Conférence de presse conjointe du Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et de son homologue saoudien Adel Al-Joubeir, Sotchi, 11 octobre 2015
Mesdames et Messieurs,
Le Président russe Vladimir Poutine s'est entretenu avec le Vice-prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed Ben Salmane Al Saoud.
Ils ont évoqué les relations bilatérales et notamment la mise en œuvre des accords convenus en juin 2015 au cours de la visite précédente de Son Altesse en Fédération de Russie.
Les deux hommes d’État ont constaté la présence de très bonnes opportunités dans divers domaines, y compris l'économie, les investissements et la coopération aérotechnique. Les plans en question seront mis en œuvre. Une attention particulière a été accordée à la situation en Syrie et autour. Depuis plusieurs années nous coopérons étroitement avec l'Arabie saoudite sur les problèmes de la crise syrienne. Vladimir Poutine a confirmé notre compréhension des préoccupations du Royaume. La convergence totale des objectifs poursuivis par l'Arabie saoudite et la Fédération de Russie vis-à-vis de la Syrie a été réaffirmée: il est avant tout question d'empêcher qu'un califat terroriste triomphe en Syrie. A cet égard, le Président russe Vladimir Poutine a clairement confirmé que nos militaires en Syrie travaillaient uniquement contre l’État islamique, le Front al-Nosra et d'autres organisations terroristes.
Le second objectif que nous partageons avec nos amis saoudiens consiste à faire en sorte que la réconciliation nationale ait lieu en Syrie, que le processus de paix avance le plus vite possible pour qu'au final tous les Syriens, indépendamment de leur ethnie ou confession, se sentent maîtres dans leur pays.
Aujourd'hui, le Président russe Vladimir Poutine et le Vice-prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed Ben Salmane Al Saoud ont ouvertement évoqué les démarches qui pourraient nous rapprocher rapidement du lancement d'un tel processus de paix. Ils ont évoqué plusieurs idées visant à faire passer dans sa phase concrète le fameux Communiqué de Genève du 30 juin 2012, exprimé diverses approches que les parties ont convenu de prendre pour base dans leur travail futur.
Avec mon homologue et ami, nous avons été chargés de poursuivre une coopération étroite au niveau des ministères des Affaires étrangères afin de promouvoir ces ententes, les rendre plus concrètes, ainsi qu'intensifier la lutte contre le terrorisme, accroître la coopération en la matière entre nos services spéciaux et militaires.
Question: Avez-vous évoqué l'adhésion de l'Arabie saoudite et de l’Égypte à l'établissement de contacts avec l'opposition syrienne?
Sergueï Lavrov: Nous avons depuis longtemps des contacts avec l'Arabie saoudite, l’Égypte et d'autres pays régionaux et extrarégionaux qui influencent significativement la situation.
En ce qui concerne l’Égypte, nos collègues du Caire ont organisé plusieurs cycles de négociations entre diverses unités de l'opposition syrienne. Nous avons fait la même chose à Moscou et l'objectif était le même – unir les groupes d'opposition sur la base d'un dialogue syrien dans le cadre du Communiqué de Genève du 30 juin 2012, dans une Syrie laïque unie où tous les groupes ethno-confessionnels vivraient dans le confort et la sécurité.
Nous avons évoqué ce même sujet pendant que nous réunissions, avec le Ministre saoudien des Affaires étrangères Adel Al-Joubeir et le Secrétaire d’État américain John Kerry début août 2015 durant un entretien à Doha, les conditions pour lancer rapidement le processus de paix avec la participation de tous les principaux groupes syriens. Nous en avons parlé également à Moscou le mois dernier avec Adel Al-Joubeir.
Nous prônons que tous les acteurs extérieurs ayant de l'influence sur telle ou telle force politique syrienne contribuent au lancement le plus rapide possible du dialogue national syrien. De plus, nous sommes intéressés par la coopération en la matière avec un pays aussi crucial dans la région que l'Arabie saoudite.
Aujourd'hui, le Président russe Vladimir Poutine a spécialement mentionné ce sujet en se prononçant pour une coopération la plus objective possible dans ce domaine, et une entente appropriée a été trouvée. En parallèle, comme je l'ai déjà dit, nous avons confirmé notre compréhension des préoccupations de l'Arabie saoudite par rapport aux cibles frappées par les militaires russes en Syrie. De notre côté, nous avons exprimé notre disposition - qui a été entendue par le Vice-prince héritier - à ce que nos militaires et représentants des services spéciaux coopèrent le plus étroitement possible afin de lever le doute sur les cibles visées par l'aviation russe, qui sont l’État islamique, le Front al-Nosra et d'autres groupes terroristes.
Autant que je puisse juger, les deux parties ont conscience du fait que l'entretien d'aujourd'hui permettra réellement de faire avancer notre coopération sur le processus de paix et la lutte antiterroriste.
Question: Est-ce que le thème de la coopération militaro-technique entre les deux pays a été évoqué? De quoi était-il question concrètement? A-t-on parlé de contrats ou de livraisons?
Sergueï Lavrov: Comme nous l'avons dit avec Adel Al-Joubeir pendant l'allocution d'ouverture, ce thème a été évoqué. Les ministères de nos deux États chargés de ces questions poursuivront leur travail mutuel.
Question (adressée à Adel Al-Joubeir): A-t-on abordé pendant l'entretien une éventuelle participation plus active de l'Arabie saoudite dans la lutte contre le terrorisme? Puisque vous avez déjà lancé une opération militaire au Yémen, voyez-vous une utilité à protéger votre État également contre l'EI?
Sergueï Lavrov (ajoute après Adel Al-Joubeir): Je peux ajouter que la partie russe, et nous en avons parlé aujourd'hui en détails avec le Ministre, travaille avec le gouvernement yéménite et diverses forces d'opposition pour assurer le lancement le plus rapidement possible du processus de paix et pour parvenir au règlement politique. Une résolution a été adoptée en la matière, en plus d'autres initiatives. Nous souhaitons que la crise soit réglée le plus vite possible.
Question: Dans quelle mesure la position de Moscou est intransigeante vis-à-vis de Bachar al-Assad? Nos alliés insistent sur sa démission. La position de la Russie a-t-elle changé à ce sujet?
Sergueï Lavrov: Bien sûr, nous connaissons la position de l'Arabie saoudite et aujourd'hui nos partenaires l'ont confirmée. Pour notre part, nous avons confirmé notre position et vous la connaissez également. Le plus important est de ne pas nous empêcher d'avancer ensemble, y compris avec d'autres pays, pour créer les conditions afin de lancer le plus vite possible le processus de paix qui doit assurer la participation de tous les groupes syriens, de toutes les couches de la société syrienne, qui doit se solder par une entente syrienne soutenue par la communauté internationale.
La rencontre d'aujourd'hui entre le Président russe et le Vice-prince héritier d'Arabie saoudite n'a pas pu régler toutes les questions concernant le processus de paix, mais je peux affirmer qu'après les entretiens d'aujourd'hui nous comprenons bien mieux comment avancer vers un règlement politique
Pour éviter tout malentendu, je voudrais confirmer qu'avec nos partenaires saoudiens, ainsi qu'avec d'autres partenaires du Moyen-Orient, nous sommes en contact très étroit sur le problème des relations israélo-palestiniennes qui s'aggrave à l'heure actuelle. Avec nos amis nous prônons activement l'exploitation des ressources du Quartet et de la Ligue arabe pour apaiser la situation afin de revenir à la mise en œuvre de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies et d'autres accords sur le processus de paix israélo-palestinien sur la base d'une solution à deux États. Nous pensons que l'Initiative de paix arabe avancée par l'Arabie saoudite et soutenue par la Ligue arabe et l'Organisation de la coopération islamique, qui est pertinente plus que jamais, doit servir de base solide au processus de paix.
Nous avons convenu de rester en contact étroit également à ce sujet.