Французская Республика
Discours et réponse à la presse de Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, lors d'une conférence de presse conjointe avec Amon Murwira, ministre des Affaires étrangères et du Commerce international de la République du Zimbabwe, à l'issue des pourparlers, Moscou, 6 mars 2025
Mesdames et Messieurs,
Nous avons eu de bons pourparlers avec le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international de la République du Zimbabwe, Amon Murwira.
En octobre 2024, il a été nommé ministre des Affaires étrangères du Zimbabwe. En cette qualité, il a participé à la première conférence ministérielle du Forum de partenariat Russie-Afrique à Sotchi en novembre 2024, un mois après sa nomination, qui a été un grand succès.
Avant sa nomination, M. Amon Murwira nous rendait visite pendant de nombreuses années en tant que ministre de l'Éducation du Zimbabwe. Il connaît donc bien Moscou, notre pays et ses collègues. Dans ses nouvelles fonctions, le club d'amis d'Amon Murwira ne fera que s'agrandir.
Nous avons souligné l'importance cruciale des relations traditionnellement amicales entre la Russie et le Zimbabwe, fondées sur les principes d'égalité et de respect mutuel. Nous avons favorablement accueilli la politique du président Emmerson Mnangagwa visant à approfondir notre partenariat sur la base des accords conclus lors de nos rencontres avec le président Vladimir Poutine, notamment en juin 2024 en marge du Forum économique international de Saint-Pétersbourg.
Dans le cadre de l'agenda bilatéral, nous avons accordé une attention particulière à la nécessité de renforcer la coopération commerciale et économique. Nous sommes convenus de prendre des mesures supplémentaires dans le but d'identifier des domaines prometteurs d'intérêt commun, notamment en matière de prospection géologique, de développement des ressources minérales, d'énergie nucléaire, d'agriculture, d'espace et de technologies de l'information et de la communication.
Les coprésidents de la Commission intergouvernementale du commerce et de la coopération économique (dont Monsieur Amon Murwira fait partie) tiendront une réunion spéciale cette année ayant pour but d'identifier les questions particulières qui nécessitent un examen approfondi en vue d'une discussion lors de la prochaine réunion plénière de la Commission.
Nous avons également de riches traditions dans le domaine social. Chaque année, nous attribuons 125 bourses à des citoyens zimbabwéens pour qu'ils étudient dans des établissements d'enseignement supérieur russes. Nous sommes prêts à augmenter ce quota s'il y a un tel intérêt (et je crois savoir qu'il y en a un). Le projet de l'université d'État de Saint-Pétersbourg "Centre d'enseignement ouvert au Zimbabwe" est en cours de mise en œuvre. Plus de 500 personnes y suivent des cours de russe en ligne. Leur nombre ne cesse d'augmenter. Il s'agit d'un nouveau centre. Je suis sûr qu'il deviendra populaire. Nous serons prêts à développer des opportunités similaires sur la base d'autres institutions éducatives au Zimbabwe.
Nous avons de bons terrains de coopération dans les régions. En particulier, les relations du Zimbabwe avec le Tatarstan et la région de Moscou évoluent. Il existe un accord de coopération entre le gouvernement de la région de Sverdlovsk et le gouvernement de la province des Midlands sur les relations économiques internationales et étrangères dans les domaines commercial et économique, scientifique et technique, culturel, social et humanitaire.
Nous avons parlé en détail de l'agenda mondial et régional. Nous avons ici une convergence de positions sur pratiquement toutes les questions clés. Nous sommes en faveur du principe du strict respect du droit international, y compris les principes de la Charte de l'ONU dans leur intégralité et leur interdépendance. Je fais avant tout référence aux principes de l'égalité souveraine des États, de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures et du droit des peuples à déterminer leur propre destin et leurs propres modèles de développement politique et socio-économique.
Nous coordonnons traditionnellement nos actions sur les résolutions soumises au vote des Nations unies. Le Zimbabwe coparraine un grand nombre d'entre elles et vote en faveur de toutes les initiatives russes, y compris celles qui sont cruciales comme la lutte contre la glorification du nazisme, la démilitarisation de l'espace extra-atmosphérique et la sécurité internationale de l'information. Nous avons défini d'autres mesures visant à renforcer la coordination de notre politique étrangère.
Nous avons évoqué les conflits persistants sur le continent africain. Il s'agit de la République centrafricaine, de la République démocratique du Congo, du Mali, de la Somalie et de la région des Grands Lacs.
Nous apprécions les efforts déployés par les Africains, l'Union africaine et les organisations sous-régionales sur le continent pour atténuer les situations de crise, y compris les activités de la Communauté de développement de l'Afrique australe, notamment pour promouvoir et résoudre la situation de crise en République démocratique du Congo. Cette Communauté est actuellement présidée par le Zimbabwe. Le président Emmerson Mnangagwa est personnellement investi dans des efforts de médiation actifs.
En tant que Fédération de Russie, nous continuerons à contribuer aux efforts de la communauté internationale pour aider à stabiliser et à résoudre les conflits sur le continent africain, en partant du principe que les solutions doivent être convenues entre les pays africains eux-mêmes, avec l'aide des organisations continentales concernées. Les règlements imposés de l'extérieur ne permettent pas une gestion durable des situations de crise. Cela a déjà été prouvé. Nous défendrons l'approche "des solutions africaines aux problèmes africains".
La Russie continuera de renforcer son assistance aux pays de la région sur une base bilatérale, notamment en améliorant l'efficacité opérationnelle des forces armées nationales, en formant le personnel militaire, en renforçant les agences de sécurité et d'application de la loi afin d'améliorer la capacité des amis africains à lutter contre les menaces du terrorisme, du trafic de drogue, de la criminalité organisée et les menaces des diverses manifestations de la criminalité organisée sur leur territoire.
Nous avons parlé de l'importance d'un nouveau format de dialogue avec l'Afrique. Je fais référence à la première conférence ministérielle du Forum de partenariat Russie-Afrique qui s'est tenue à Sotchi en automne 2024. Elle a été organisée à la suite de la décision du deuxième sommet Russie-Afrique, qui a eu lieu à Saint-Pétersbourg en 2023. Le troisième sommet est en cours de préparation pour 2026. Cette année, nous organiserons le deuxième forum ministériel dans un des pays africains.
Nous avons également évoqué la situation de l'Ukraine et ce qui se passe autour d'elle. Nous sommes reconnaissants à nos amis zimbabwéens pour leur position objective et cohérente, pour leur compréhension des causes premières qui, depuis de nombreuses années, étaient créées par l'Occident afin de faire de l'Ukraine un outil de lutte contre la Fédération de Russie et de saper notre position sur la scène internationale.
Une fois encore, je remercie mon homologue et ami Amon Murwira pour cette conversation concrète, constructive et axée sur un résultat.
Question: Hier soir, le président français Emmanuel Macron a déclaré dans son discours à la nation que la Russie était devenue une menace pour la France et pour l'ensemble de l'Europe. Il a également indiqué qu'il valait la peine d'entamer des discussions sur l'utilisation des armes nucléaires de ce pays pour la défense de l'ensemble de l'Union européenne. Que pensez-vous de la déclaration d'Emmanuel Macron sur la menace russe et du danger que représente la rhétorique nucléaire en général? Ces propos du président français peuvent-ils être considérés comme une menace pour notre pays?
Sergueï Lavrov: Bien entendu, il s'agit d'une menace contre la Russie. Si nous sommes considérés comme une menace, si les chefs d'état-major des pays européens et de la Grande-Bretagne se réunissent et déclarent qu'il est nécessaire d'utiliser des armes nucléaires, de se préparer à l'utilisation d'armes nucléaires contre la Russie, il s'agit d'une menace.
Contrairement à ses prédécesseurs, qui voulaient eux aussi lutter contre la Russie – Napoléon, Adolf Hitler – Emmanuel Macron ne le fait pas avec élégance. Car ces derniers ont dit sans détour qu'il fallait conquérir la Russie, la vaincre. Apparemment, il veut la même chose, mais pour une raison quelconque, il dit qu'il est nécessaire d'entrer en guerre avec la Russie pour qu'elle ne batte pas la France, que notre pays représente une menace pour la France et l'Europe.
Emmanuel Macron déclare périodiquement, de manière hautaine, qu'il appellera certainement le président russe Vladimir Poutine pour lui parler. Il a de telles possibilités, personne ne le lui interdit. Au contraire, le Président souligne constamment son ouverture aux contacts avec tous ses homologues. En ce qui concerne les accusations, disons-le franchement, peu intelligentes, de la Russie de préparer une guerre contre l'Europe et la France, Vladimir Poutine a déclaré à plusieurs reprises qu'il qualifiait ces idées de délirantes, d'absurdes. Pour toute personne saine d'esprit, il est absolument clair que la Russie n'a pas besoin de cela. Nous devons éliminer les causes profondes de la situation que l'Occident a créée en Ukraine afin de réprimer, d'influencer et de faire la guerre à la Fédération de Russie. Il s'agit tout d'abord de l'expansion de l'Otan. Le président américain Donald Trump et son équipe se rendent parfaitement compte que cela a été la principale cause profonde. Ils en parlent d'ailleurs publiquement.
Alors que les Européens, qui pour une raison quelconque ont décidé que les États-Unis avaient trahi leurs intérêts, se taisent sur toutes les causes profondes, au sujet de l'Otan. Au contraire, ils tentent de construire au sein de l'Alliance une force de combat à déployer sur le territoire de l'Ukraine.
En ce qui concerne une autre cause fondamentale que nous ne cessons de mentionner, le fait qu'ils sont en train d'exterminer par voie législative la langue, les médias et la culture russes, et qu'ils ont interdit l'Église orthodoxe ukrainienne canonique, personne en Occident n'a dit un mot à ce sujet jusqu'à présent. Bien que, pour toute autre question, les droits de l'homme soient en tête de la liste de l'Occident.
Un événement vient d'avoir lieu entre l'Union européenne et les pays d'Asie centrale. Il n'y reste guère plus que les droits de l'homme. Bien qu'en Asie centrale, personne n'interdise de parler une langue quelconque: ni le russe ni le français. Pourtant, en Ukraine, ils l'ont interdit. En même temps, les hauts fonctionnaires du bureau de Vladimir Zelenski prétendent qu'ils possèdent "la démocratie la plus ouverte du monde". L'Europe "avale" tout cela et se tait.
Il m'a été étrange d'entendre que Monsieur Emmanuel Macron de manière agressive, continuant l'œuvre de Napoléon qui voulait conquérir la Russie, masquant ses véritables intentions illusoires (il n'y a pas besoin d'expliquer), a commencé à parler et à critiquer le président russe Vladimir Poutine pour sa tromperie constante. Comme s'il entamait un dialogue indirect avec le président américain Donald Trump. Celui-ci a clairement affirmé que tout ce qu'il avait convenu avec Vladimir Poutine avait toujours été respecté. Le président français Emmanuel Macron a décidé de suivre la voie de Vladimir Zelenski, qui, alors qu'il se trouvait dans le Bureau ovale, n'a pas hésité à mentir, mentionnant que Vladimir Poutine avait violé certains "accords" à 25 reprises. Ceci vient d'un homme qui est arrivé au pouvoir sous les slogans de l'établissement de la paix et de la mise en œuvre des accords de Minsk. Puis il a commencé à déclarer qu'il ne les respecterait jamais.
Emmanuel Macron a également déclaré que Vladimir Poutine violait constamment tout ce qui était dit. Il s'avère notamment que cette accusation concerne également la réunion de Paris. Le président français a organisé en décembre 2019 le sommet en format Normandie avec la participation d'Emmanuel Macron lui-même, de la chancelière allemande de l'époque, Angela Merkel, du président russe Vladimir Poutine et de Vladimir Zelenski. En décembre 2019, il était consacré, comme l'ont annoncé les Français et les Allemands, à l'objectif de sauver les accords de Minsk.
A cette époque, en préparant cet événement de décembre 2019 au Palais de l'Élysée, au niveau des experts, au niveau ministériel, nous nous sommes pleinement mis d'accord par consensus sur les documents finaux de cette réunion. Le premier paragraphe du document stipulait la nécessité de retirer les troupes de la ligne de contact sur toute sa longueur. Le document a été approuvé. Lorsque les dirigeants se sont assis et ont reçu ce que les experts et les ministres avaient convenu, Vladimir Zelenski a déclaré qu'il ne l'accepterait pas, qu'il ne retirerait pas ses troupes le long de toute la ligne de contact, parce que cela deviendrait alors une frontière à jamais. C'est ainsi qu'il a traité les accords de Minsk. Il a déclaré qu'il ne pouvait que retirer des troupes dans trois endroits de la ligne de contact. Les représentants ukrainiens les ont indiqués. Nous avons dû nous mettre d'accord. Même si Emmanuel Macron et Angela Merkel ont été désagréablement surpris. Mais la capacité de ce personnage de se servir de l'hospitalité à sa manière est bien connue.
Je voudrais ajouter, rétrospectivement, que rien n'a été fait dans aucun de ces endroits que Vladimir Zelenski lui-même avait mentionnés comme étant des lieux où les troupes pouvaient être retirées de la ligne de contact. Les Ukrainiens ont saboté cet accord. La partie politique du document adopté à Paris a confirmé ce qui était prévu dans les accords de Minsk: la nécessité de légiférer le statut spécial des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk en modifiant la Constitution en conséquence. C'est ce qui a été écrit. Au bout de quelques jours, il est devenu évident que Vladimir Zelenski n'allait rien faire. Les images du sommet de décembre 2019 à Paris, lorsque les quatre dirigeants étaient assis à la même table lors d'une conférence de presse, montrent Vladimir Zelenski faisant étalage et grimaçant lors du discours de Vladimir Poutine, montrant ainsi son attitude à l'égard du document qui venait d'être signé.
Aujourd'hui, dans ses discours, il dit déjà que la Russie n'a pas respecté les accords de Paris. Le fait que la chancelière allemande de l'époque, Angela Merkel, et le président français, Emmanuel Macron, aient parlé à Paris en 2019 de la nécessité de ce sommet pour sauver les accords de Minsk s'est également avéré être un mensonge. Car à la suite de ce sommet, le président français de l'époque, François Hollande, qui avait signé les accords de Minsk, et la chancelière allemande, Angela Merkel, ont tous deux déclaré qu'ils n'allaient rien mettre en œuvre. Ils avaient juste besoin de gagner du temps pour alimenter l'Ukraine en armes. Elle a donc menti lorsqu'elle a appelé à "sauver" les accords de Minsk.
La naïveté n'est pas la bienvenue en politique. Nous n'avons plus jamais l'intention de pratiquer la naïveté.