes d'Ukraine », basé à Kharkov, l'aile paramilitaire de l'Assemblée Sociale Nationale (orthographe comme dans l'original), ainsi qu'un certain nombre d'organisations idéologiquement similaires.
Au cours de la période dite de l'Euromaïdan, un certain nombre d'organisations proches des « Patriotes d'Ukraine » qui peuvent être plutôt attribuées au camp raciste qu'aux nationalistes ukrainiens traditionnels (« Marteau Blanc » et autres) sont apparues et ont fait preuve d'une activité.
L'aspect géographique (civilisationnel) du nationalisme ukrainien mérite une attention particulière. La ville de Lvov, « Piémont du nationalisme ukrainien », était également le centre intellectuel du « vieux nationalisme ». Cependant, les ressources démographiques, économiques et intellectuelles de la Galicie n'étaient pas comparables à celles des régions de l'est et du sud de l'Ukraine – la Slobojanchtchina historique (qui fait partie de l'État moscovite (russe) depuis 1500) et la Nouvelle Russie (rattachée à l'Empire russe après les victoires de l'armée impériale russe au cours du 18e siècle) – dont la langue et la culture étaient russes. Dans les nouvelles conditions historiques, les différends entre les Pétliouristes et les Banderistes – nationalistes ukrainiens de l'Ouest et de l'Est – ont été ranimés. Dans les régions de l'est et du sud de l'Ukraine, la Nouvelle Russie historique, l'environnement socioculturel était différent : la population urbaine développée et cultivée, les plus grandes mégapoles qui ont émergé et se sont développées rapidement : Kharkov, Donetsk, Odessa. Il convient également d'inclure Kiev dans cette liste, dont la langue et la culture sont russes. Les militants des mouvements nationalistes ukrainiens dans ces régions étaient issus des ultras du football.
L'exemple le plus intéressant est l'organisation publique « Patriotes d'Ukraine », créée à Kharkov en 2005. L’histoire de cette organisation remonte au Parti nationaliste social d'Ukraine, l'organisation nationaliste la plus radicale des années 1990. La structure du Parti nationaliste social d'Ukraine comprenait l'aile paramilitaire de la jeunesse « Patriotes d'Ukraine », dont le nom et le logo ont été adoptés par les nationalistes de Kharkov et de Donetsk. Kharkov, première capitale de l'Ukraine soviétique, a toujours eu un statut particulier ; c'est la deuxième ville la plus peuplée d'Ukraine. Des brochures spéciales en russe ont été préparées pour les « Patriotes d'Ukraine », la langue de travail de l'organisation étant le russe.
Le leader des « Patriotes d'Ukraine » est A. Biletski, futur créateur et premier commandant du bataillon/régiment Azov et de ses unités affiliées, historien de formation. Dans le milieu nazi, il est désigné par l'honorable surnom de « Chef Blanc ». Il a été un activiste des organisations nationalistes ukrainiennes (« Trident de Bandera ») avant de créer l'organisation publique susmentionnée des « Patriotes d'Ukraine » – l'aile militaire de l'Assemblée Sociale Nationale (le nom « inversé » du national-socialisme hitlérien). Biletski et O. Odnorogenko, historien et principal idéologue des « Patriotes d'Ukraine », ont été arrêtés pendant la présidence de V. Ianoukovitch et libérés après la victoire de l'Euromaïdan. Après sa libération, Biletski a immédiatement commencé à s'impliquer activement dans des activités militaires, politiques et publiques. Avec ses camarades des « Patriotes d'Ukraine », il a réussi à former l'une des unités de l'armée/garde nationale ukrainienne les plus effectives (principalement en termes de motivation) qui a obtenu une expérience précieuse dans de nombreuses batailles clés de la guerre dans le Donbass. L'unité Azov, qui est devenue célèbre dans le monde entier, a été capturée lors des combats pour Marioupol en mai 2022 et est actuellement en cours de reconstruction.
Nous sommes plus intéressés par les initiatives politiques et publiques de Biletski et des nationalists sociaux.
En octobre 2016, le parti politique « Corps national » a été créé sur la base du régiment Azov. Le chef du parti est A. Biletski.
Principaux domaines d'activités non politiques des structures mises en place sur la base du régiment Azov :
- Travail avec les enfants :
- Organisation et réalisation d'activités de loisirs communes lors des événements et des compétitions sportifs, touristiques, militaires et éducatifs, de « leçons de courage » dans les écoles, ouverture de sections sportives gratuites, camps militaires patriotiques gratuits.
- Collectes de dons au profit des orphelins.
- Travail avec les jeunes :
- Sections sportives gratuites et camps militaires et patriotiques.
- Organisation de divers tournois sportifs, du football au combat à mains nues.
- Organisation de concerts et de festivals de groupes musicaux jouissant d'un statut culte dans leur environnement, c'est-à-dire travail avec des sous-cultures de jeunes.
- Séminaires et conférences pour les étudiants dans les établissements d'enseignement supérieur avec, bien entendu, certaines connotations idéologiques.
- La promotion de sa propre idéologie dans la société afin d'offrir une alternative (« troisième voie ») dans un contexte de désillusion croissante à l'égard de l'idéologie et de la pratique libérales, y compris de « l’allié » de l'Ukraine – l'Union européenne.
- Travail visant à surmonter les problèmes qui ne sont pas directement liés à la politique.
- Soutien aux manifestations de citoyens ordinaires contre la construction des bâtiments illégalle.
- Assistance organisationnelle et en force aux manifestations à Kiev. Par exemple, assistance au syndicat des mineurs ukrainiens réclamant le remboursement des arriérés de salaires et la réduction des tarifs des services publics.
- Organisation de raids contre les trafiquants de drogue dans les lieux de distribution de la drogue.
- Travail avec les services militaires et spéciaux.
- Pendant la période de fonctionnement des « Patriotes d'Ukraine », selon certains rapports, des contacts étroits ont été établis avec les services de renseignement militaire (Direction du renseignement du ministère ukrainien de la Défense) et le SBU ; l'entraînement des militants (appelé « vychkil ») des « Patriotes d'Ukraine » a été mené avec l'aide d'officiers parachutistes et de forces spéciales et comprenait un cours complet pour les jeunes combattants. En conséquence, les néonazis de Kharkov se sont révélés être les militants volontaires les mieux préparés pour participer à des opérations de combat.
- Amélioration régulière de l'entraînement au combat et la mise en place des contacts nécessaires avec les officiers des Forces armées de l'Ukraine et du SBU. A. Biletski et son entourage font avancer tacitement l'idée suivante : le régime « d'occupation interne » (présidents illégitimes P. Porochenko et V. Zelenski) ne durera pas éternellement. Les forces de sécurité ont besoin de leur propre homme au pouvoir, et mieux encore, à la tête de l'État. Le rôle d'un tel homme est revendiqué par le « Chef Blanc » Biletski.
- L'établissement de contacts avec des représentants des services spéciaux étrangers (principalement américains) et des officiers des armées des pays de l'OTAN opérant en Ukraine, ainsi qu'avec de nombreux mercenaires et volontaires des milieux néo-nazis de l'Europe et des pays occidentaux. L'objectif est de créer et de renforcer les liens avec l'étranger dans une perspective d'avenir.
Il convient de noter le travail public très compétent et ciblé de cette organisation. Outre les structures militaires et paramilitaires, les membres des « Patriotes d'Ukraine » ont créé leur propre parti, le « Corps national », ainsi qu'un certain nombre d'organisations civiles, dont des syndicats. L'objectif est de dépasser les limites étroites de l'électorat nationaliste. C'est le même travail qu'a fait A. Hitler dans les années 1920 dans sa lutte pour les votes du prolétariat allemand.
La « nouvelle droite », ou les nationalistes sociaux, sont une force dotée d'un esprit stratégique. A. Biletski, Chef Blanc des nazis ukrainiens et européens, en réponse à une question sur ce qu'il considère comme sa plus grande réussite, a cité non pas la création du bataillon/régiment Azov et du « Corps national », mais les camps d'enfants.
Idéologiquement et intellectuellement, la « nouvelle droite » est une force qualitativement différente des « vieux nationalists », que les nationalistes sociaux méprisent ouvertement (« idiots du Trident »). Les nationalistes sociaux font directement appel au national-socialisme allemand originel, plutôt qu'à ses épigones ukrainiens reculés – les Banderistes, les Melnikovistes etc. La « bibliothèque » intellectuelle de ces structures comprend également les œuvres des néonazis et des racistes occidentaux modernes. Les nationalistes sociaux, cependant, n'ont pas rompu avec les anciens symboles et ont accepté les « héros de l'OUN-UPA » dans leur panthéon – la « nation » a besoin de ses « héros ». Mais le nerf principal est l'imitation du national-socialisme allemand et son développement, le héros principal est Hitler, pas Bandera.
Les aspirations géopolitiques des nationalistes sociaux ukrainiens sont beaucoup plus vastes et leur horizon de pensée est plus large que l'impérialisme provincial des « vieux » nationalistes de Galicie. Ils rêvent d'une « grande Ukraine » « de San au Don » (ou à la mer Caspienne), c'est-à-dire d'un redécoupage des frontières en Europe, y compris aux dépens de leur « alliée » – la Pologne. Ces projets témoignent de leur utopisme politique, mais aussi de l'étroitesse de leurs horizons politiques. Les projets des nationalistes sociaux sont beaucoup plus ambitieux : la création d'une Confédération centre-européenne (bien sûr, sous l'égide de l'Ukraine) d'États racialement purs, avec un regard sur l'Europe occidentale. Cette nouvelle force exercera un contrôle sur l'ensemble de l'Eurasie, et donc sur le monde entier. Ce n'est rien d'autre que le retour de l'oubli politique des aspirations géopolitiques d'Hitler.
Ainsi, les « vieux nationalists » souhaitent une Grande Ukraine pour les Ukrainiens. La « nouvelle droite » (nationalistes sociaux) vise une Grande Eurasie Blanche avec l'Ukraine en son centre sous le règne du Chef Blanc.
La Russie et le monde ne comprennent pas du tout la nature du nazisme ukrainien moderne. Le monde (occidental) préfère l'ignorer en qualifiant toute discussion sur ce sujet de « propagande russe ». En Russie, on se bat avec de vieux fantômes, considérant toujours le nazisme ukrainien moderne comme des Bandéristes. Fondamentalement, la mentalité des « vieux nationalists » n'est même pas provinciale, elle est du hameau. Pendant la guerre dans le Donbass, les combattants des bataillons nazis ukrainiens de Galicie rêvaient sérieusement de faire des esclaves des « inférieurs » qui habitent la région.
Les Banderistes n'ont pas disparu, mais ils ont cédé la palme de la suprématie à une force plus dynamique et plus puissante – un nouveau nazisme qui s'est développé dans les centres urbains de l'est et du sud de l'Ukraine actuelle, avec une culture urbaine russe et une aptitude et une capacité à penser à l'échelle planétaire et cosmique.
Cela explique pourquoi l'Ukraine est devenue la Mecque des néo-nazis de l'Europe et, en général, du monde entier. Les « vieux nationalists » avec leur culte misérable des ratés politiques Bandera et Choukhevitch n'auraient pas pu intéresser les néonazis d'Europe ou d'Amérique du Nord. Les structures issues des « Patriotes d'Ukraine » basés à Kharkov sont tout à fait différentes. Les idées du racisme blanc, une sorte de globalisme raciste, le rejet des frontières ethniques étroites (Azov compte dans ses rangs des néo-nazis idéologiques de la Fédération de Russie), une idéologie très moderniste tournée vers l'avenir et, enfin, la personnalité charismatique du Chef Blanc Biletski – tout cela a prédéterminé la popularité d'Azov et de ses structures affiliées parmi les racistes et les néo-nazis du monde entier.
Outre les « vieux nationalistes » (les Bandéristes) et les nationalistes sociaux qui se sont formés au sein du mouvement « Patriotes d'Ukraine » basé à Kharkov, il existe une autre forme de nazisme ukrainien. Cette forme est issue du pouvoir d'État. Suite au coup d'État du 21e février 2014 commis par les États-Unis, la Grande Bretagne ainsi qu'un nombre de pays de l'UE, l'Ukraine en tant qu'État n'existe plus. Il serait plus correct de parler d'un État en Ukraine. L'Ukraine en tant qu'État a été supprimée et est gérée de l'extérieur. Les institutions étatiques chargées des questions d'idéologie et d'éducation ont adopté les slogans et les idées des nazis ukrainiens: ainsi, la salutation « Gloire à l'Ukraine! » adoptée par l'UPA est officiellement utilisée aujourd'hui par l'armée ukrainienne. Stépan Bandera et Roman Choukhevitch ont été officiellement honorés en tant que héros. Les autorités en Ukraine poursuivent une politique de nazification dont de nombreux éléments sont tirés des programmes de l'OUN, tels que:
- la politique culturelle et éducative poursuite par l'Ukraine après Maïdan qui vise à évincer complètement les langues des peuples autochtones et des minorités nationales d'Ukraine, et surtout des Russes, qui sont les créateurs de l'État ukrainien tout comme les Ukrainiens eux-mêmes;
- la subordination totale de l'Église à l'État, l'interdiction de l'Église orthodoxe ukrainienne canonique du patriarcat de Moscou et la création de l'Église orthodoxe de l'Ukraine essentiellement sectaire: ces actes aussi devraient être reconnus dans l'esprit de la formule nazie « Un seul pays, un seul peuple, une seule langue, une seule Église ».
En fait, l'État en Ukraine a officiellement nié le droit à l'existence à l'Église orthodoxe canonique ainsi qu'au peuple russe (« il n'y a aucune minorité russe en Ukraine », a déclaré le président de la Verkhovna rada de l'Ukraine Rousslan Stéfantchouk).
Une autre manifestation de la vision erronée du phénomène du nazisme ukrainien moderne en Russie est le fait que la nation ukrainienne est vue comme un fait établi, alors que la nation ukrainienne n'est qu'un projet à mettre en œuvre. Par ailleurs, les nationalistes ukrainiens les plus clairvoyants le comprennent bien. C'est pour cette raison que le régiment Azov et le Corps national n'utilisent pas la russophobie primitive dans leurs idéologies. Bien au contraire, il y a une lutte pour les sympathies des Russes, ce qui n'est pas surprenant : beaucoup de leaders d'Azov sont russes. Tout simplement, les Russes sont invités à se disperser dans la « Nation de héros » – une nation ukrainienne qu'on voit en train d'être construite sous nos yeux sur la base de différentes pièces de la nation ukrainienne.
Ces jours-la, l'Ukraine cherche à développer, c’est-à-dire à construire, une nation ukrainienne. Celle-ci est créée grâce à ... la Russie. L'opération militaire spéciale a servi de catalyseur à ce processus. Les fondements de la nation ukrainienne, la « Nation de héros », seraient plutôt les porteurs de la langue et de la culture russes de Kiev, Kharkov et Dniepropetrovsk que les habitants des hameaux de Galicie et les villageois de Volhynie peu lettrés. Leur haine envers les Russes est d'autant plus forte que nous sommes le même peuple, de sang et de langue. Comme réponde un héros d'un roman de l'écrivain serbe Vuk Drašković à la question posée par son interlocuteur : « Pourquoi nous haïssez-vous autant ? » – « Parce que nous sommes vous. »
Les technologies d'ingénierie sociale sont aussi utilisées par les autorités ukrainiennes pour créer cette nouvelle nation ukrainienne artificielle. Toutefois, il est beaucoup plus probable que le plan stratégique ainsi que les technologies aient été élaborées non pas par des Ukrainiens, mais dans des laboratoires des États-Unis. Les Russes ainsi que d'autres peuples indigènes et minorités nationales de l'Ukraine servent de « pierres » sur lesquelles cette nation cherche à se construire.
Ainsi, l'Ukraine moderne voit exister (ou plutôt coexister) plusieurs formes de nazisme ukrainien: les « vieux nationalistes » (les Bandéristes hypothétiques), la « nouvelle droite », ou les nationalistes sociaux, et, finalement, les pratiques nazies des autorités ukrainiennes. Le « nazisme ukrainien » serait un terme plus précis que le « nationalisme ukrainien ». La date symbolique de la mort du « nationalisme » ukrainien (à supposer qu'il ait existé auparavant) a été le 2 mai 2014, la date de l'incendie de la Maison des syndicats à Odessa, qui a fait officiellement 48 morts. Appliquer le terme « nationalistes » aux fidèles ukrainiens d'Hitler et des SS serait un compromis moral avec le mal absolu et une méthode défectueuse de catégorisation des phénomènes idéologiques et politiques.
Il faut également souligner également que la montée du nazisme en Ukraine et la transformation accomplie de ce pays en un épicentre du nazisme / néonazisme mondial ne sont plus depuis longtemps un simple facteur dans la politique intérieure ukrainienne ou même dans les relations russo-ukrainiennes: il s'agit déjà d'un aspect important de la politique pan-européenne, voire mondiale. Même la victoire de la Russie sur les champs de bataille au cours de « l'opération militaire spéciale » n'aboutira pas à la destruction de cette force menaçante. Cette prévision se fonde sur l'expérience de l'existence après-guerre des structures survivantes de l'OUN (avec le soutien actif des services de renseignement et des agences gouvernementales des États-Unis, de la Grande-Bretagne, et de l'OTAN). Cependant, la « nouvelle droite » ukrainienne (les nationalistes sociaux) bénéficie de ressources démographiques ainsi qu'intellectuelles immensément plus importantes.
Ce n'est pas nécessairement sous les bannières ukrainiennes que le social-nationalisme ukrainien se diffusera. La flexibilité et l'adaptabilité de ce mouvement au nouvel environnement expliquent une certaine popularité du nazisme ukrainien au sein de l'extrême-droite russe. Au lieu du nationalisme ukrainien, le racisme blanc ou même le panslavisme pourraient bien prendre le dessus.