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Interview de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, accordée aux médias russes et étrangers par visioconférence sur les questions de l'agenda international, Moscou, 14 avril 2020

 

Comme la plupart de nos collègues d'autres professions et spécialités, nous travaillons à distance à l'heure actuelle. C'est pourquoi nous avons temporairement suspendu les formes traditionnelles d'activité diplomatique telles que l'échange de visites, les pourparlers suivis de conférences de presse et de commentaires. Puisque nous recevons des questions sur l'évolution de l'activité de la Russie en politique étrangère dans ces conditions, nous avons répondu à votre requête en organisant aujourd'hui une interview.

Question: Étudie-t-on à l'heure actuelle la possibilité de modifier les règles de départ des Russes à l'étranger au vu de la pandémie de coronavirus, même après la réouverture des frontières? Si oui, quelle forme cela pourrait-il prendre - des visas de sortie, un test au coronavirus négatif obligatoire, quoi d'autre encore? Évoquez-vous cette éventualité avec nos partenaires aujourd'hui?

Sergueï Lavrov: Cette question n'est évoquée par personne pour l'instant. Je ne pense pas que qui que ce soit veuille partir à l'étranger en ce moment. En principe, il ne peut y avoir aucune interdiction car le droit de circuler librement est fixé dans notre Constitution. Je pense qu'en ce moment il est simplement question de la nécessité de faire en sorte que le moins grand nombre possible de gens tombe malade et meure. Toutes les mesures prises par le Centre opérationnel du gouvernement de la Fédération de Russie sont bien connues. Nous appliquons rigoureusement ces décisions.

Je répète, en ce qui concerne la sortie du pays, que personne n'a l'intention d'instaurer des visas de sortie. Je ne peux m'imaginer une situation où une telle idée serait abordée sur un plan pratique. Je n'entretiendrais donc pas de crainte pour ceux qui voudront profiter de ce droit constitutionnel quand une telle capacité physique sera rétablie, notamment par la communication aérienne et d'autres moyens de déplacement.

Question: Ma question est évidemment liée au coronavirus également. Washington continue de critiquer les actions de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Que pense la Russie d'un tel comportement à l'heure où le monde entier, pratiquement tous les pays, continuent de se battre avec l'OMS contre le coronavirus dans une situation de pandémie? Cette critique est-elle utile, constructive, ou faudrait-il éviter de se conduire ainsi aujourd'hui?

Sergueï Lavrov: En principe, ce que l'OMS a fait et quand elle l'a fait est bien connu. Ces statistiques sont disponibles. Je pense que tous ceux qui prendront connaissance de la chronologie des actions, des déclarations et des décisions concrètes prises par l'OMS verront que cette organisation a agi de manière efficace. De plus, le fait que l'OMS jouait et joue encore un rôle de coordination important en aidant à combattre la pandémie est reflété dans la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies récemment adoptée par consensus et dans la déclaration finale du sommet extraordinaire du G20. Dans les deux cas, les États-Unis ont activement soutenu le consensus. Nous partons du principe que c'est la position officielle de l’État.

Bien sûr, je voudrais mettre en garde contre les tentatives de politiser le thème du coronavirus. C'est pourtant ce que nous constatons non seulement par rapport au rôle de l'OMS, mais également des accusations visant tel ou tel pays. Il serait préférable de se concentrer sur les démarches concrètes pour stopper la pandémie et sa prolifération, pour minimiser le préjudice, notamment à la santé et à la vie des humains. Par la suite, il sera possible d'analyser les leçons de la "campagne" et ses erreurs, le rôle des institutions multilatérales.

Encore un aspect concret concernant l'OMS: quand nous parlons de ses actions, n'oublions pas que les États-Unis sont le principal sponsor de cette Organisation. Or le plus grand sponsor possède toujours une représentation de cadres prioritaire dans les structures et les secrétariats des organisations internationales. A l'OMS travaille le plus grand nombre d'Américains aux postes clés, qui sont, bien sûr, des spécialistes et prennent des décisions professionnelles et consciencieuses.

Question: Nous avons également remarqué que la prolifération du coronavirus avait entraîné des changements dans la vie internationale, sur le plan économique et politique. D'après vous, quel mécanisme faut-il créer aujourd'hui pour que les puissances de la planète combattent la pandémie de manière solidaire? Si la pandémie n'était pas vaincue rapidement, faudrait-il craindre une menace pour la paix et la stabilité dans le monde entier?

Sergueï Lavrov: Bien évidemment, la pandémie a causé de très graves problèmes, notamment en ce qui concerne la tâche prioritaire: sauver la vie des gens, garantir leur sécurité, leur sécurité médico-biologique, ainsi que préserver l'environnement de l'homme pour qu'il soit confortable et ne comporte aucune menace pour sa vie et sa santé.

Le deuxième défi, et tout le monde le mentionne, c'est l'économie. L'économie de chaque pays et l'économie mondiale. L'impact du coronavirus sur les échanges commerciaux et les investissements, sur le cours des devises. Vous voyez ce qui se passe avec la demande de différents produits qui étaient généralement très demandés. Je fais notamment allusion aux hydrocarbures, évidemment. Tout cela doit être réglé aujourd'hui "sur le tas", au niveau de différents pays, des organisations dont ils font partie. C'est indéniablement le deuxième défi prioritaire pour l'humanité.

Le troisième défi consiste en ce que la situation actuelle est une épreuve de résistance non seulement pour les États, mais également pour les associations, notamment d'intégration, dont ces organisations font partie. Je pense que quand nous surmonterons cette menace globale grâce à nos efforts communs, quand nous mettrons au point "l'antidote" en cas de répétition de tels événements à l'avenir, nous devrons repenser de nombreuses choses en ce qui concerne l'activité des structures multilatérales. Nous comprendrons mieux ce que pensent notamment les Européens de l'UE, de l'Otan. Nous comprendrons mieux l'approche à adopter de la coopération dans l'espace postsoviétique, de l'activité de l'Union économique eurasiatique (UEE), de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et d'autres structures. Les discussions seront certainement très prometteuses dans les formats comme le G20 et le groupe des Brics. D'ailleurs, je rappelle que dès 2018 dans le cadre des Brics avait été prise une décision concernant le programme de coopération pour élaborer et utiliser les vaccins. Avec nos partenaires chinois nous pensons que de tels projets sont très pertinents.

Si nous parlons des relations russo-chinoises dans le contexte de cette pandémie, nous coopérons depuis le début de la crise. Début février 2020, nous avons évacué nos citoyens de Wuhan et y avons envoyé une aide humanitaire. Nous recevons aujourd'hui l'aide de nos amis chinois, qui ont réussi à surmonter le pic de cette pandémie, à normaliser la situation du pays et la vie de la population. L'entraide est un principe fondamental, selon moi, qui doit être appliqué par tous les pays en cette période difficile.

Question: D'après vous, la propagation du coronavirus pourrait-elle affecter l'organisation du sommet des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies initialement prévu pour septembre prochain à New York? Ce sommet pourrait-il être organisé plus tôt compte tenu de la nécessité d'élaborer une réponse collective au coronavirus? Évoque-t-on la possibilité d'organiser cette réunion en visioconférence?

Sergueï Lavrov: Je précise tout de suite qu'aucune date concrète n'avait été convenue pour le sommet qui devait réunir physiquement les dirigeants des cinq États membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies (et tous nos partenaires des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies sont d'accord avec cela). Nous sommes convenus d'orienter cette activité sur une grande analyse de la situation dans le monde dans tous les domaines liés d'une manière ou d'une autre à la sécurité des gens, à la stabilité stratégique. L'ordre du jour concret est évoqué actuellement au niveau des ministères des Affaires étrangères.

Je sais qu'on a parlé de septembre, mais aucune décision n'a été prise. Ces délais doivent être convenus par consensus par tous les chefs d’État.

En ce qui concerne la possibilité d'une visioconférence, nous ne l'écartons pas, mais pas en remplacement du sommet principal, et seulement si les chefs d’État jugeaient nécessaire, à l'étape actuelle, de se consulter concernant les priorités immédiates en matière de démarches supplémentaires pour combattre le coronavirus.

Question: La prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères des membres du Conseil de l'Europe, prévue à Strasbourg en mai prochain, aura-t-elle lieu? Par exemple, votre homologue allemand Heiko Maas a dit récemment qu'il souhaitait absolument vous rencontrer en personne et qu'il était même prêt à porter un masque pendant les pourparlers. Dans quelle mesure une rencontre au mois de mai est-elle réaliste?

Sergueï Lavrov: Puisque Heiko Maas l'a déclaré publiquement sans rien me dire directement, je voudrais également lui transmettre par votre biais mon invitation à venir à tout moment s'il trouvait un moyen de se rendre à Moscou. Dès son atterrissage, nous garantirions la sécurité totale de sa vie et de sa santé, ainsi que de sa délégation. Qu'il vienne. Heiko, si tu m'entends, je le dis sérieusement.

En ce qui concerne la session du Comité des ministres du Conseil de l'Europe (CMCE) prévue en mai, qui marquera la fin de la présidence géorgienne, en effet les Géorgiens ont demandé de l'organiser à Strasbourg à cause de leurs problèmes intérieurs que je ne commenterai pas. Mais, en raison du coronavirus, le Conseil de l'Europe a proposé d'organiser la réunion du CMCE en novembre sur le territoire de la Grèce, qui succédera à la Géorgie à la présidence du Conseil de l'Europe.

Question: Est-il possible que quand l'épidémie se terminera, le format de vidéo-diplomatie à distance reste plus sollicité que les pourparlers traditionnels?

Sergueï Lavrov: Je pense que la méthode de transfert des accents de l'activité diplomatique sur les rails de la visioconférence sera utilisée. Elle l'était déjà avant la pandémie, mais rien ne remplacera la communication personnelle. Certaines choses, par définition, sont impossibles à discuter autrement qu'en face à face. Je l'ai dit à plusieurs reprises. Les moyens sophistiqués, qu'il faut maîtriser, ne remplaceront jamais la communication personnelle. D'autant qu'il existe des choses qui ne peuvent être confiées au papier ni aux moyens de communication électroniques, qui ne peuvent être évoquées que dans la confidentialité absolue.

Question: Ce weekend, le vice-Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov a déclaré que la Russie et les États-Unis étaient convenus de la création d'un groupe de travail sur l'espace. Pourquoi est-ce important aujourd'hui, pendant la pandémie? Que veut concrètement obtenir la Russie de ce groupe?

Sergueï Lavrov: Ce n'est pas que nous voulons obtenir quelque chose. C'est simplement le résultat de notre dialogue avec les États-Unis, qui dure depuis relativement longtemps, au sujet des mécanismes concernant les problèmes mondiaux que nous jugeons d'actualité à Moscou et à Washington, sur quelles questions la coopération russo-américaine peut être la plus utile. Bien évidemment, l'espace extra-atmosphérique et tout ce qui le concerne est l'un de ces problèmes où nos pays occupent une position centrale, ce qui a été récemment confirmé durant le contact du Président russe Vladimir Poutine avec l'équipage russo-américain de la Station spatiale internationale (ISS) et lors des entretiens téléphoniques entre nos présidents, notamment le jour de la Journée de la cosmonautique le 12 avril 2020. Avec les États-Unis, nous avons l'intention de relancer un travail plus objectif sur la stabilité stratégique dans l'ensemble.

Le Secrétaire d’État américain m'a téléphoné il y a quelques semaines. Dans les jours à venir, je voudrais m'entretenir de nouveau avec lui par téléphone. Mike Pompeo a mentionné la reprise des négociations sur la maîtrise des armements, la stabilité stratégique dans l'ensemble. Nous saluons activement un tel intérêt des partenaires américains car nous les incitons depuis longtemps à s'occuper de ces problèmes plus activement.

Des consultations se sont déroulées au niveau de nos adjoints. Le vice-Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov en était chargé côté russe. Mais nous souhaitons des discussions bien plus concrètes, notamment au sujet du Traité sur la réduction des armes stratégiques (START), sur son sort. Nous sommes également ouverts à une discussion sur les nouvelles élaborations, y compris l'arme hypersonique, dans le contexte, je le souligne, de la prise en compte de tous les aspects et facteurs qui influencent la stabilité stratégique sans exception. Cela concerne aussi les plans d'envoyer des armes dans l'espace, l'armement stratégique non nucléaire, l'avenir du Traité sur l'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et bien d'autres. Nous voulons évoquer toutes ces questions, y compris les problèmes relatifs à l'espace.

En ce qui concerne l'espace, nous sommes prêts à parler avec nos collègues américains non seulement de l'initiative russo-chinoise de longue date visant à empêcher le déploiement des armes dans l'espace. En fait, les Américains sont les seuls à ne pas vouloir donner le feu vert à cette initiative. Tout en poursuivant les discussions à ce sujet, nous sommes prêts à parler de notre coopération dans l'exploitation pacifique de l'espace extra-atmosphérique. Nous avons remarqué le mémorandum signé par le Président américain Donald Trump concernant les perspectives de la conquête spatiale, y compris de la Lune. Il a souligné que les États-Unis approchaient ce problème en se basant sur les dispositions du Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, de 1967. La Russie et les États-Unis sont signataires de ce Traité. Tout comme les États-Unis, nous n'avons pas adhéré à un autre Accord régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes, datant de 1979. Un peu plus de dix pays y participent, mais aucune grande puissance spatiale. La Russie et les États-Unis sont attachés aux principes du Traité de 1967. C'est pourquoi, au vu des initiatives avancées par Donald Trump (or dans ce mémorandum il a directement souligné la nécessité de garantir un soutien international aux plans de conquête, notamment de la Lune, conformément au Traité de 1967) nous jugeons cette approche correcte et sommes prêts à coopérer pour trouver des approches mutuellement acceptables.

Question: Début avril, les autorités de Prague ont démantelé la statue du maréchal de l'Union soviétique Ivan Konev, dont les troupes ont participé à la libération de la capitale tchèque - entre autres. La Russie a immédiatement proposé que lui soit remise la statue. A ce que l'on sache, le Ministère tchèque de la Défense a refusé. Quelles démarches seront engagées par la Russie? Avons-nous l'intention de continuer d'exiger que le monument nous soit remis?

Sergueï Lavrov: Bien sûr, les actions de la mairie de Prague sont révoltantes et cyniques. Elles sont contraires à l'Accord d'amitié et de coopération que nous avons signé avec la République Tchèque en 1993, qui engage les parties à préserver les monuments et mémoriaux militaires, à assurer l'accès et l'entretien de ces derniers. Les déclarations des autorités tchèques selon lesquelles les termes de cet accord n'auraient pas été enfreints sont de mauvaise foi.

On peut percevoir ces faits plus ou moins négativement. La déclaration du Président tchèque Miloš Zeman a attiré mon attention: il a déclaré que ce qui avait été fait avec le monument était stupide et dérisoire. Il n'y a rien de dérisoire, honnêtement. Cet acte a sapé les accords qui constituent la base de nos relations depuis 30 ans, c'est un fait.

On nous affirme que cette statue était une propriété municipale. Mais nous savons parfaitement que ce n'est pas le cas parce qu'avant son démantèlement elle était inscrite dans le registre de la République à titre d'objet mémoriel. Nous partons du principe que cette question ne peut être réglée que conformément aux termes de l'Accord de 1993 mentionné. D'ailleurs, des activistes tchèques non indifférents expriment déjà leur désaccord et leur indignation. Des associations et des ONG tchèques ont déposé une plainte contre les agissements des autorités municipales de Prague-6. Plusieurs ONG envoient à l'Ambassade des notes qui soulignent leur solidarité avec notre position sur l'inadmissibilité d'une telle attitude envers les résultats de la Seconde Guerre mondiale.

Un détail curieux a été découvert. Vous le savez, la décision a été prise par le district municipal de Prague-6 dirigée par Ondřej Kolář. Son père a travaillé au Ministère des Affaires étrangères tchèque, ainsi qu'en tant qu'Ambassadeur aux États-Unis et en Russie, et à l'heure actuelle il est conseiller au sein d'une société américaine qui, je le souligne, a préparé pour les autorités municipales tchèques la note justifiant le démantèlement du monument.

Nous exigerons le respect à part entière des engagements des collègues tchèques dans le cadre de l'Accord de 1993. Nous espérons vraiment qu'ils ont conscience des risques de l'aggravation de cette situation.

Question: Tandis que l'Onu, l'OMS et les capitales mondiales appellent à unir les efforts face à la menace commune, certaines forces semblent chercher le bon moment pour agir. Il s'agit aussi bien de la situation relative au démantèlement du monument au maréchal Ivan Konev que des tentatives de déclencher un scandale autour de l'aide russe au profit de certains pays européens. D'après vous, quelles sont ces forces? Qui est derrière? Quels sont leurs objectifs?

Sergueï Lavrov: Ce sont des réflexes "russophobes", similaires aux réflexes découverts par notre grand chercheur Ivan Pavlov. On les constatait avant la pandémie, et malheureusement pendant celle-ci, et je m'attends à ce que ces réflexes continuent de se manifester une fois qu'elle sera terminée.

Il y a des hommes politiques qui œuvrent uniquement dans le champ russophobe parce qu'ils ne sont adaptés à rien d'autre. La russophobie, comme le montre la pratique, leur donne la possibilité de vivre aisément, de bénéficier d'un soutien de certaines capitales. Pas besoin de les énumérer. Je pense que c'est regrettable.

J'ai mentionné, en répondant à une question précédente, qu'il convenait de revoir en profondeur le rôle et les capacités des États face aux menaces globales, ainsi que le rôle, les capacités et la consistance des structures multilatérales dont font partie ces États. Je parle de toutes les associations qui existent en Eurasie, dans la région euro-atlantique et ailleurs. Nous devrons comprendre si nous voulons moraliser ou agir moralement. C'est l'une des principales conclusions à en tirer. Je pense que les conceptions qui mettront l'accent sur la cohésion de l'humanité ont des perspectives.

Nos amis chinois ont avancé la conception du sort commun de l'humanité. Cette vision est critiquée, car certains soupçonnent que derrière les belles paroles se cachent des intérêts. Peut-être. Mais c'est une proposition soumise au débat général. C'est une conception qui vise à unir les efforts. Lorsque des idées de contention de la Russie, de la Chine et d'autres pays sont avancées, c'est une nouvelle philosophie négative. Elle émane de la négativité, de l'accent sur les thèmes de confrontation et l'attisement des divergences. Je pense que la popularité et la demande en individus qui règnent dans ce domaine ne cesseront de diminuer à l'issue de la pandémie de coronavirus.

Question: Il y a dix jours, la Russie a envoyé aux États-Unis un avion avec un chargement de matériel pour combattre le coronavirus. Est-ce que Moscou compte continuer d'apporter une aide aux partenaires américains?

Vous avez parlé de l'intention de développer le dialogue avec les Américains, notamment sur les armes stratégiques, l'espace, mais cela nécessite des contacts. Est-ce que les contacts se poursuivent actuellement à distance avec les collègues américains, au niveau de vos adjoints?

Sergueï Lavrov: Des équipements médicaux, des consommables et des moyens de protection individuelle ont été envoyés aux États-Unis sur entente directe entre le Président russe et le Président américain. Donald Trump a fait part de son souhait de recevoir de tels chargements. Ils ont été envoyés. Vous le savez, ils ont été payés par les entreprises russes et américaines concernées. Si de nouvelles requêtes d'aide des autorités américaines nous parvenaient pour la livraison d'équipements et de moyens de protection, bien évidemment, nous les étudierions. Vladimir Poutine et Donald Trump en ont parlé avant-hier lors de leur dernier entretien téléphonique en date. Le Président américain a également souligné que si la Russie avait des besoins supplémentaires, les États-Unis seraient prêts à envoyer les équipements nécessaires quand leur production en quantité suffisante sera mise en place. Je trouve que c'est une approche de partenariat normale. Et qu'elle mérite tout le soutien.

En ce qui concerne les pourparlers, comme je l'ai déjà dit, actuellement nous travaillons tous à distance. Certaines choses, notamment la stabilité stratégique que vous avez mentionnée sous tous ses aspects, peuvent être très bien discutées dans le cadre de conférences téléphoniques et vidéo. Et il existe des sujets qu'il vaut mieux reporter jusqu'à ce que la situation dans le monde permette de rétablir les contacts diplomatiques directs. Nous partons de ce principe actuellement.

Question: Quelles sanctions, américaines ou européennes, doivent être levées en priorité selon vous? Comment cela pourrait-il être lié à la pandémie de coronavirus?

Sergueï Lavrov: Cela peut être lié directement. Le Secrétaire général de l'Onu Antonio Guterres l'a clairement fait remarquer. Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme, a avancé la même initiative en appelant, dans le contexte de la mobilisation des efforts pour combattre le coronavirus, à renoncer, entre autres, aux sanctions unilatérales empêchant la fourniture de produits médicaux et d'autres biens de première nécessité dont les gens ont tant besoin pour respecter les recommandations des médecins. Les sanctions unilatérales sont illégales en soi, et les sanctions adoptées en contournant l'Onu, qui réduisent la capacité de lutter contre la pandémie dans les conditions actuelles, sont complètement amorales et inhumaines.

Nous assistons à des initiatives comme l'aide envoyée par l'homme d'affaires chinois Jack Ma, fondateur d'Alibaba Group, aux pays d'Amérique latine. Elle a été acheminée. Mais ce qui était destiné à Cuba a été bloqué par les autorités américaines, qui ont empêché son arrivée à La Havane. De la même manière, les Américains interdisent aux Cubains d'acheter les équipements médicaux nécessaires pour de l'argent, en usant de leur position sur le marché de ces produits et du rôle du dollar dans les opérations bancaires. En parallèle, les États-Unis (à mon plus grand regret, c'est indigne d'un grand pays) ont lancé toute une campagne pour discréditer les médecins cubains qui travaillent dans des dizaines de pays et remplissent des tâches primordiales dans le domaine de la santé. Ils le font depuis des années - ils travaillent en Amérique latine et ailleurs dans le monde, ils le faisaient bien avant la pandémie. Aujourd’hui, dans les conditions actuelles, en faisant preuve de leurs meilleures qualités nationales, les Cubains travaillent dans presque 60 pays, notamment en Europe, en particulier en Italie, en remplissant des tâches primordiales. La dignité de ce peuple mérite le plus grand respect.

Il est important que le caractère inadmissible des sanctions unilatérales, qui plus est affectant les intérêts humanitaires des gens ordinaires, prenne la forme d'un accord international. L'Assemblée générale des Nations unies a adopté la première résolution contenant les principes de la lutte contre le coronavirus. Je pense qu'une autre suivra. La déclaration conjointe du Groupe des 77 (G77) et de la Chine, entièrement soutenue par la Russie, a été adopté et diffusée sous la forme d'un document officiel de l'Onu. Il stipule clairement l'inadmissibilité des sanctions unilatérales, qui plus est dans les conditions où une telle menace pèse sur toute l'humanité.

Nous parlons également de la réaction aux événements par le Conseil de sécurité des Nations unies compte tenu du coronavirus. Je suis convaincu que dans chaque décision en la matière, le Conseil de sécurité des Nations unies ne peut passer à côté du problème des sanctions unilatérales illégitimes décrétées en contournant cet organe central de l'Onu. Depuis des années, bien avant la situation actuelle, la Russie et bien d'autres États défendent le concept d'une limite humanitaire aux sanctions. Quand nos collègues occidentaux imposent des sanctions pendant les négociations au Conseil de sécurité des Nations unies, quand ils décrètent unilatéralement des restrictions, ils disent que ces restrictions ne sont pas dirigées contre les peuples, mais contre les "régimes", disent-ils, pour les "inciter à modifier leur conduite". Il n'y a rien de tel. Regardez les résultats des sanctions au Venezuela, en Iran, en Corée du Nord, en Syrie, à Cuba et dans d'autres pays: elles portent un préjudice direct à la situation des gens ordinaires. C'est pourquoi le thème des sanctions illégitimes et de l'inadmissibilité de transgresser les critères humanitaires deviendra encore plus d'actualité lorsque nous sortirons de cette situation de crise.

Question: Que pensez-vous du recueil de signatures par les représentants des forces progressistes dans les pays comme le Royaume-Uni et la France, ainsi que des efforts de certains pays pour lever le blocus américain contre Cuba - une politique de Washington qui devient absolument cynique et inhumaine alors que le monde entier se bat contre la pandémie de coronavirus?

Sergueï Lavrov: La politique de blocus de Cuba menée par les États-Unis depuis des décennies n'est soutenue par pratiquement personne. Chaque année, l'Assemblée générale des Nations unies adopte une résolution caractérisant ce blocus comme inadmissible et exigeant de le lever immédiatement. La dernière résolution adoptée en novembre 2019 a obtenu un nombre record de votes: 187. Seulement trois pays ont voté contre: les États-Unis, Israël et, malheureusement, le Brésil. Deux pays se sont abstenus: la Colombie et l'Ukraine, ce qui est également très regrettable. La grande majorité des voix exigeant de mettre un terme à cette pratique illégale constitue un signal très puissant.

Malheureusement, ces signaux n'ont eu aucun effet notoire sur Washington. Dans nos contacts avec les collègues américains, nous pointons la contre-productivité de cette approche. Le peuple cubain souhaite avoir de bonnes relations avec tous les pays, États-Unis y compris. Nous nous en persuadons à chaque fois que nous communiquons avec nos amis cubains. Cela n'est possible, évidemment, que sur la base d'un respect réciproque et des principes fondamentaux de la Charte de l'Onu, avant tout la souveraineté et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

Question: Plus tôt, vous avez appelé à ne pas politiser l'épidémie de coronavirus. Mais cela a lieu, et la Russie est accusée de politiser le coronavirus. Josep Borrell, Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a déclaré dans une interview que la Russie et la Chine apportaient leur aide à d'autres pays, par exemple à l'Italie, afin de renforcer leur rôle géopolitique dans le monde. Que pouvez-vous dire à ce sujet? Comment la politique étrangère de la Russie évolue-t-elle réellement dans les conditions du coronavirus? Comment pourrait changer la géopolitique mondiale après cette pandémie?

Sergueï Lavrov: En ce qui concerne la première partie de la question: il existe plusieurs proverbes, par exemple: "Chacun comprend à la mesure de sa perversion", de son éducation si vous voulez; "l'obsession révèle les complexes". Voilà en ce qui concerne l'instrumentalisation de questions purement humanitaires au profit de la confrontation géopolitique. Il est regrettable que Josep Borrell ait dit ce que vous avez cité. Il est regrettable que des gens tentent de faire une tempête dans un verre d'eau et de présenter ce qui a lieu, disons, en Italie, pratiquement comme une invasion sur le territoire de l'Otan et de l'UE.

Malheureusement, de telles publications paraissent également dans certains médias italiens. Récemment, le quotidien La Stampa a publié un article sur ce thème et a tenté de manière absolument infondée de diminuer et de discréditer la signification de l'aide russe apportée à l'Italie. Je rappelle une chose très simple à ceux qui font de telles affirmations, y compris mon bon camarade Josep Borrell. La Russie a accordé une aide à l'Italie à sa demande directe, à la demande directe du Premier ministre de ce pays Giuseppe Conte. Je pense que tout est dit.

Le fait que notre Ambassade à Rome reçoive des dizaines, des centaines d'appels et de messages de la part d'Italiens ordinaires pour exprimer leur gratitude est la meilleure réponse à toutes les insinuations qui tentent de diminuer la signification de ce qui se passe et de lui donner une nature géopolitique.

Vous avez mentionné que la Chine faisait l'objet du même reproche. Oui, nous le voyons et l'entendons. C'est aussi regrettable parce que nos amis chinois, qui ont surmonté le pic de l'épidémie dans leur pays, relancent l'économie, ne s'enferment pas sur eux-mêmes. Ils cherchent à aider les autres pays par tous les moyens, à partager leur expérience acquise dans la lutte contre ce mal en Chine. Quand nous entendons dire que la Chine devrait prétendument "payer tout le monde pour l'apparition de cette infection" et que "quelqu'un n'a pas informé les autres à temps", cela dépasse toutes les limites, c'est complètement indécent. J'ai entendu que quelqu'un à Londres avait calculé que la Chine devait 3.700 milliards de dollars ou d'euros à l'UE pour le préjudice causé par la pandémie. Certains appellent même à saisir la propriété chinoise à l'étranger si la Chine ne versait pas cette indemnité. Cela est dit sérieusement et publiquement. Ce sont des représentants officiels. Je pense que c'est complètement inadmissible. Il ne faut pas juger les autres selon soi-même, parce que nous entendons de telles réflexions avant tout de la part de nos collègues occidentaux.

Pour parler des exploits de chacun, récemment 550 militaires contaminés par le coronavirus ont été découverts sur le porte-avions USS Theodore Roosevelt. C'est un quart, voire un tiers du personnel à bord du porte-avions. Il a également été rapporté que sur d'autres porte-avions américains le coronavirus commençait à sévir. La presse américaine suppose que la situation dans les bases américaines à travers le monde est loin d'être favorable. Or c'est près de 800 sites situés autour de la Russie et de la Chine. Que faire avec cela?

Je pense qu'il est fondamental de ne pas essayer de pointer du doigt quelqu'un, mais de comprendre que c'est un malheur commun, qu'il est possible de combattre seulement ensemble, en unissant les efforts, et non en opposant tel ou tel pays.                                        

Question: Ma question porte sur les conditions de travail du Ministère russe des Affaires étrangères dans la situation actuelle: le Département d’État américain a récemment déclaré que parmi les diplomates américains plus de 300 avaient déjà été contaminés par le coronavirus, et qu'il y avait même quatre cas mortels. Qu'en est-il de la situation au Ministère russe des Affaires étrangères?

Sergueï Lavrov: Immédiatement après la décision du Centre opérationnel, nous avons pris des mesures de précaution au sein de notre Ministère et des établissements diplomatiques à l'étranger. Au Ministère russe des Affaires étrangères, tant au niveau de l'Appareil central que de nos organes territoriaux, environ la moitié des collaborateurs travaillent désormais à distance. Seul le personnel indispensable reste à son poste dans les bâtiments du Ministère des Affaires étrangères. Mais nous travaillons tous en respectant la "distanciation sociale", toutes les mesures d'hygiène et sanitaires, que tout le monde doit observer.

En ce qui concerne les établissements à l'étranger, nous avons annulé les congés et les missions. Tous nos collègues travaillent dans les ambassades, dans les consulats généraux et appliquent également les exigences de nos autorités sanitaires. Cela implique aussi, évidemment, des éléments de quarantaine. En particulier, dans nos écoles auprès des établissements diplomatiques à l'étranger, les cours se déroulent à distance. Cela n'est pas toujours simple, les capacités techniques ne sont pas disponibles partout, mais la situation exige que nous prenions ces mesures. Tous nos collaborateurs qui travaillent à leur poste ou à distance sont soumis à des vérifications quotidiennes. Dieu nous a épargné et j'espère que si nous respectons toutes les exigences de Rospotrebnadzor et du Ministère de la Santé, nous pourrons surmonter ce virus avec succès.

Question: Je voudrais poser une question sur l'avenir. Au fil des 75 années de paix depuis la dernière guerre mondiale, après laquelle a été instauré le dernier ordre mondial en date, plusieurs pays, dont la Russie, ont tenté de contenir le début d'une autre grande guerre. Mais, malheureusement, elle a commencé récemment. C'est une guerre pour la vie. Elle a lieu dans le monde entier, aussi pompeux que cela puisse sonner. Tôt ou tard la pandémie se terminera, mais le monde ne sera plus comme avant. Actuellement, chaque pays agit littéralement chacun pour soi, même si nous avons beaucoup parlé aujourd'hui de l'aide russe à l'Italie, à l'Amérique et à la Serbie. Nous recevions et recevons également une aide de la Chine. Mais globalement il n'existe aucune cohésion, pas de travail commun face à la pandémie mondiale. De plus, les alliances qui existent à l'heure actuelle ont montré qu'elles ne fonctionnaient pas dans le cas présent. D'après vous, quel sera l'impact de tout cela sur l'ordre mondial à terme? A quoi ressemblera-t-il à l'issue de la pandémie?

Sergueï Lavrov: J'ai mentionné, en répondant à l'une des premières questions, que le troisième plus grand défi hormis la lutte contre la pandémie en soi et le règlement des problèmes gravissimes dans l'économie de tous les pays et dans l'économie mondiale était le sort des structures multilatérales, leur rôle, leur consistance. Les résultats de la lutte contre le coronavirus montreront quels pays, quelles structures multilatérales ont résisté à l'épreuve de cette terrible menace, de cette crise. Je comprends votre inquiétude vis-à-vis du fait que les actes égoïstes de certains pays auxquels nous assistons aujourd'hui pourraient prédominer, et qu'à terme des tentatives seront entreprises pour fermer les yeux dessus. Dès à présent les pays de l'espace Schengen débattent avec inquiétude de savoir comment ils vont vivre et cohabiter. Mais je pense que l'approche collective prévaudra tout de même. Peut-être pas dans l'immédiat. Pour cela il faudra se rencontrer et persuader. Mais il n'y a pas d'autre voie possible.

A présent nous devons tous espérer et tout faire pour que la crise devienne un "vaccin" contre l'égoïsme, le messianisme et la tentation de continuer de régler ses problèmes au détriment des intérêts d'autres pays. Cela n'arrivera peut-être pas tout de suite. Il faut également compter sur les faits, qui sont de plus en plus nombreux, montrant la difficulté à combattre de telles menaces en solitaire. Il faut compter sur la force de la persuasion. Pendant la réunion au sommet prévue au niveau des cinq États membres du Conseil de sécurité des Nations unies les dirigeants, réunis pour évoquer la stabilité stratégique et la sécurité, aborderont forcément les problèmes relatifs au fonctionnement et au rôle des institutions multilatérales à terme.

Question: J'ai une question concernant l'aide humanitaire à d'autres pays. Quelles sont les réactions à celle-ci, qu'avez-vous entendu, et attendons-nous une meilleure attitude à terme envers Moscou de la part des pays européens, voire une éventuelle levée des sanctions?

Sergueï Lavrov: Nous avons déclaré à plusieurs reprises que les sanctions étaient un sujet duquel nous ne débattrons pas. Si l'UE comprenait que cette méthode était obsolète et renonçait aux décisions prises en 2014, bien évidemment nous réagirions par la réciproque. Mais nous n'avons pas l'intention de demander de le faire. De plus, j'ai dit plusieurs fois que dans une situation où nos partenaires nous ont fait défaut, ont renoncé à leurs engagements sur de nombreux sujets, nous nous sommes engagés sur une voie basée sur nos propre forces face à tous les changements d'humeur éventuels de nos collègues occidentaux. Cela ne signifierait en aucun cas un isolement. Nous sommes toujours ouverts à une coopération à part entière, équitable et mutuellement avantageuse. Mais nous devons absolument, compte tenu de la conduite de l'Occident après 2014, nous prémunir contre la répétition de tels excès dans la position de nos collègues occidentaux.

Je rappelle qu'en ce qui concerne les événements de 2014 en Ukraine, nous devons blâmer l'Occident, qui en la personne de la France, de l'Allemagne, de la Pologne et des États-Unis, a activement promu l'accord signé par le président ukrainien de l'époque Viktor Ianoukovitch avec l'opposition, qui a été approuvé par écrit par Paris, Berlin et Varsovie. Et quand le lendemain matin cet accord a été piétiné, tous nos collègues occidentaux ont déclaré sans hésiter que "la démocratie avait pris le dessus". Or nous voyons aujourd'hui ce que cette démocratie représente: des marches aux flambeaux avec des drapeaux des divisions SS, avec des drapeaux interdits, notamment en Occident, des organisations ultra-extrémistes.

Je me suis exprimé plusieurs fois à ce sujet. Je suis absolument opposé aux sanctions adoptées en contournant la Charte de l'Onu, mais nous ne ferons pas de leur annulation à tout prix une priorité dans nos relations avec l'UE. Nous nous concentrerons patiemment sur les affaires constructives dans notre pays et sur le développement des relations avec ceux qui sont prêts à le faire sans aucune réserve. Et ces pays sont nombreux en UE aussi, d'ailleurs. J'espère que les leçons de cette crise nous seront bénéfiques à tous.

 

 

 

 

 

 

 

 

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