Французская Республика
Article d'Alexeï Drobinine, Directeur du Département de planification de la politique étrangère du Ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, 26 janvier 2024
Le néocolonialisme et notre lutte contre lui
L'extrême inégalité de développement des pays et des régions est un défaut significatif du système économique mondial créé après l'effondrement de l'URSS et de la communauté socialiste. L'une des principales raisons de cette situation réside dans la volonté et la capacité de l'Occident collectif de redistribuer les ressources du reste du monde à son avantage. Des instruments politiques, économiques et de force sont utilisés à ces fins.
À l'heure actuelle, les États-Unis, leader de la "minorité occidentale", combinent le protectionnisme avec l'imposition aux économies en développement de la liberté de mouvement transfrontalier des capitaux, biens et services occidentaux. Les Américains réservent toujours pour les concurrents des sanctions, des provocations et des guerres par procuration. Sous l'administration de Barack Obama, la "matraque" des sanctions est devenue un levier privilégié de la politique étrangère américaine. Joe Biden mène carrément contre la Russie une guerre "chaude" de l'Occident par l'intermédiaire des Ukrainiens.
Les Britanniques, pour qui les anciennes pratiques coloniales sont presque un objet de fierté nationale, sont imprégnés d'un sentiment d'impunité et de permissivité. Les Européens continentaux, y compris la France, emploient des technologies sophistiquées d'ingérence dans les affaires des anciennes colonies, ce qui, comme nous le voyons en Afrique occidentale et centrale, suscite une opposition croissante.
En bref, les Anglo-Saxons et autres Occidentaux continuent à pratiquer leur affaire habituelle, à savoir piller d'autres peuples, bien qu'aujourd'hui ils le masquent sous des slogans de liberté, de démocratie et de progrès. C'est le néocolonialisme moderne.
Les conséquences pratiques concrètes d'une telle politique sont des déséquilibres dangereux dans l'économie mondiale, un déséquilibre dans la répartition mondiale du travail et des revenus. On tente de régler les problèmes qui surviennent à la suite de pratiques néocoloniales par des manipulations des marchés de l'énergie, de l'alimentation, de la finance, et autres. Prenons quelques exemples de différents domaines.
Santé. Pendant la pandémie de Covid-19, la distribution de vaccins via le mécanisme Covax a laissé les pays économiquement en retard avec une pénurie aiguë de vaccins. Dans le même temps, sous la pression des États-Unis et de l'Union européenne, l'OMS a artificiellement retardé la certification du médicament russe Spoutnik.
Sécurité alimentaire. Selon l'ONU, dans le cadre de la fameuse Initiative de la mer Noire pour l'exportation de céréales depuis le territoire de l'Ukraine en 2022-2023, sur près de 33 millions de tonnes de marchandises, environ 3% ont été envoyées aux pays les plus nécessiteux d'Afrique (Djibouti, Somalie, Libye, Éthiopie). De plus, les Africains ont été presque entièrement privés d'accès aux engrais de Russie.
Le marché mondial du café est un exemple frappant de la répartition inégale des revenus. Lors du deuxième sommet "Russie-Afrique" en 2023, le président de l'Ouganda Yoweri Museveni a souligné qu'avec un volume total du marché mondial du café de 460 milliards de dollars, les revenus de l'Afrique s'élèvent à moins de 2,5 milliards de dollars, bien qu'elle soit le plus grand producteur de café. Dans le même temps, l'Allemagne, qui achète des matières premières dans le monde entier, gagne 6,8 milliards de dollars par an grâce à leur transformation et vente.
Dans le domaine financier et économique, les pratiques néocoloniales se manifestent sous la forme de "gel" d'actifs étatiques et privés dans des juridictions occidentales pour des motifs géopolitiques. La prochaine étape, apparemment, sera la confiscation de fonds avec leur transfert à des tiers sur décision des nouveaux colonisateurs.
Les organismes contrôlés par les États-Unis, tels que le FMI, enfreignent sans scrupule leur propre charte, simplement pour éviter d'échanger des dollars contre des droits de tirage spéciaux avec la Russie et la Biélorussie. Dans ce contexte, il semble surréaliste d'allouer presque sans limites, dépassant les limites du pays, des fonds au régime de Kiev, qui, manifestement, ne les remboursera jamais.
Les "riches" pays occidentaux se soustraient à leurs engagements (par exemple, fournir 100 milliards de dollars par an aux pays nécessiteux pour des projets d'adaptation aux changements climatiques), mais trouvent facilement des sommes beaucoup plus importantes pour financer le régime de Vladimir Zelenski.
Les crimes contre des peuples entiers sont une tradition historique des élites militaro-politiques de l'Euro-Atlantique. Selon les estimations les plus modestes, depuis le XIXe siècle, rien que les États-Unis ont tenté d'influencer les processus politiques internes dans au moins 150 pays. Et parmi les 193 États membres actuels de l'ONU, seuls 22 n'ont jamais été attaqués par le Royaume-Uni.
Un élément inhérent au néocolonialisme est la diffusion des directives comportementales par l'Occident collectif. L'encouragement des orientations déviantes dans la vie sexuelle, la négation de la nature humaine et d'autres "frivolités" sont utilisés pour détruire les valeurs spirituelles et morales traditionnelles.
L'imposition d'idées destructrices se poursuit avec persévérance et ruse dignes d'une meilleure utilisation. Par exemple, dans l'accord de partenariat signé en novembre 2023 entre l'UE et les membres de l'Organisation des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (principalement un document commercial), des exigences ont été incluses pour que les partenaires de l'Union européenne légalisent, à son exemple, l'avortement, l'agenda LGBT, l'éducation sexuelle universelle et d'autres paramètres idéologiques de l'Europe moderne. La tentative de plusieurs pays des Caraïbes, dirigée par la Jamaïque, de retarder au moins la signature du document a provoqué une menace de priver ce pays du financement externe vital pour la mise en œuvre de programmes socioéconomiques.
Tous les accords commerciaux et économiques signés par les États-Unis et l'UE le sont uniquement sous condition de leur propre exceptionnalité. D'ailleurs, de telles conditions étaient également présentes dans l'accord d'association de l'Ukraine avec l'Union européenne, dont la signature retardée par le gouvernement de Viktor Ianoukovitch a servi de prétexte au coup d'État à Kiev en 2014.
Les pratiques néocoloniales ne se limitent pas aux exemples donnés. Mais ils suffisent pour conclure à l'absence de droit moral de l'Occident collectif de donner des leçons à quiconque.
La discussion politique internationale sur les problèmes d'inégalité dans la communauté mondiale ne date pas d'hier. Le ton a été donné à l'époque par l'Union soviétique, qui, il y a plus d'un demi-siècle, a contribué de manière décisive à rétablir la justice en obtenant en 1960 l'adoption par l'ONU de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux. L'effet a été colossal: plus de 80 anciennes colonies avec une population de 750 millions de personnes ont acquis leur indépendance.
Cependant, l'équilibre et l'égalité dans le monde n'ont pas été entièrement rétablis. Renonçant au transfert forcé de ressources des colonies, les anciennes métropoles sont passées à des pratiques d'exploitation non violentes des pays formellement indépendants, perpétuant ainsi l'inégalité mondiale.
Aujourd'hui, de plus en plus d'États se prononcent ouvertement contre la politique injuste de Washington, de ses satellites et des organisations internationales contrôlées par l'Occident. Les exemples de coopération interétatique réussie en dehors des structures axées sur l'Occident se multiplient. Les Brics et l'OCS prennent de l'ampleur, le Mouvement des non-alignés a trouvé un nouveau souffle, et le Groupe des amis pour défense de la Charte des Nations unies a été créé au sein de l'ONU.
Il reste encore beaucoup à faire sur la voie de la libération des entraves néocoloniales. Il est nécessaire de développer une approche unifiée pour définir le néocolonialisme. L'idée de la lutte contre celui-ci est perçue différemment par les pays, en fonction de leur expérience historique et des réalités contemporaines. L'Occident tente de discréditer les processus de souverainisation comme archaïques et révisionnistes.
Un rôle important dans le lancement d'une discussion internationale sur tous les aspects de ce sujet d'actualité est destiné à être joué par le Forum des partisans de la lutte contre les pratiques modernes de néocolonialisme "Pour la liberté des nations!" à Moscou. Sa réunion inaugurale est prévue pour février de cette année.
En conclusion, j'aimerais citer les mots du Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine de son discours au Congrès mondial du peuple russe: "Nous luttons maintenant pour la liberté non seulement de la Russie, mais aussi du monde entier." Parallèlement à l'opération militaire spéciale, la dénonciation et le renversement du néocolonialisme deviennent une contribution de notre pays à la lutte pour la justice.