République arabe syrienne
La destruction des armes chimiques en Syrie
L'industrie chimique de la République arabe syrienne, aussi bien dans sa dimension civile que militaire, était l'une des plus développées du Moyen-Orient. Le potentiel militaro-chimique syrien avait pour Damas une signification stratégique tout à fait compréhensible dans le contexte de son long conflit avec Israël.
Depuis 2011, sans aucune raison valable, les USA ont commencé à brandir des menaces à différents niveaux, y compris présidentiel, soulignant qu'en cas d'usage de l'arme chimique par Damas les USA considéreraient que la "ligne rouge" qu'il ont eux-mêmes tracée serait franchie et qu'ils recourraient à la force contre la Syrie.
Aucune preuve confirmée de l'usage d'armes chimiques par le gouvernement syrien n'avait été confirmée à l'époque. Dans le même temps, on a constaté une recrudescence des cas d'usage d'armes chimiques par différentes forces antigouvernementales, notamment les groupes terroristes soutenus par les USA et leurs alliés.
Le 19 mars 2013, dans la commune de Khan al-Assal (agglomération d'Alep) le tir d'une roquette artisanale contenant du sarin neuro-paralytique artisanal a tué 28 personnes, dont 17 militaires syriens, et plus de 130 personnes ont été empoisonnées plus ou moins grièvement.
Damas a immédiatement pris toutes les mesures nécessaires pour lancer le mécanisme du Secrétaire général de l'Onu pour enquêter sur l'usage d'armes chimiques et biologiques, mais à cause de la position des USA, de la France et du Royaume-Uni qui ont retardé l'examen de cette question au Conseil de sécurité des Nations unies de plusieurs mois, l'arrivée en Syrie des experts de l'Onu sous la direction du professeur Aake Sellström (Suède) n'a eu lieu que le 14 août 2013.
Pendant que le groupe d'Aake Sellström était présent dans la Ghouta orientale (banlieue de Damas) le 21 août 2013, des combattants de l'opposition ont commis une autre provocation impliquant l'usage de sarin. Le nombre de morts et de blessés n'a toujours pas été définitivement établi (il s'agirait de près de 1 500 personnes, selon les estimations américaines).
Pour prévenir une éventuelle intervention militaire extérieure dans le conflit syrien intérieur, le Président russe Vladimir Poutine a proposé de faire adhérer immédiatement la Syrie à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC) et de placer ses réserves d'armes chimiques sous contrôle international en vue de leur destruction.
Les négociations russo-américaines du 14 septembre 2013 à Genève ont débouché sur un accord-cadre appuyé par la décision du Conseil exécutif de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) et la résolution 2118 du Conseil de sécurité des Nations unies. Un plan sans précédent de par son caractère et son ampleur a été adopté pour évacuer et détruire les principales composantes des armes chimiques syriennes.
La Russie a apporté une contribution significative à la préparation de l'opération de transport pour évacuer les précurseurs des armes chimiques. Dans les plus brefs délais ont été envoyés en Syrie des moyens de transport conséquents (plus de 130 véhicules blindés Oural, Kamaz et BTR-80) et d'autres équipements techniques (cuisines de campagne, tentes et autres) nécessaires pour l'évacuation sûre des produits chimiques; une cotisation de 2 millions de dollars a été versée au fonds spécial de l'Onu. Sachant que l'Occident a refusé sous un faux prétexte d'effectuer ces fournitures cruciales en Syrie via le Bureau des Nations unies pour les services d'appui aux projets (UNOPS) en se limitant aux achats, sur le marché de l'occasion du Liban, de camions obsolètes dont plus de la moitié n'est même pas arrivée jusqu'en Syrie à cause de leur état déplorable.
Le 27 décembre 2013 à Moscou se sont déroulées des consultations avec la participation des représentants de la Chine, de la Syrie, du Danemark, de la Norvège, des USA, de l'OIAC et de la mission OIAC-Onu en Syrie créée le 16 octobre 2013, dont le travail était dirigé par la Néerlandaise Sigrid Kaag, coordinatrice spéciale et représentante du Secrétaire général de l'Onu (la mission a cessé d'exister le 1er octobre 2014).
Un plan pour assurer la sécurité de l'étape maritime de l'opération pour l'évacuation des armes chimiques a été élaboré, conformément auquel a été créé un centre de coordination pour l'interaction de tous les navires durant l'opération à bord du croiseur russe Pierre le Grand. Les navires russe et chinois (le Pierre le Grand et la frégate Yancheng) ont escorté le convoi maritime transportant les produits chimiques jusqu'à la sortie des eaux territoriales syriennes, puis ce dernier a continué sa route sous la protection de la frégate danoise Ark Futura et du navire norvégien Taiko.
L'opération internationale pour évacuer de Syrie tous les précurseurs et composants des armes chimiques s'est achevée avec succès le 23 juin 2014. Au total, 1 200 tonnes de substances chimiques ont été sorties du territoire syrien (100 tonnes d'un produit chimique moins toxique, l'isopropanol, ont été détruites sur place). La destruction de l'arme chimique syrienne a commencé le 7 juillet 2014 à bord du navire spécial américain Cape Ray et s'est terminée le 18 août 2014. Les masses de réaction, qui se forment lors de l'hydrolyse des produits chimiques toxiques, ont été recyclées dans des usines industrielles en Finlande et en Allemagne, et leurs précurseurs ont été traités au Royaume-Uni et aux USA, notamment le précurseur du sarin - le méthylphosphonyl difluoride (DF). (Il faut noter qu'en recyclant une partie des précurseurs sur le navire Cape Ray, les Américains ont eu un accès total à la recette spécifique et aux technologies de production du sarin "syrien". De plus, en adhérant à la CIAC en 2013, Damas a transmis à l'OIAC des informations détaillées sur les moyens d'obtenir du sarin. Ainsi, la présence de DF dans le sarin utilisé le 4 avril 2017 à Khan Cheikhoun ne peut pas "clairement indiquer" son utilisation par les forces gouvernementales syriennes).
Avec la contribution de la Russie et d'autres membres de la communauté internationale, la Syrie a réussi en un temps record (en six mois), dans les conditions très difficiles de la lutte contre le terrorisme international sur son territoire, à réaliser une opération sans précédent dans toute l'histoire de l'OIAC pour évacuer ses réserves d'armes chimiques. La liquidation factuelle s'est déroulée en dehors du territoire syrien et s'est terminée avec un certain retard seulement fin 2015 à cause de problèmes techniques chez les partenaires américains (l'entreprise Veolia a accumulé un retard de presque un an).
Ainsi, uniquement grâce à la bonne volonté et au dévouement du gouvernement syrien, ainsi qu'à la participation active des États membres de l'OIAC, le potentiel militaro-chimique syrien a été entièrement éliminé sous le contrôle rigoureux de l'Organisation. Cela a été officiellement confirmé par le Directeur général du Secrétariat technique de l'OIAC Ahmet Üzümcü le 4 janvier 2016. A l'heure actuelle, 27 anciens sites d'infrastructure militaro-chimique ont été détruits, dont 25 ont été entièrement vérifiés.
Parallèlement, sous la pression des pays occidentaux, la Mission de l'OIAC appelée Équipe d'évaluation des déclarations de la Syrie dans le cadre de l'Article III de la CIAC – MOOC (Declaration Assessment Team – DAT) a été créée en avril 2014. Sa tâche consiste à éclaircir la situation concernant la prétendue "déclaration incomplète" d'une partie du potentiel militaro-chimique de la Syrie. En 2016, Damas a donné des précisions sur plusieurs laboratoires du Centre de recherche dans les villes de Barza et de Jamraya dans le cadre des articles III et VI de la CIAC.
Le Secrétariat technique de l'OIAC continue de juger incomplètes les déclarations de la Syrie, ce qui est utilisé par les pays occidentaux comme prétexte pour accuser Damas de "ne pas respecter" la Convention.
En réalité, les amendements à la déclaration initiale dans le cadre de la CIAC sont une pratique routinière à laquelle recourent certains pays membres de la Convention.
Pendant la 83e session du Conseil exécutif de l'OIAC a été prise une décision sans précédent sur la Syrie, qui sortait du cadre de la CIAC (un accès sans obstacles aux sites militaires et autres). Dans le même temps, les deux inspections organisées au centre de recherche de Barza et de Jamraya en application de cette décision ont révélé l'absence de toute trace d'activité non déclarée.
En avril 2014 a également été créée la Mission d'établissement des faits d'usage d'armes chimiques en Syrie (Fact-Finding Mission – FFM).
Ces derniers temps, on constate clairement une tendance à l'interprétation étroite du mandat de la FFM qui suppose uniquement la confirmation de l'usage d'armes chimiques dans tel ou tel incident chimique. Sachant que la direction de la Mission ne juge pas indispensable de découvrir le mode d'utilisation ni de recueillir des preuves matérielles supplémentaires qui pourraient à terme permettre d'identifier les coupables.
Selon la mauvaise pratique établie, les cas d'usage de l'arme chimique en violant les normes de l'OIAC font l'objet d'une enquête à distance sans se rendre sur les lieux de l'incident. Les échantillons ne sont pas prélevés. On interroge des "témoins" et des "victimes" douteux. On "examine" des informations non vérifiées obtenues de l'opposition syrienne ainsi que des ONG affiliées aux terroristes comme les Casques blancs, financés par le Royaume-Uni et les USA.
Selon le même principe fonctionnait le Mécanisme d'enquête conjoint OIAC-Onu (Joint Investigative Mechanism - JIM) créé en 2015 conformément à la résolution 2235 du Conseil de sécurité des Nations unies. L'objectif de son activité consistait à identifier les coupables des crimes, notamment sur la base des données de la FFM, et à présenter ses conclusions au Conseil de sécurité des Nations unies.
Pendant sa période d'activité, le Mécanisme a publié 7 rapports. Dans le dernier (daté du 26 octobre 2017) la responsabilité du prétendu "usage du sarin" retentissant à Khan Cheikhoun le 4 avril 2017 était rejetée sur l'armée de l'air syrienne, et de l'ypérite à Marat-Um-Haoush le 16 septembre 2016 sur Daech. Sachant que les enquêteurs du Mécanisme n'avaient même pas pris la peine de se rendre sur les lieux de l'usage supposé de l'arme chimique, se référant à la situation en matière de sécurité, et les prétendues "preuves matérielles" et les témoignages ont été apportés au Mécanisme par les groupes de l'opposition armée. Il n'était question d'aucune objectivité ni impartialité de l'enquête dans ces circonstances.
Selon l'information du Directeur du Département de la sûreté et de la sécurité (DSS), à l'époque après un accord avec des chefs de guerre un accès sûr a été garanti à Khan Cheikhoun pour les inspecteurs de l'OIAC. Cependant ni les représentants de la FFM ni les enquêteurs du Mécanisme ne se sont rendus sur les lieux de l'incident mis en scène.
Les pays occidentaux ont rejeté la proposition de corriger le mandant du Mécanisme grâce à l'élargissement de sa composante géographique et antiterroriste. Le projet de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies préparé par nous conjointement avec la Chine et la Bolivie sur la mise en conformité du mandat du Mécanisme avec les normes de la CIAC a été bloqué également. En novembre 2017, le Mécanisme d'enquête conjoint a cessé son existence.
Dans le contexte des conclusions des rapports du Mécanisme et des réclamations qui restaient chez les Occidentaux sur la déclaration initiale de Damas dans le cadre de la CIAC les Américains et leurs alliés mènent sur les plateformes du Conseil de sécurité des Nations unies et de l'OIAC une campagne agressive pour imposer des décisions "punitives" vis-à-vis de Damas.
Le 23 janvier 2018, la Russie a soumis à l'examen du Conseil de sécurité des Nations unies le projet de résolution prévoyant la création d'un nouvel organe d'enquête légitime et surtout absolument impartial et professionnel. Cependant notre initiative ne convient pas du tout aux collègues occidentaux du Conseil de sécurité des Nations unies. Les projets proposés à leur tour par les Américains ne tiennent compte que d'une partie infime de nos idées et pratiquement réduisent l'affaire à une nouvelle création du Mécanisme d'enquête conjoint avec l'ensemble de ses défauts inhérents.
La menace du terrorisme "chimique" demeure parfaitement réelle non seulement en Syrie, mais également en Irak et au Moyen-Orient dans l'ensemble. Les combattants utilisent de plus en plus souvent des produits chimiques toxiques. De plus, ils disposent déjà de capacités technologiques et industrielles pour synthétiser des produits toxiques militaires à part et ont mis en place des canaux ramifiés d'accès à leurs précurseurs. Ce n'est un secret pour personne que dans les rangs des combattants se trouvent des anciens officiers des armées de pays du Moyen-Orient qui ont participé au programme militaro-chimique irakien (à l'époque de Saddam Hussein), libyen (à l'époque de Mouammar Kadhafi) et syrien (avant son adhésion à la CIAC). Même les représentants de la coalition anti-Daech menée par les USA ont déclaré plusieurs fois avoir découvert des "usines" clandestines de Daech pour fabriquer des armes chimiques.
Au cours de ces trois dernières années la Russie a proposé plusieurs fois d'adopter une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies ou au moins une déclaration du Président du Conseil de sécurité des Nations unies pour condamner les actes de terrorisme "chimique" en Syrie et en Irak. Malheureusement, toutes nos propositions rencontraient une dure opposition de certains pays occidentaux préférant insister seulement sur leurs accusations infondées visant le gouvernement légitime de Bachar al-Assad de prétendu usage des armes chimiques. De facto de cette manière les pays occidentaux encouragent les terroristes qui ont un sentiment d'impunité pour l'usage des armes chimiques.