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Interview de Grigori Karassine, Secrétaire d'État, Vice-Ministre russe des Affaires étrangères, accordée au quotidien Kommersant et publiée le 2 octobre 2017

1853-03-10-2017

Question: C'est n'est pas la première fois que Chisinau exige le retrait du contingent russe de Transnistrie. Par le passé, les autorités russes ont déjà expliqué pourquoi c'était impossible. Moscou est-il toujours opposé à l'évacuation des troupes? 

Réponse: Absolument. La Fédération de Russie et beaucoup d'autres États membres responsables de l'Onu sont très sceptiques envers cette initiative qui, selon eux, menace de faire apparaître une nouvelle source de tensions ouvertes en Europe du Sud-Est. N'y a-t-il pas déjà assez de foyers de confrontation dans cette zone?

La solution réelle au problème de la Transnistrie ne réside pas dans l'annonce de propositions "révolutionnaires" depuis la haute tribune de l'Onu - qui dissimulent manifestement des intérêts et des aspirations de certaines parties - mais dans un travail méticuleux au sein de la Conférence permanente sur les questions politiques dans le cadre du processus de négociations en vue du règlement du conflit transnistrien au format "5+2". Ce mécanisme reconnu au niveau international donne un cadre à la recherche d'une formule de règlement viable. Je ne comprends pas tout à fait pourquoi les représentants de l'OSCE font traîner ce processus en longueur.

Question: L'opération de maintien de la paix en Transnistrie est un autre problème des relations entre Chisinau et Moscou. La Moldavie estime que cette mission doit devenir policière, alors que la Russie explique qu'une telle démarche pourrait provoquer un conflit. Pensez-vous que la Transnistrie pourrait faire face au rétablissement de la phase "chaude" du conflit?

Réponse: Je voudrais souligner que nous tentons justement d'obtenir une solution politique au problème transnistrien. La Russie joue un rôle de médiateur et de garant sur la base du respect de l'intégrité territoriale de la Moldavie. Dans le contexte actuel du dialogue entre Chisinau et Tiraspol, qui est dans l'impasse, toute tentative de telle ou telle partie de se débarrasser de sa responsabilité pour la mise en œuvre de l'accord de 1992 sur les principes du règlement pacifique du conflit armé dans la région transnistrienne de la Moldavie réanime le danger de la régression du conflit vers sa phase chaude.

Il faut éviter que le règlement transnistrien devienne un autre objet de jeux géopolitiques aux répercussions absolument imprévisibles. La terre fertile de cette région a déjà connu des effusions de sang, et il est nécessaire de faire tout notre possible pour empêcher la répétition de ces événements. Tous les propos sur la possibilité d'un changement radical du format actuel de l'opération de maintien de la paix et le retrait des forces russes de la rive gauche du Dniestr n'ont aucun lien avec la réalité et ignorent complètement l'opinion des Transnistriens, qui voient dans ces troupes la garantie d'une vie paisible.

Question: Quels sont les fondements de cette conclusion? Je ne peux me rappeler d'aucun sondage important sur ce sujet dans la région…  

Réponse: Ce fait est démontré par l'attitude des Transnistriens envers les militaires de la force de maintien de la paix, qu'on a pu par exemple constater récemment lors de la fête consacrée aux 25 ans de l'opération de maintien de la paix dans la région du Dniestr. Si Chisinau a pris au maximum ses distances par rapport à cette date, les célébrations en Transnistrie ont réuni des milliers de citoyens ordinaires.

Question: L'humeur de la population est donc parfaitement visible sans sondages?

Réponse: Bien sûr. Elle est évidente, surtout pour ceux qui ont visité la région. Je m'y suis rendu à de nombreuses reprises et j'ai constaté un consensus absolu.

Question: Ces derniers temps, on entend de plus en plus souvent à Chisinau des voix insistant sur le retrait des militaires russes de la rive gauche du Dniestr. Ces propos sont évoqués non seulement par le Premier Ministre et son parti, mais aussi par les représentants de certaines autres forces politiques.

Réponse: Ceux qui tentent de promouvoir l'idée de l'évacuation des militaires russes ont une mémoire historique trop courte. Je voudrais rappeler que ce sont les actions des militaires russes qui ont permis de mettre fin aux hostilités en 1992. Selon différentes estimations, les deux parties ont perdu à l'époque près de 1 000 hommes et 4 500 ont été blessés. Les Transnistriens ont déploré près de 600 morts, 900 blessés et 50 disparus. L'infrastructure et les sites sociaux de la ville de Bender ont subi des dégâts énormes… Les combats empêchaient même d'évacuer les corps des morts des rues de Bender, ce qui aurait pu se solder par une pandémie dans le contexte de la chaleur de juin. 46 entreprises industrielles, de transport et du bâtiment ont subi des pertes. Les militaires et les forces de la paix russes ont permis d'éviter l'escalade.

Question: Tout cela a eu lieu il y a 25 ans. Il est probablement temps de partir?

Réponse: Les Transnistriens n'ont pas oublié ces événements. La douleur et la peur sont toujours présentes dans le cœur des gens. On ne peut pas oublier des choses pareilles. Et la présence des militaires russes dans la région assure aux civils que l'avenir sera paisible et calme. Le contingent russe reste garant de la stabilité dans la région du Dniestr depuis un quart de siècle. C'est surtout important dans le contexte de provocations incessantes de la part des partisans du blocus ou d'autres méthodes musclées de règlement du conflit transnistrien.

Question: Chisinau affirme pourtant que le gouvernement moldave n'a jamais donné son approbation, nécessaire, au déploiement des forces russes.

Réponse: Il passe sous silence un fait important: cette question est en principe incorrecte car la 14e Armée soviétique, dont l'héritière est l'actuel Groupe opérationnel des forces armées russes dans la région transnistrienne de la Moldavie, a été déployée de manière permanente sur un large territoire à l'époque soviétique. Les deux éléments de la présence militaire russe actuelle dans la région du Dniestr - le contingent de maintien de la paix dans la zone de sécurité et le groupe opérationnel assurant la protection des dépôts de munitions dans la localité de Cobasna - sont les dérivés de ce conflit non réglé. Qui plus est, la partie moldave est en grande partie responsable de cette situation.

Question: Autrement dit, Moscou estime que la présence des forces russes sur la rive gauche du Dniestr a des fondements juridiques?

Réponse: Évidemment. Il s'agit de l'Accord sur les principes de règlement pacifique du conflit armé signé le 21 juillet 1992 par les présidents russe et moldave en présence du leader transnistrien. Ce texte a servi de base à la création et au fonctionnement de la Commission unifiée de contrôle et des forces conjointes de maintien de la paix qui sont contrôlées par la Commission et réunissent les contingents russe, moldave et transnistrien. Afin de mettre en œuvre cet accord, on a adopté le 28 juillet 1992 le protocole sur le nombre et le déploiement des forces de maintien de la paix. Ce texte prévoit la présence, sur le territoire moldave, de six bataillons russes - dont l'un est en réserve -, d'un groupe d'hélicoptères et d'un groupe de communication. Qui plus est, la Russie est loin d'avoir rempli tout ce quota.     

Question: Le gouvernement moldave précise pourtant qu'il exige le retrait du Groupe opérationnel et pas l'évacuation des forces de maintien de la paix. Il accuse Moscou de violer ses engagements internationaux.

Réponse: Un groupe de militaires russes ne fait officiellement pas partie du contingent de maintien de la paix, bien qu'il joue un rôle aussi important, c'est-à-dire protège les dépôts dans la localité de Cobasna, où il reste beaucoup de munitions après le démembrement de l'URSS. Nos militaires ont permis d'éviter leur pillage. Nous sommes responsables de leur surveillance, pour qu'elles ne tombent pas entre de mauvaises mains. On ne pourra évacuer ces munitions qu'à condition d'être assurés de la coopération et des garanties de sécurité des autorités intéressées: transnistriennes, moldaves et surtout ukrainiennes, car il faudra utiliser le chemin de fer qui a été de fait bloqué à cause de l'absence d'accord entre Chisinau et Tiraspol.   

Il faut rappeler que la Russie envisage de se tenir au texte de consensus de l'OSCE - la Déclaration du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l'OSCE à Porto - qui a salué l'"engagement de la Fédération de Russie de mener à son terme le retrait des forces russes dans les plus brefs délais si les conditions sont réunies". En 2003, quand les conditions politiques étaient favorables, nous avons évacué en Russie 42 trains transportant des munitions et des équipements militaires.

Question: Combien de ces "biens" reste-t-il toujours à Cobasna?

Réponse: Environ 20 000 tonnes de munitions.

Question: Pourquoi n'a-t-on pas achevé leur évacuation à l'époque où c'était encore possible, autrement dit avant le début du conflit ukrainien?

Réponse: L'évacuation des munitions est un processus très compliqué. Et nous ne sommes pas responsables de son arrêt. Les conditions politiques nécessaires n'était pas réunies pour terminer ce travail après 2003. Comme je l'ai déjà dit, le transfert des munitions doit être accepté par les Transnistriens, Chisinau et l'Ukraine. Ce n'est pas aussi facile qu'il le semble de l'extérieur.

Question: Dans tous les cas, Chisinau affirme que la présence du Groupe opérationnel en Transnistrie est illégale.

Réponse: Il est difficile d'accepter cette logique. Selon l'Accord sur les principes de règlement pacifique du conflit armé dans la région transnistrienne de la Moldavie du 21 juin 1992, le statut des troupes russes doit être défini par des négociations entre la Russie et la Moldavie. C'est dans ce contexte qu'il faut l'interpréter. Si on analyse objectivement la base juridique des relations russo-moldaves depuis 25 ans, on peut trouver beaucoup de projets d'accord et de protocoles gouvernementaux consacrés au règlement de ce problème. Le vecteur n'a jamais changé: dès qu'on créait les conditions politiques nécessaires, la Russie prenait toujours des mesures visant à réduire ses forces et à reprendre l'évacuation des équipements militaires.

Question: Le Président russe Vladimir Poutine a lancé une discussion active concernant l'idée de déployer une force de maintien de la paix de l'Onu à l'est de l'Ukraine. Pensez-vous que l'apparition éventuelle de casques bleus des Nations unies en Transnistrie pourrait résoudre beaucoup de problèmes autour de l'opération de maintien de la paix dans la région?

Réponse: L'unique opération de maintien de la paix dans la région du Dniestr démontre son efficacité depuis un quart de siècle. Il n'y a plus de fusillades, ni de morts. Le changement de format en faveur d'un contingent de l'Onu ne peut se solder que par une aggravation dangereuse. En ce qui concerne le règlement du problème transnistrien, tout dépend de la volonté et de la capacité des parties à s'entendre, ce que nous soulignons sans cesse depuis des années.

Question: Les relations entre Moscou et Chisinau semblent mauvaises sur tous les axes. Même le nouveau Président moldave Igor Dodon est incapable d'y remédier. Peut-on encore croire à une détente où à un redémarrage?

Réponse: L'assainissement des relations bilatérales dépend toujours de l'attitude des deux pays. Moscou est prêt à les développer de manière positive. Qui plus est, nous travaillons activement en ce sens. 

 

 

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