la República de Cuba
Interview de S.V.Lavrov, Ministre des affaires étrangères de la Russie, à la RIA «Novosti» sur les problèmes des relations de la Russie avec les pays de l'Amérique Latine et des Caraïbes
Question: Où est la cause de la sensible intensification des liaisons de la Russie avec les pays de l'Amérique Latine et des Caraïbes, que l'on voit ces derniers temps ?
S.V.Lavrov: Les relations entre la Russie et les pays de l'Amérique Latine et des Caraïbes ont vraiment pris ces dernières années une forte dynamique positive. La principale raison en est la coïncidence objective des intérêts. L'intensification de la coopération politique, commerciale et économique, scientifique et humanitaro-culturelle avec les pays de l'ALC est parmi les priorités de la politique étrangère russe. Et le Concept de la politique étrangère de la Russie, approuvé par le Président V.V.Poutine, le vise justement.
La Russie et les états latino-américains sont les alliés naturels dans la formation d'un nouvel ordre mondial, plus sûr et juste, le règlement des problèmes clé de l'actualité sur la base de l'aspiration commune aux normes et principes fondamentaux du droit international, le renforcement des mécanismes multilatéraux de la régulation des relations internationales, le renforcement du rôle central de l'ONU dans les affaires mondiales. Nous sommes rapprochés par le rejet des tentatives d'imposer les approches unilatérales, par ce que nous ne sommes pas en paroles, mais réellement prêts à respecter les intérêts des partenaires, à observer strictement les principes de la non-intervention dans les affaires intérieures des états souverains, par le choix en faveur du règlement collectif par les négociations des crises et conflits.
En août dernier, pendant les événements autour de l'Ossétie du Sud, plusieurs pays latino-américains ont déclaré leur condamnation de l'agression géorgienne et de la politique des USA au Caucase, soutenant les actions de la Russie pour contraindre Tbilissi à la paix. Le Nicaragua a officiellement reconnu l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud comme états indépendants.
Les échanges commerciaux russo-latino-américains se développent rapidement – la croissance annuelle est de 25–30 %. Cette année, nous attendons le niveau record des échanges commerciaux – près de 15 milliards de dollars. Nous visons l'approfondissement ultérieur des liens commerciaux, y compris la coopération d'investissements. Nous entendons accentuer l'augmentation des exportations russes des hautes technologies, intensifier la coopération industrielle dans le domaine de l'énergie, de l'extraction et du transport du pétrole et du gaz, dans la construction des machines, la métallurgie, les transports, l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire et la conquête de l'espace.
Les meilleures traditions de la coopération russo-latino-américaine dans le domaine humanitaro-culturel renaissent progressivement. Le témoignage parlant en sont les récentes Journées de la Russie, tenues dans sept pays – Cuba, Costa Rica, Venezuela, Brésil, Argentine, Chili et Paraguay, comprenant les semaines du cinéma, les expositions des photos, les concerts des choeurs du monastère Srétenski.
L'intensification des liens mutuellement avantageux avec les pays de l'Amérique Latine s'appuie sur une base de droit, qui se met constamment à jour. Cette dernière décennie, ont été signés plus de 150 documents conjoints, englobant les domaines les plus divers – de l'espace aux échanges sportifs.
Question: Quelle est votre vision de l'Amérique Latine dans le monde moderne ?
S.V.Lavrov: Il est évident, que l'Amérique Latine s'intègre rapidement dans la politique et l'économie globales, devient objectivement un des centres de la croissance économique et de l'influence politique, défendant avec assurance son rôle indépendant dans les affaires mondiales. Nous croyons, que cela contribue à la stabilité du système multipolaire en formation de l'ordre mondial.
L'Amérique Latine actuelle constitue un ensemble des pays différents par leur importance et par leur potentiel. Parmi eux, il y a les géants comme le Brésil, le Mexique, l'Argentine, qui influent sérieusement sur les processus internationaux, et les petites оles-états. C'est la composante importantissime de la diversité culturo-civilisationnelle du monde contemporain. Chacun de ces états est unique et original, a sa propre voix dans l'arène internationale, et donc est notre partenaire à part entière.
La région compte 33 états avec la population totale de près de 550 millions de personnes, un poids industriel économique et un potentiel intellectuel, un marché large et en extension dynamique, un système bancaire développé. Le PIB total des pays de l'ALC est de 3 trillions de dollars –2,5 fois plus que celui des pays de l'ASEAN.
Le Brésil et le Mexique participent activement au processus de Heiligendamm, visant l'approfondissement du dialogue entre le G8 et les cinq pays leaders en développement. Et le Brésil participe, de plus, au dialogue au format BRIC, qui réunit encore la Russie, l'Inde et la Chine – les économies en développement le plus dynamique au monde.
Pour la Russie, l'Amérique Latine est un partenaire constructif naturel. De plus, l'arrivée au pouvoir dans plusieurs pays du continent de nouveaux leaders, leur aspiration au renforcement du cap indépendant en politique étrangère, la création de l'économie sociale de marché ouvrent les possibilités supplémentaires pour le développement de nos relations, permettent d'utiliser plus pleinement le potentiel de la coopération, de se servir plus efficacement de nouveaux formats de l'application conjointe des efforts sur la base des intérêts qui coïncident.
Question: Vous parlez de la coïncidence des positions de la Russie et de la plupart des pays latino-américains sur les problèmes clé de politique extérieure, de la possibilité d'intensifier la coopération commerciale et économique, du potentiel de la coopération bilatérale dans d'autres sphères. Cependant, on croit aussi, que notre rapprochement avec les états latino-américains est construit, avant tout, autour de l'adversité diplomatique avec les USA. Est-ce que cela est vrai ?
S.V.Lavrov: Ce n'est absolument pas vrai. Au XXIe siècle, le monde change à vue d'oeil. De nouveaux stimulants du comportement des états sur la base déidéologisée se forment.
Aujourd'hui dans cette région, comme dans le monde en général, les idées de blocs deviennent du passé. A propos, aucun Latino-Américain ne conteste la démocratie et l'économie de marché comme bases fondamentales de l'organisation politique et de la vie économique de la société. Cependant, on est aussi en présence d'une diversité de formes de leur mise en pratique dans divers pays. La région cherche ses propres voies pour renforcer la démocratie et la stabilité politique intérieures, la garantie de la croissance de la stabilité économique.
Ce choix souverain est la compétence exclusive des peuples et des gouvernements des pays appropriés. Concernant la Russie, nous sommes prêts à développer la coopération avantageuse d'égal à égal avec tous les pays de la région indépendamment des motifs idéologiques quelconques. En parle, par exemple, le programme de la future visite du Président D.A.Medvédev en Amérique Latine. On a prévu sa participation au forum «Coopération économique en Asie-Pacifique» à Lima, les visites officielles au Pérou, au Brésil, au Venezuela, dans d'autres pays probablement aussi. Plusieurs rencontres bilatérales du Président avec les leaders des états latino-américains se tiendront en marge des manifestations de la CEAP. De plus, le Ministre des affaires étrangères de la Russie se rendra pour la première fois en visite officielle en Colombie et en Equateur. Fin de cette année – début de l'année prochaine, les dirigeants de l'Argentine, de Cuba, du Nicaragua et de l'Uruguay visiteront Moscou.
Je suis persuadé, que les relations russo-latino-américaines ont un grand avenir. Notre partenariat ne vise aucun pays tiers et n'est pas sujet à la conjoncture politique.
Question: Quel rôle joue la coopération de la Russie avec les pays de l'ALC dans le domaine militaro-technique ?
S.V.Lavrov: Je n'isolerais pas le domaine militaro-technique du contexte général de la coopération russo-latino-américaine. On sait, que le matériel militaire de fabrication russe connaît un prestige mérité, et donc la demande sur les marchés mondiaux.
La Russie considère avec compréhension l'aspiration de plusieurs pays latino-américains à diversifier les sources du matériel qu'ils achètent dans le cadre de la modernisation de leurs forces armées. Notre coopération militaro-technique est transparente, nous respectons strictement toutes nos obligations internationales. Comme on sait, aucune limitation ou sanction du Conseil de Sécurité de l'ONU dans le domaine des achats des armements n'a été instaurée contre les pays latino-américains. Le matériel militaire que nous livrons ne constitue pas les armes offensives. Par leurs paramètres techniques, ce sont strictement les moyens de défense.
Question: Comment va notre coopération avec les groupements d'intégration latino-américains ?
S.V.Lavrov: J'ai dйjà dit, que l'Amérique Latine cherche ses recettes et modèles du développement socioéconomique. Cela concerne aussi les nouvelles formes de l'édification d'intégration, qui répond le plus adéquatement aux exigences du temps. La région connaît des processus d'intégration actifs aux différents niveaux et d'intensité différente, la complémentarité des économies des pays participants se consolide. Je pense que cette tendance est positive. Tout en maintenant leur caractère essentiellement économique, les structures comme, par exemple, le Marché commun Sud-Américian, l'Alternative bolivarienne pour les Amériques, les Communautés des Andes et des Caraïbes, le Système d'intégration Centraméricaine se renforcent peu à peu, devenant les mécanismes de la coordination politique.
La région se caractérise aujourd'hui par la fusion et l'enrichissement réciproque des diverses structures d'intégration. La récente création de l'Union des états sud-américains est devenue la conséquence de la consolidation des tendances réunificatrices en Amérique du Sud. Nous cherchons à développer les rapports constructifs avec tous les groupements latino-américains. Dans le domaine politique, nous coopérons avec le Groupe de Rio, ainsi qu'avec l'Organisation des états américains et le Système d'intégration latino-américain, où la Russie a le statut d'observateur.
Question: Comment se développent les liens avec nos compatriotes dans les états latino-américains ?
S.V.Lavrov: Les communautés russes – au total, en Amérique Latine vivent environ 200-250 mille personnes issues de la Russie et de l'ex-URSS - existent pratiquement dans chaque pays. Beaucoup d'entre elles sont apparues dйjà ces dernières décennies et unissent nos professeurs et experts, qui font connaître à leurs étudiants les réalisations de la science et de la technique russes. Nos compatriotes participent activement à l'activité des associations de l'amitié, des centres d'études de la langue et de la culture russes, aident à organiser les expositions et les tournées des collectifs artistiques.
Le MAE et les représentations diplomatiques russes dans les pays de la région prêtent une attention prioritaire à la coopération avec nos compatriotes, aident par tous les moyens à la consolidation de la diaspora et de ses organisations, à l'élargissement de la présence de l'Eglise Orthodoxe russe. Le souci du maintien et de la consolidation de l'espace russophone à l'étranger constitue une des priorités de la politique étrangère des dirigeants russes. Nous allons toujours chercher à obtenir la plus complète expansion du richissime potentiel créateur du monde russe qui nous unit.
Le 17 novembre 2008