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Extrait de l’interview du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à la chaine de télévision RT Arabic, Moscou, le 26 mai 2022

Question: Votre récente visite en Algérie et à Oman a suscité un grand intérêt. Comment évaluez-vous les résultats de cette visite? Pourquoi avez-vous choisi ces États en particulier?

Sergueï Lavrov: Nous communiquons avec tous les pays intéressés. Cette tournée était prévue depuis longtemps. Le programme et le calendrier de mes visites ont été convenus depuis un moment.

En Algérie, nous avons tenu de longues et fructueuses négociations avec le président de la République algérienne démocratique et populaire Abdelmadjid Tebboune et le ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra. Nous avons souligné que pendant de nombreuses années nos relations étaient fondées sur la Déclaration sur le partenariat stratégique signée par les présidents en 2001. Dès lors, nos liens de partenariat stratégique se sont développés de façon active dans un certain nombre de domaines. Il s’agit du dialogue politique régulier, du commerce (en 2021, malgré les conséquences de la pandémie, le chiffre d’affaires a augmenté de quelques pour cent dépassant 3 milliards de dollars), de l’économie, des investissements conjoints, de la coopération dans le cadre de l’Opep et du Forum des pays exportateurs de gaz, de riches liens militaires et techniques et des échanges sociaux et culturels.

Nous avons constaté (c’était une initiative de l’Algérie) que nos relations avaient pris une nouvelle dimension. Nous aimerions le consigner dans le document que nous sommes en train d’élaborer.

Nous espérons que nous pourrons signer ce document lorsque le président algérien Abdelmadjid Tebboune se rendra en visite en Russie à l’invitation du président Vladimir Poutine.

Nous apprécions le fait que les pays du monde arabe refusent de se laisser faire par l’Occident, n'adhérent pas aux sanctions et évaluent de manière objective la situation en Ukraine, comprenant les raisons qui ont provoqué cette crise, notamment le refus catégorique de nos collègues occidentaux de s’entendre sur les principes de sécurité égale et indivisible dans notre région commune.

Quant à l’Oman, il s’agissait de la première visite depuis l'accession au trône du nouveau sultan Haïtham ben Tariq qui m’a aimablement accueilli en m'accordant beaucoup de temps. J’ai particulièrement apprécié ce geste de Sa Majesté, car l’usage protocolaire du Sultanat d’Oman ne prévoit pas de communication dans ce format avec les ministres.

Les négociations ont montré qu’il y avait de bonnes perspectives pour développer les liens commerciaux et économiques. Nous aimerions qu’ils atteignent le niveau de notre dialogue politique de confiance.

Les possibilités sont nombreuses dans le domaine de l’énergie et des technologies de l'information et de la communication. Nous avons des projets intéressants dans le domaine culturel.

L'exposition, qui a duré six mois, sur l’art islamique en Russie organisée au musée national d’Oman s'est terminée en mars. Le musée de l’Ermitage et le musée national d’Oman collaborent étroitement depuis 2015. Les deux musées ont présenté leurs expositions dans un espace du musée partenaire.

Question: Quelle sera la destination de votre prochaine visite?

Sergueï Lavrov: La prochaine visite aura lieu bientôt, le 31 mai et le 1er juin, conformément aux invitations. Je prévois de me rendre d'abord à Bahreïn. Ensuite, le 1er juin, je participerai à la réunion du Forum des ministres des Affaires étrangères Russie-CCG. Ce forum existe depuis longtemps. Nous avons marqué une pause dans nos réunions à cause de la pandémie. Maintenant, nos amis nous ont proposé de reprendre le travail. En plus de la réunion Russie-CCG, des réunions bilatérales avec tous les participants de cette structure seront organisées.

Question: Que pensez-vous de la position des pays arabes sur la crise en Ukraine?

Sergueï Lavrov: Comme je l’ai dit en répondant à la question précédente, tous les pays arabes ont une position responsable. Ils prouvent qu’ils se fondent uniquement sur leurs intérêts nationaux et ne sont pas prêts à sacrifier ces intérêts pour des aventures géopolitiques conjoncturelles de qui que ce soit. Et, d’une manière générale, nous avons une relation mutuellement respectueuse. Nous respectons les intérêts fondamentaux des pays arabes face aux menaces qui pèsent sur leur sécurité. Et ils nous rendent la pareille, ils ont conscience des menaces pour la sécurité de la Fédération de Russie que l’Occident créaient à proximité immédiate de nos frontières pendant plusieurs décennies en essayant d’utiliser l’Ukraine pour endiguer la Russie et nous causer de graves dommages.

Question: Selon vous, ces pays continueront-ils de mener cette politique en dépit de la pression de l’Occident, notamment de la part de l’alliance anglo-saxonne?

Sergueï Lavrov: L’insolence de l’alliance anglo-saxonne est sans limites, et nous en trouvons chaque jour la confirmation. Au lieu d’honorer ces obligations en vertu de la Charte des Nations unies et de respecter l’égalité souveraine des États en refusant de s’immiscer dans leurs affaires intérieures, l’Occident envoie chaque jour ses ambassadeurs et émissaires dans toutes les capitales sans exception pour fixer des ultimatums et faire du chantage flagrant sur la base de certaines situations subjectives.

Ils menacent directement leurs interlocuteurs en leur disant qu’ils regretteront et seront punis s’ils ne se joignent pas aux sanctions contre la Russie. Il s’agit d’un pur manque de respect à l’égard des États souverains. La réaction des pays arabes et de presque tous les autres pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine montre que ces pays ne sont pas prêts à compromettre leur dignité nationale et courir comme des serviteurs faisant les corvées pour leurs chefs de l’Occident. Une fois encore, cette situation reflète la pensée coloniale. Nos collègues occidentaux n’ont pas changé leurs habitudes. Les États-Unis et l’Europe continuent de penser en catégories du colonialisme quand ils pouvaient dicter leur volonté au reste du monde. C’est mal, c’est triste et cela va à l'encontre du progrès historique naturel, à savoir la formation d’un monde multipolaire. Ce monde possède plusieurs centres de croissance économique, de puissance financière et d’influence politique. Il est clair pour tout le monde que la Chine et l’Inde sont des pays puissants avec un fort taux de croissance économique, ainsi que le Brésil et les autres pays d’Amérique latine. Le potentiel de l’Afrique avec ses riches ressources naturelles a été entravé pendant la période coloniale et néocoloniale, qui n’est pas encore terminée. En conséquence, l’Afrique fait maintenant entendre sa voix. Il ne fait aucun doute que le monde arabe représente l’un des piliers ou centres du monde multipolaire.

Question: Nous parlons de bonnes relations entre la Russie, la Chine et l’Inde. Ces pays pourraient-ils former une alliance pour contrer l’hégémonie des États-Unis?

Sergueï Lavrov: Nous ne créons jamais des alliances contre qui que ce soit. Nous avons développé il y a longtemps un vaste réseau d’organisations partenaires. Je mentionnerai ici les structures formées après la dissolution de l’Union soviétique, notamment la CEI, l’OTSC, l’Union économique eurasiatique (UEE). L’OCS, qui couvre un espace géopolitique plus vaste, a établi et continue de développer des liens étroits avec l’UEE ainsi que dans le cadre de l’intégration des projets eurasiatiques avec des initiatives chinoises (l’initiative la Ceinture et la Route). Un accord a été signé entre l’UEE et la Chine. Le raccordement de tous ces processus d’intégration couvre de plus en plus de territoires. Ainsi, en plus de la coopération entre l’UEE et l’OCS, ces organisations ont un mémorandum sur l’interaction avec L’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE). Le projet de la "Grande Eurasie" (ou “Grande partenariat eurasiatique”) devrait couvrir tout le continent eurasien. Le président Vladimir Poutine l’a déclaré il y a six ans lors du sommet Russie-ANASE. Ce projet est basé sur les processus régionaux sur le terrain et dispose d’une dimension eurasiatique. De nombreux pays du monde arabe se déclarent disposés à établir un partenariat avec l’OCS, où toutes les autres grandes sous-régions de notre vaste continent sont représentées. Il s’agit des processus de mise en place des alliances constructives et positives (au lieu des alliances antagonistes) qui ne ciblent aucun État. Ces alliances revêtent progressivement un caractère global, comme en témoigne le développement du groupe Brics (Brésil, Russie Inde, Chine et Afrique du Sud). Nos amis saoudiens s’intéressent à ce groupe, tout comme l’Argentine dont ministre des Affaires étrangères Antonio Cafiero a déclaré vouloir y adhérer.

Le groupe prépare le prochain sommet, au cours duquel un nouveau format “BRICS Outreach" sera mis en place. Une douzaine de pays en développement y participeront. Ces processus se poursuivent.  Nous savons que nos amis occidentaux ont beaucoup de phobies, beaucoup de complexes. Ils ont un complexe de supériorité, un complexe d’infaillibilité. En outre, ils souffrent de paranoïa. Tout processus qui n’implique pas l’Occident, que l’Occident ne contrôle pas, est perçu par eux comme une opposition, comme une menace à leur hégémonie.

Question: La question sur la mise au point d’armes biologiques en Ukraine par les États-Unis n'a suscité aucune préoccupation de la part des pays occidentaux, malgré les preuves apportées par la Russie. Qu’est-ce qu’il faut faire pour que le monde comprenne à quel point c'est dangereux? En lisant la presse arabe, j’ai remarqué que le moment quand la Russie parlait des activités de ces laboratoires était présenté comme un moment historique.

Sergueï Lavrov: Il s’agit d’une violation flagrante de la Convention sur les armes biologiques ou à toxines. Pendant des années, avec le soutien de tous les pays sauf les États-Unis, nous avons prôné la mise en place d’un mécanisme de contrôle qui serait universel et transparent et qui permettrait à tous les États de vérifier qu’aucune partie ne viole ses obligations.

Depuis 2001, les États-Unis s’opposent à cette initiative. Maintenant, il est devenu clair pour nous pourquoi ils ont adopté cette position tout en créant des laboratoires biologiques militaires à travers le monde pendant toutes ces années. L’Agence de réduction des menaces de défense du département de la Défense américain s’en charge et le Pentagone accorde une attention particulière à l’espace postsoviétique et eurasiatique. Si vous regardez les données disponibles sur la géographie de ces laboratoires, vous verrez qu’ils se trouvent tout d’abord le long du périmètre de la Fédération de Russie, et à côté de la République populaire de Chine

Nous soupçonnons depuis longtemps que les expériences menées dans ces laboratoires ne sont pas pacifiques ou inoffensives.  Dans la ville de Marioupol, libérée par les forces russes et les milices de Donetsk et de Lougansk, des laboratoires que les Américains avaient quittés à la hâte ont été découverts. Dans ces laboratoires, ils ont tenté de détruire les documents et les échantillons, mais n’ont pu tous les détruire. Les échantillons d’agents pathogènes et les documents qui ont été conservés montraient clairement le caractère militaire des expériences. Les documents indiquaient qu’il existe des dizaines de ces laboratoires en Ukraine.

Tout d’abord, nous veillerons à ce que toutes ces informations présentées par la Russie au Conseil de sécurité soient prises au sérieux. (Vous avez noté que la grande majorité de pays en développement les prennent au sérieux). Ensuite, nous œuvrerons également pour que ces informations prennent la forme d’actions concrètes dans le cadre de la Convention sur les armes biologiques. Les États-Unis devront expliquer ce qu’ils faisaient là. Nous avons tenu cinq réunions spéciales au Conseil de sécurité des Nations unies, dont l’une très récemment. Nous continuerons à travailler pour que les États-Unis adoptent des mesures concrètes sur la base des obligations en vertu de la Convention. Nous allons également analyser les informations concernant l’implication présumée d’autres pays, notamment de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, dans les activités de laboratoires militaires biologiques, y compris en Ukraine.  

Question: La Turquie et l’Italie ont proposé un plan de paix visant à faciliter les négociations entre la Russie et l’Ukraine. La Russie est-elle prête à continuer les négociations qui n’ont pas apporté de résultats récemment?

Sergueï Lavrov: Comme nous l’avons dit à maintes reprises, nos collègues occidentaux ont décidé d’utiliser Vladimir Zelenski et tous les Ukrainiens, jusqu’au dernier Ukrainien (comme on dit souvent), pour combattre la Russie et nous infliger un maximum de dégâts sur le champ de bataille. Ils en parlent ouvertement à Washington, à Berlin, à Londres et surtout à Varsovie. La Pologne est même allée jusqu’à proposer d’éliminer le monde russe comme “une tumeur cancéreuse dans le corps de l’humanité". J’aimerais voir ce corps, si bien sûr il s’agit du "corps" de nos voisins polonais. Pendant des années, la Russie a expliqué à plusieurs reprises pourquoi il était inacceptable d’élargir l’Otan vers l’est et d’y entraîner l’Ukraine. Nous avons été écoutés mais pas entendus. En 2014, lors du coup d’État, l’opposition a rompu les accords conclus la veille en dépit des garanties de l’Union européenne, qui s’est montrée impuissante et n’a pas pu forcer les putschistes à respecter les signatures de la France, de l’Allemagne et de la Pologne. La guerre dans le Donbass, déclenchée sur décision des nouvelles autorités, qui sont arrivées au pouvoir à la suite du coup d’État, s’est terminée en 2015. Les Accords de Minsk ont été signés, également sous les garanties de la France et de l’Allemagne. Toutes ces longues années, nous avons appelé à remplir les obligations de Kiev. Puisque l’Occident avait une influence décisive sur l’Ukraine, nous avons travaillé avec l’Europe et les États-Unis en faisant appel à la conscience de ces pays. Mais ils n’ont fait preuve d’aucune conscience. Au lieu de forcer l’Ukraine à honorer ses engagements, à travers un dialogue direct avec Donetsk et Lougansk, l’Occident protégeait Vladimir Zelenski et toute son équipe, y compris quand ils ont déclaré publiquement qu’ils ne voulaient pas parler à “ses personnes-là”, comme le prévoyait la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies approuvant les Accords de Minsk. Ils ont affirmé qu’ils ne respecteraient jamais les Accords de Minsk et qu’ils n’accorderaient aucun statut spécial à ces républiques. Parallèlement, ils adoptaient une série de lois visant à interdire la langue russe dans les médias et l’éducation. Des médias ont été fermés. Même dans la vie quotidienne, la langue russe était interdite. Seule la langue ukrainienne était reconnue comme langue quotidienne des Ukrainiennes. Nous n’oublierons jamais le moment quand Vladimir Zelenski a dit que si quelqu’un se sentait russe, il devrait partir en Russie. Il l’a dit en septembre 2021. Nous avons alerté certains pays occidentaux, l’OSCE, le Conseil de l’Europe et des structures des Nations unies sur ces déclarations russophobes et la politique néonazie qui s’ancrait dans la législation ukrainienne, mais aucune réaction n’a suivi. Parfois, quelqu’un disait qu’il fallait mieux respecter les obligations internationales. Vladimir Zelenski se moque des obligations internationales de l’Ukraine ainsi que de sa Constitution, qui garantit les droits de la population russophone. Ils ont piétiné la Constitution et toutes les conventions internationales en adoptant des lois antirusses.  

En ce qui concerne la question de savoir si la Russie est prête à négocier, nous avons déjà expliqué pourquoi nous ne pouvions plus rester les bras croisés. Ce que nous avons découvert lors de l’opération militaire spéciale par rapport aux positions de l’armée ukrainienne confirme que nous avons failli être en retard, car les Ukrainiens avaient préparé un "plan B” pour le 8 mars. Un énorme groupe de forces armées ukrainiennes déployées à la mi-février sur la ligne de contact avec le Donbass avait prévu de prendre ces territoires par la force, en violation des Accords de Minsk et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

Je ne doute pas que si ce plan avait fonctionné, l’Occident aurait fermé les yeux sur toute violation, comme il l’a fait avec d’autres engagements au cours des huit années précédentes.  Nous avons immédiatement accepté, quand, quelques jours après le début de l’opération, les autorités ukrainiennes ont proposé d’entamer des négociations. Nous avons tenu plusieurs séries de négociations en présentiel en Biélorussie en essayant de comprendre la position de l’Ukraine et ce qu’elle cherchait à obtenir, car notre position était claire. Après plusieurs séries de négociations (en Biélorussie et en ligne), on nous a proposé de tenir des négociations à Istanbul, où, pour la première fois, l’Ukraine a présenté un document signé par le chef de la délégation contenant des propositions ukrainiennes.  Après avoir étudié les propositions et les avoir rapportées au président russe Vladimir Poutine, nous avons répondu aux collègues ukrainiens que nous étions prêts à travailler sur la base de ce document. Puisqu’ils ne nous avaient présenté que des éléments d’un traité, nous avons rédigé un projet de traité nous-mêmes sur la base de leur document et l’avons remis aux négociateurs ukrainiens. Le lendemain, une provocation orchestrée de manière flagrante s’est passée à Boutcha, où trois jours après le départ des forces russes, après trois jours de paix, on a annoncé que des cadavres avaient été retrouvés dans la ville. On nous a tout de suite accusés d’avoir tué ces gens. Vous savez ce qui s'est passé après. L’Occident a immédiatement adopté un nouveau paquet de sanctions, comme si tout avait été préparé à l’avance. Les Ukrainiens ont déclaré qu’ils avaient changé leur approche et qu’ils voulaient formuler différemment les principes sur lesquelles le traité devait se fonder. Néanmoins, nous avons poursuivi nos contacts. Ça fait presque un mois que nous attendons une autre version du traité de la part de l’Ukraine, sans aucune avancée.

En ce qui concerne la volonté de négocier, l’autre jour, par exemple, Vladimir Zelenski a déclaré dans une interview (il donne des interviews tout le temps) qu’il était prêt à négocier, mais que les négociations ne pouvaient se passer qu’entre lui et Vladimir Poutine, et qu’aucun autre niveau de négociations ne lui convenait. Les négociations, de son point de vue, devraient avoir lieu sans aucun intermédiaire et seulement après que l’Ukraine aura repris le contrôle de la région à l'état du 23 février. Nous n’avons pas besoin d’expliquer ou de prouver que ce n’est pas sérieux. Il est dans l'intérêt de l’Occident de soutenir une telle intransigeance inconsidérée. C’est aussi un fait. L’Occident a demandé que la Russie soit vaincue sur le champ de bataille, et pour ce faire, il doit poursuivre la guerre, en alimentant en armes les nationalistes ukrainiens, le régime ukrainien, y compris des armes qui peuvent atteindre la Fédération de Russie. C’est exactement le type d’armement que Zelenski réclame publiquement. Nous avons averti l’Occident de manière la plus sérieuse qu’ils mènent déjà, en fait, une guerre par procuration avec la Fédération de Russie avec les mains, les corps, les cerveaux des néonazis ukrainiens, mais ceci sera une étape des plus sérieuses vers une escalade inacceptable. J’espère que les esprits raisonnables de l’Occident, il en reste encore quelques-uns, le comprendront.

En ce qui concerne votre question sur la Turquie et l’Italie, la Turquie n’a pas de plan. Du moins, personne ne nous l’a remis. En même temps, le président turc Recep Erdogan souligne régulièrement que la Turquie est prête à fournir une plateforme de négociations comme ils l’ont fait à Istanbul le 29 mars. En fait, cette rencontre a été utile. Pour la première fois, en réponse à nos nombreuses demandes, les Ukrainiens nous ont présenté leur propre vision du traité de paix que nous avons acceptée et traduite dans la langue juridique. Quant au reste, je vous ai déjà expliqué. Le président turc Recep Erdogan est résolu à contribuer à la recherche de la paix, tandis que Vladimir Zelenski a déclaré qu’il n’avait pas besoin d’intermédiaires. C’est son choix, il change d'avis comme de chemise. Un jour il veut obtenir le soutien de tout le groupe des Sept, l’autre jour nous avons reçu des informations selon lesquelles l’ancien secrétaire général de l’Otan Anders Fogh Rasmussen est en train de créer, à la demande des Ukrainiens, une sorte de groupe qui préparera des garanties pour l’Ukraine dans le contexte d’un règlement pacifique.

Permettez-moi de vous rappeler que selon le concept initial, promu par les Ukrainiens eux-mêmes, il s’agirait d’un accord unique qui contiendrait, entre autres, les obligations de l’Ukraine de ne pas rejoindre des alliances militaires, de ne pas posséder d’armes nucléaires, les garanties d’un statut neutre et en même temps, dans ce même accord, les pays garants présenteront à l’Ukraine des garanties, en respectant pleinement les intérêts de sécurité de l’Ukraine, de la Fédération de Russie et d'autres pays de la région. Comme je l’ai déjà dit, Kiev essaie de s’éloigner de ce concept, et si ce monsieur Fogh Rasmussen a pour objectif de fabriquer rapidement des garanties dans un cercle restreint de sponsors occidentaux du régime ukrainien et d’essayer de le présenter à la Fédération de Russie, alors ce sera une impasse.

Question: S'agit-il d’un document officieux? Une simple initiative des anciens?

Sergueï Lavrov: Nous nous en occupons actuellement. Cela a déjà été promu en tant qu’une démarche décisive. Il en va de même pour l’initiative italienne. Luigi Di Maio a "infiltré" activement l’espace médiatique et fait la promotion de l’initiative italienne qui comprend quatre points. Nous avons seulement lu qu’elle pourrait apporter la paix tant attendue, qu’elle arrangerait non seulement la Russie et l’Ukraine mais assurerait pratiquement un nouveau processus d’Helsinki, un nouvel accord sur la sécurité européenne et que les pays du G7 la partageraient déjà ainsi que le secrétaire général de l’ONU. Je ne sais pas si c’est vrai ou non, nous ne savons pas à qui il l’a montrée. Personne ne nous a rien transmis. Nous ne pouvons pas nous laisser guider par des spéculations et des descriptions de cette initiative qui apparaissent dans les médias. Mais ce que nous lisons (si c’est vrai, bien sûr), suscite un sentiment de regret quant à la compréhension des auteurs de cette initiative de ce qui se passe et leurs connaissances du sujet et de l’histoire de ce problème. Il s’agit du Donbass et de la Crimée qui devraient faire partie de l’Ukraine avec une large autonomie. Des hommes politiques sérieux qui veulent obtenir des résultats plutôt que de s’engager dans l’autopromotion auprès de leur électorat, ne peuvent pas proposer ce genre de choses. Le Donbass aurait pu réintégrer l’Ukraine depuis longtemps si les régimes ukrainiens (Piotr Porochenko et Vladimir Zelenski) avaient respecté les Accords de Minsk et accordé un statut spécial aux personnes qui avaient refusé d’accepter le coup d’État. Le statut de la langue russe y a été prescrit. Au lieu d’accorder ce statut, la langue russe a été interdite dans toute l’Ukraine. Au lieu de débloquer les liens économiques, Porochenko a annoncé le blocus des transports de ces territoires. Pour bénéficier des prestations sociales, des personnes âgées devaient parcourir de nombreux kilomètres. Selon les médias, il s’agit encore dans cette initiative italienne, sur laquelle vous venez de m’interroger, au-delà de la réconciliation entre la Russie et l’Ukraine, d’un nouveau processus d’Helsinki qui doit être lancé, la sécurité de tous et de tout doit être assurée. Il est un peu tard pour que nos collègues de Rome reprennent leurs esprits. Le processus d’Helsinki a apporté au monde, à notre région, à la région euro-atlantique toute une série d’acquis importants, y comprit des déclarations signées au plus haut niveau politique, lors des sommets de l’OSCE, entre autres à Istanbul en 1999, à Astana en 2010, des déclarations sur l’indivisibilité de la sécurité. Ils précisent que la sécurité ne peut être qu’égale et indivisible. Puis il y a eu une formule détaillée: chaque pays a le droit de choisir ses alliances, mais aucun pays ne peut choisir ses alliances ou renforcer sa sécurité de toute autre manière au détriment de la sécurité d’un autre pays. Le troisième élément de cette formule consiste à ce qu’aucun pays ni organisation au sein de l’OSCE ne prétende à la domination dans les questions de sécurité.

Toute personne qui est même un peu familière avec la situation en Europe réalise que les éléments clés de cet engagement sont d’une façon flagrante violés par les pays de l’Occident qui renforcent leur sécurité au détriment du droit de la Russie à sa propre sécurité. Ils affirment que seule l’Otan peut "commander la musique" dans cette région et personne d’autre. Nous avons essayé de transformer ces belles paroles politiques en réalité afin qu’elles ne restent pas seulement sur le papier, signées par les présidents des États-Unis et européens, mais qu’elles soient appliquées dans la pratique. Nous avons proposé de transformer cette obligation politique en une obligation juridique. En 2009 nous avons proposé un tel traité aux pays de l’Otan. Ils ont déclaré qu’ils ne voulaient même pas en discuter parce que les garanties juridiques de la sécurité ne pouvaient être fournies que par l’Otan seule. Lorsque nous les avons interrogés sur l’OSCE, ils ont répondu que tout cela n’était que des promesses politiques et des slogans. La façon des figures occidentales de traiter les signatures de leurs propres présidents est révélatrice. Nous ne nous sommes pas limités à l’année 2009. 

Une autre tentative a été entreprise l’année dernière. En novembre 2021, le président Vladimir Poutine nous a chargés de préparer de nouveaux documents pour nous mettre d’accord avec les États-Unis et l’Otan sur les principes qui ont été approuvés par tous au plus haut niveau. De tels traités ont été préparés et remis à Washington et Bruxelles au début du mois de décembre 2021. Plusieurs séries de négociations ont eu lieu. J’ai rencontré le secrétaire d'État des États-Unis Antony Blinken. On nous a dit que nous pouvions discuter des aspects liés au contrôle des armements mais que le problème de l’élargissement de l’Otan ne nous regardait pas et ne regardait personne. Lorsque nous avons de nouveau mentionné des citations de leur engagement à ne plus renforcer la sécurité de qui que ce soit au détriment de celle des autres, ils ont répondu que tout cela n’avait aucune importance. La seule chose qui compte – c’est la politique de l’Otan, la politique de la "porte ouverte". Nous les mettions en garde depuis des années: en 2009, puis en 2013, en 2014 (lors du coup d’État en Ukraine), en 2015 (les Accords de Minsk). Au cours de toutes ces années, nous avons répété à nos collègues occidentaux que cela allait mal se terminer, parce qu'ils ignorent nos intérêts légitimes et nous répondent brutalement "non" lorsque nous leur demandons de les prendre en considération, non pas à des dizaines de milliers de kilomètres, mais juste aux frontières de la Fédération de Russie. Cette arrogance, ce sentiment de sa propre supériorité, cette mentalité coloniale (où tout m'est permis et tu feras ce que je te dis) ne se manifeste pas seulement dans la manière dont ils traitent nos intérêts.

Rappelez-vous en 1999, quand les États-Unis ont brusquement décidé que la Yougoslavie représentait une menace pour leur sécurité. Et ce, à 10.000 kilomètres des côtes américaines. Ils l'ont bombardé "en un instant". Pour cela ils ont utilisé un Américain Walker qui dirigeait la mission de l'OSCE et qui a déclaré à haute voix que la découverte de quelques dizaines de corps dans le village de Racak constituait un génocide. Comme il s'est révélé plus tard, ces cadavres n'étaient pas des civils, mais des combattants. Ils ont été déguisés en vêtements civils et ont été dispersés. La même chose a été faite le 3 avril dans la ville de Boutcha, dans la banlieue de Kiev. C'est le même principe. Cela fonctionne, que ce soit convaincant ou non. Ils n'ont pas eu besoin de persuader qui que ce soit. Ils ont bombardé la Yougoslavie, ils ont créé un Kosovo indépendant en violation de tous les principes de l'OSCE tout simplement parce qu'ils ont décidé ainsi.

Ils ont dit "non" après le référendum en Crimée. Selon leurs estimations, l'autodétermination du Kosovo est justifiée et l'autodétermination de la Crimée est inacceptable. Tout cela est fait de façon hypocrite, comme on dit chez nous. Personne ne rougit même de honte, alors que c'est une véritable honte pour la diplomatie occidentale, qui a perdu la capacité de "préparer" avec élégance l'explication des aventures totalement irresponsables.

En 2003, les États-Unis ont décidé qu'un autre pays situé à 10.000 kilomètres constituait une menace et ont présenté une fiole de poudre dentaire, si je ne me trompe pas. Le pauvre Colin Powell s'est plaint plus tard d’avoir été "piégé" par les services de renseignement. Quelques années plus tard, Tony Blair a déclaré qu'ils avaient commis une erreur, mais que "l'on ne pouvait rien y faire". On n’y peut rien. Ils ont bombardé un pays, près d'un million de civils ont été tués. Jusqu’à présent, l'intégrité de l'Irak n'est pas définitivement établie. Il y a beaucoup de problèmes dans ce pays, y compris des problèmes de terrorisme qui n'existaient pas avant. Oui, il existait des régimes autoritaires en Irak et en Libye. Mais il n'y avait pas de terroristes, de conflits permanents ou de provocations militaires.

La Libye, c’est un autre exemple. En 2011, Barack Obama a dit qu'ils allaient "diriger dans le dos de l'Europe". La France, le pays le plus démocratique du Vieux Continent (liberté, égalité, fraternité), a pris la tête de l'opération de l'Otan visant à détruire le régime. Ils ont fini par détruire le pays. Il est désormais difficile de le "reconstituer". Encore une fois les Français tentent, manifestent des initiatives, convoquent des conférences, annoncent des dates d'élections. Tout est en vain, parce qu'il fallait d'abord penser à ce qui arriverait à la Libye après que l'Occident y a assuré sa "sécurité".

Je ne cite pas cet exemple pour dire qu'ils ont le droit et que nous ne l'avons pas. Il s'agit d'une simplification. Je ne fais qu’illustrer la mentalité des pays occidentaux qui considèrent que leur sécurité est celle du monde entier. Ils doivent diriger le monde entier.

Lorsque l'Otan s'est rapprochée des frontières de la Russie, ils ont réagi à nos remarques en disant qu'il ne fallait pas avoir peur: l'Otan est une alliance défensive et ne menace pas la sécurité de notre pays. Tout d'abord, c'est une insolence diplomatique. C'est à nous de décider ce qui correspond à nos intérêts en matière de sécurité, comme n'importe quel autre pays. Deuxièmement, l'Alliance de l'Atlantique Nord était une alliance défensive quand il y avait un adversaire potentiel, quand il existait l'Union soviétique et le Pacte de Varsovie. Il y avait aussi le mur de Berlin. Il séparait l'ouest de l'est de l'Europe. La "ligne de défense" était évidente pour tous. Avec la disparition du Pacte de Varsovie et de l'Union soviétique, tout lieutenant possédant des connaissances élémentaires dirait que la "ligne de défense" n'y est plus. Il suffit de mener une vie normale: avoir des valeurs communes, un espace européen commun.

Nous avons signé à plusieurs reprises des "slogans" différents: "de l'Atlantique au Pacifique", "de Lisbonne à Vladivostok", "nous sommes tous frères et sœurs à présent". Mais ils conservaient toujours leur nature militaire et continuaient à déplacer la "ligne de défense" jusqu'à nos frontières. Nous venons de discuter en détail des conséquences de cette politique. Ces derniers mois, le secrétaire général de l'Otan et des hommes politiques belligérants, tels que le ministre britannique des Affaires étrangères, déclaraient publiquement que l'Alliance devait avoir une responsabilité mondiale. L'Otan est chargée de la sécurité dans le Pacifique. Cela signifie probablement que la prochaine fois, la "ligne de défense" de l'Otan bougera vers la mer de Chine méridionale.

À propos, non seulement les membres de l'Otan, mais les dirigeants de l'UE ont également décidé de "jouer à la guerre". Ursula von der Leyen, qui dans sa belligérance rivalise désormais avec le diplomate en chef de l'UE Josep Borrell, a déclaré que l'UE devrait être chargée de la sécurité dans la région indopacifique. Comment vont-ils procéder? On parle d'une "armée" de l'Union européenne. Personne ne leur permettra de créer cette "armée" tant que l'Alliance de l'Atlantique Nord existe. Apparemment l'Otan ne sera même pas réformée. Ils veulent créer une alliance globale avec une ambition de domination militaire dans le monde entier à partir de cette "alliance défensive". C'est un chemin dangereux. Il est sans aucun doute voué à l’échec.

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