Королевство Норвегия
Remarques et réponses aux questions des médias par le ministre russe des Affaires Etrangères Sergueï Lavrov lors de la conférence de presse conjointe à l'issue des négociations avec le ministre des Affaires Etrangères de la Norvège, Børge Brende, Moscou, 20 janvier 2014
Mesdames et Messieurs,
Nous avons mené des pourparlers avec mon collègue norvégien, Børge Brende. Il s'agit de sa première visite en Russie en tant que ministre des Affaires Etrangères de la Norvège. M. Brende a été ici à plusieurs occasions pendant la période où il a occupé d'autres postes dans les gouvernements précédents de Norvège et où il dirigeait la partie norvégienne de la Commission russo-norvégienne intergouvernementale sur la coopération économique, industrielle et scientifique.
Nous avons réaffirmé notre satisfaction quant à l'évolution de la coopération bilatérale : il s'agit aussi bien d'un dialogue politique approfondi, y compris au plus haut niveau, donnant de l'élan au développement de l'ensemble des relations russo-norvégiennes que de la coopération entre les parlements, des liens commerciaux et économiques, de la coopération entre les différents ministères et départements, y compris sur le plan de la politique étrangère. Le programme de coopération que nous venons de signer pour les deux années suivantes, définit les domaines spécifiques de l'approfondissement de notre partenariat.
Nous saluons la disposition du nouveaux gouvernement de la Norvège, formé en octobre de l'an dernier, d'élargir nos relations bilatérales. Nous croyons que cela permettra de consolider les résultats qui ont déjà été obtenus ces dernières années et nous continuons à prôner une approche pragmatique et de bon voisinage dans les relations avec nos collègues norvégiens.
Au printemps de cette année, se tiendra la prochaine et 17e réunion de la Commission intergouvernementale sur la coopération économique, industrielle, scientifique et technique. Les deux parties ont exprimé l'espoir que cette réunion dessinera les dispositifs qui permettront de mettre fin à la tendance d'une certaine réduction des échanges bilatéraux. Le potentiel de la coopération commerciale et d'investissement entre nos deux pays n'a pas été épuisé. Les investissements norvégiens dans la Fédération de Russie seront les bienvenus, en particulier dans le district fédéral du Nord-Ouest. Mon collègue a confirmé aujourd'hui que la Norvège est heureuse d'accueillir les entreprises russes qui viennent sur son marché et qu'elle va également encourager les investissements ultérieurs.
Nous sommes également heureux d'accepter l'invitation de la partie norvégienne de fêter ensemble en octobre de cette année, le 70e anniversaire de la libération par l'Armée Rouge de la partie nord de la Norvège. Nous avons convenu de préparer un certain nombre de manifestations conjointes consacrées à cet événement important.
Notre partenariat dans le secteur de l'énergie est stratégique. On a convenu d'utiliser au maximum le potentiel de la coopération dans ce domaine et bien d'autres, y compris la pêche durable dans la mer de Barents et la mer de Norvège. On a discuté aujourd'hui de la coopération à Svalbard basée sur le Traité du 1920 et des défis que nous avons à relever par rapport à la protection de l'environnement, la sécurité nucléaire et radiologique dans les régions septentrionales. C'est une de nos priorités. Des mécanismes bilatéraux ont été établis entre la Russie et la Norvège pour traiter des problèmes pratiques afin que le Nord devienne plus propre et plus sûr.
Hormis les voies bilatérales, on considère comme un élément important de notre coopération la participation dans différents forums régionaux au Nord, tels que le Conseil de la région Arctique, le Conseil de Barents/euro-arctique et la "Dimension septentrionale" (un projet international où participent l'Union européenne, la Russie, la Norvège et l'Islande ).
On a souligné l'importance de créer un environnement plus confortable pour les échanges entre nos citoyens, ce qui est l'une de nos priorités communes. On va améliorer le fonctionnement des points de contrôle sur la frontière russo-norvégienne et élargir les possibilités du régime des déplacements frontaliers simplifiés ne nécessitant pas de visa.
Nous sommes satisfaits que les approches de la Russie et de la Norvège concernant la résolution d'un certain nombre de grandes questions internationales sont proches ou coïncident. Un des exemples de notre engagement commun de contribuer à la recherche de réponses aux défis d'aujourd'hui est la participation de la Norvège et de la Russie dans l'opération d'exportation des armes chimiques syriennes pour leur destruction ultérieure.
En général, des deux côtés, nous devons être satisfaits des résultats de nos négociations. J'espère que cette année, nous aurons encore de nombreuses occasions de communiquer et de discuter des affaires courantes.
Question : Les relations entre la Russie et l'Occident sont aujourd'hui plus tendues qu'avant. Est-ce que cela a affecté la coopération russo-norvégienne?
Le Ministre Sergueï Lavrov : Je pense que les relations entre la Russie et la Norvège ne subissent aucun effet négatif. On vient de vous faire part de notre évaluation commune de l'état de ces liens.
Je ne suis pas d'accord avec l'allégation que nos relations avec l'Occident paraissent actuellement plus tendues qu'avant. Elles n'ont jamais été sans nuage et des problèmes ont toujours existé. Nous évitons toutes occasions qui permettraient à quelqu'un de mettre, de façon artificielle, ces relations à rude épreuve. Au cours des derniers mois, je n'ai observé aucune condition qui induirait de telles conclusions. Je pense que vous avez pu entendre la réponse à votre question dans nos déclarations d'ouverture.
Question : L'intrigue entourant la participation à la conférence internationale "Genève-2" de la Coalition Nationale des forces de l'opposition et de la Révolution syrienne (CN) reste entière. Après que le Secrétaire Général de l'ONU Ban Ki-Moon ait envoyé une invitation officielle à l'Iran, les dirigeants de la NC ont déclaré qu'ils ne participeront pas à la conférence tant que cette invitation ne soit révoquée. Comment pouvez-vous commenter cela?
Le Ministre Sergueï Lavrov : En ce qui concerne la prochaine conférence internationale "Genève - 2" et la gamme de ses participants (la Russie et la Norvège vont assister à son ouverture à Montreux), la situation paraît malsaine. Initialement, la partie russe a insisté sur la nécessité d'inviter à ce forum tous les Etats sans exception qui influent sur la situation sur le terrain. L'Iran, au même titre que l'Arabie Saoudite et les pays du Golfe, la Turquie, l'Égypte et l'Irak, est bien sûr, un état directement intéressé de voir la situation évoluer de telle façon qu'aucun dommage ultérieur ne soit infligé à la stabilité de cette région des plus importantes au monde.
Honnêtement, la Coalition Nationale a été le seul participant évident à ce Forum qui, dès le départ, a avancé des conditions préalables pour son implication dans ce processus de paix. Ces conditions variaient dans une grande mesure. D'abord, il a été suggéré d'attendre jusqu'à ce qu'ils remportent une victoire militaire "sur le terrain". Ensuite, ils ont mis en avant une condition préalable de la nécessité de s'entendre à l'avance sur un changement de régime, etc... Nous avons, constamment et patiemment, tenté de convaincre l'opposition avec qui nous avons des contacts réguliers, ainsi qu'avec leurs principaux sponsors, de la nécessité de supprimer ces conditions et de s'inspirer de l'accord initial, faisant partie de l'initiative russo-américaine, sur la nécessité de convoquer une conférence pour la mise en œuvre intégrale du communiqué de Genève du 30 Juin 2012, sans condition préalable.
Le gouvernement de la RAS a entendu l'appel, a donné une réponse positive il y a longtemps et a formé sa délégation. De la Coalition Nationale, nous n'avons entendu une réponse positive, avec des réserves, qu'il y a deux jours seulement. N'oubliez pas que la Coalition Nationale ne représente qu'une partie des forces de l'opposition. A l'intérieur de la Syrie, il y a des structures qui souhaitent également participer à la décision relative au sort du peuple syrien - parce qu'il s'agit de leur peuple — mais qui ne sont pas représentées au sein de la Coalition Nationale. Globalement, la Coalition Nationale se compose de personnes assez responsables (je les ai rencontré à Paris tout récemment), qui, à mon avis, ont intérêt à ce que la paix revienne dans leur pays.
Soyons honnêtes, la "Coalition Nationale" a été créée par des commanditaires extérieurs. La Russie n'est pas contre la participation de la CN à la conférence "Genève – 2". D'ailleurs, nous avons salué sa décision d'envoyer sa délégation à une conférence à Montreux. Mais il faut bien comprendre la répartition globale des forces. Si quelqu'un met en doute la nécessité d'inviter à la conférence «Genève-2" tous les acteurs influents, c'est qu'il n'est pas intéressé par un règlement juste de la crise syrienne par biais de négociations. Puis, apparaissent des caprices. Dans le même temps, le gouvernement se met, sans condition, à la table des négociations où seront présents les états qui ont été invités à participer à la conférence de longue date, les états qui financent les opposants - y compris les moins modérés - de façon directe et qui leur fournissent des armes. Est ce que cela veut dire que le gouvernement doit maintenant exiger que ces pays n'y assistent pas? Le but des pourparlers, précisément, ne consiste pas à mettre autour d'une table ceux qui vous plaisent, mais ceux dont la participation est décisive pour résoudre un problème.
Une quarantaine de pays ont été invités à assister à la conférence. Ce sont les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU, de nombreux pays européens qui sont, d'une façon ou de l'autre, impliqués dans la fourniture de l'aide humanitaire et dans la mise en œuvre du désarmement chimique de la Syrie. D'autres Etats ont également été invités tels que, par exemple, l'Australie, le Mexique, la Corée du Sud, l'Afrique du Sud, le Japon, le Brésil, l'Inde, l'Indonésie, etc... Si l'Iran manque sur cette liste, la conférence ressemblera à une profanation.
Il ne faut pas oublier que la conférence s'ouvrira ce 22 janvier. Lors du débat, tous les ministres invités vont prendre la parole pour adresser, j'espère, un appel au gouvernement et à l'opposition de parvenir à un accord quant à l'avenir de son peuple sur base des principes énoncés dans le communiqué de Genève. Ce débat d'une journée, qui sera d'un grand cérémonial, visera à souligner l'attention particulière prêtée par la communauté internationale à la nécessité d'entamer des pourparlers directs entre les Syriens eux-mêmes qui sont seuls capables de décider du sort de leur pays. Et ces négociations directes commenceront alors quand tous les ministres invités se sépareront, et l'opposition avec le gouvernement entameront des négociations (au moins un premier tour) par l'intermédiaire de leurs délégations respectives. Ce processus ne sera pas facile ni rapide, même si, bien sûr, nous nous attacherons à faire en sorte pour qu'un accord soit atteint le plus rapidement possible.
Il doit être entendu que le 22 Janvier est la date de l'ouverture de la conférence. Je pense qu'il serait une erreur impardonnable de faillir à assurer la présence à cet événement de tous ceux qui peuvent influer directement sur la situation. Je soutiens pleinement une approche responsable et raisonnée du Secrétaire Général des Nations Unies qui a adressé une invitation à tous les pays capables d' influencer la situation en Syrie, y compris à l'Iran.
Question : Récemment, des publications sont parues dans la presse selon lesquelles les mesures proposées par la partie syrienne pour assurer la sécurité à Alep prévoient, entre autres, l'entrée d'un certain contingent de maintien de la paix. Est-ce vrai ?
Le Ministre Sergueï Lavrov : Les propositions examinées dans le cadre de la nécessité de l'aide pour résoudre les problèmes humanitaires dans la région d'Alep n'envisagent pas le déploiement dans cette province de la Syrie de quelques contingents de maintien de la paix. Personne n'a avancé de telles propositions, ni du côté syrien, ni de la part de nos collègues américains. C'est une première nouvelle. Je pense qu'il s'agit d'un autre "canard". Ils sont nombreux à utiliser n'importe quelle prétexte pour déployer en Syrie des dispositifs militaires internationaux de forces de maintien de la paix ou des contingents.
Pour cela, ils ont d'abord essayé d'utiliser une crise créée artificiellement autour des armes chimiques, rendre le gouvernement coupable des provocations qui ont été organisées par l'opposition armée. A présent, il y a des tentatives d'instrumentaliser la crise humanitaire pour promouvoir les idées des couloirs humanitaires ou des zones d'exclusion aérienne. Maintenant, d'après vos informations, les idées d'une opération de paix sont en train d'être promues. Je le répète, ni le gouvernement syrien, ni nos partenaires américains, n'ont fait passer des tels messages. L'idée est de faire en sorte pour que le gouvernement et l'opposition acceptent de commun accord de débloquer certains corridors pour l'acheminement de l'aide humanitaire à Alep et de le faire de manière à ne pas mettre en danger le personnel des agences humanitaires.
Question : La Norvège et la Russie coopèrent sur la question de l'élimination des armes chimiques de la Syrie. Où en sommes-nous dans ce processus d'enlèvement des armes et leur embarquement sur un navire américain pour un recyclage ultérieur?
Le Ministre Sergueï Lavrov (qui ajoute après Børge Brende) : Je tiens à confirmer notre satisfaction quant au progrès de l'opération d'évacuation pour une destruction ultérieure des armes chimiques syriennes. L'opération est basée sur les accords qui ont été conclus entre les pays participants.
Permettez-moi de vous rappeler que, lorsqu'on a abordé les questions pratiques de l'exportation de l'arsenal chimique devant être embarqué sur un navire américain au bord duquel sera neutralisé le gros de cet arsenal, la Norvège et le Danemark ont proposé leurs flottes pour transporter les produits chimiques depuis des ports syriens jusqu'au navire américain. On nous a demandé de s'assurer de l'acceptation par le gouvernement syrien quant à la participation de cette flotte norvégienne et danoise. Nous avons fourni une telle assistance.
Étant donné qu'en suite, et dans le but d'assurer la sécurité, des bâtiments de la marine militaire chinoises et russes ont été alloués, les 26 et 27 décembre derniers s'est tenue à Moscou une réunion où les experts norvégiens, danois, russes et chinois se sont mis d'accord sur les aspects pratiques de cette opération. Je pars du principe que tout ce qui est en train d'être fait répond aux accords existants. Bien sûr, nous allons continuer à poursuivre l'exécution la plus rapide et la plus sûre de toutes les étapes ultérieures de cette importante opération. Nous apprécions beaucoup la contribution de nos partenaires norvégiens.
Question : Cette année aura lieu la célébration du 200e anniversaire de la constitution norvégienne. Nous savons qu'après les guerres napoléoniennes, le comte Orlov a arrêté des tentatives de saper la nouvelle constitution norvégienne adoptée en 1814. Est-ce que le ministre norvégien des Affaires Etrangères Mr Børge Brende est au courant de ce fait? N'est-ce pas une bonne raison d'inviter le ministre russe des Affaires Etrangères Sergueï Lavrov de venir à Oslo le 17 mai prochain pour assister à la célébration de cet anniversaire ?
Le Ministre Sergueï Lavrov (qui ajoute après Børge Brende): Merci beaucoup. Dans tous les cas, on ne refuse pas des invitations pareilles. Je suis sûr que nous pourrons faire en sorte que ma visite devienne l'occasion de fêter toutes les dates anniversaires qui tombent cette année.
Merci de vous vous souvenir de l'histoire. Je pense que c'est très important. Je partage pleinement ce que mon collègue a dit aujourd'hui quand il parlait du 70e anniversaire de la libération du nord de la Norvège, à savoir la nécessité de rappeler ces pages de l'histoire à la jeune génération. La Russie a prêté main-forte assez souvent et à bon nombre de pays et s'est montrée solidaire avec eux dans leur lutte pour l'indépendance. Notamment, l'Empire russe était du côté de ceux qui œuvraient pour l'indépendance des États-Unis et les assistait non seulement en paroles mais également en actes.
Question : Il reste moins de trois semaines avant l'ouverture des Jeux olympiques de Sotchi. Plusieurs chefs d'Etat n'ont pas trouvé le temps d'y aller. La délégation norvégienne (la troisième plus grande) sera accompagnée par le roi. Qui va gagner : la Russie ou la Norvège ?
Le Ministre Sergueï Lavrov : Que les meilleurs gagnent! Nous allons appuyer les nôtres, vous allez supporter les vôtres. Ceci fut élaboré de façon très détaillée par le président russe Vladimir Poutine lors d'une récente réunion à Sotchi avec des représentants des médias européens, américains, chinois et russes. C'est du sport, et je suis sûr que les athlètes vont nous offrir un vrai régal. Les norvégiens sont parmi les plus forts dans les sports d'hiver. Nous allons donc attendre le dénouement de ces Jeux.